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dimanche 13 avril 2025

Fiche de lecture - Jacques Driencourt - La propagande nouvelle force politique - 1950

Jacques Driencourt explore dans son ouvrage publié en 1950 « La propagande, nouvelle force politique » l’importance croissante de la propagande au XXe siècle, qu’il considère comme une technique scientifique influençant profondément les sociétés modernes. Le livre analyse comment la propagande, autrefois seulement congrue à un art rudimentaire, est devenue un outil systématique, dirigé grâce aux avancées technologiques comme l’imprimé, le cinéma et la radio. Driencourt met en lumière le rôle de la propagande dans les bouleversements politiques majeurs, tels que le bolchevisme et le nazisme, et souligne son efficacité à manipuler les masses tout en leur donnant l’illusion d’une liberté démocratique. L’auteur insiste également sur l’impact psychologique de la propagande, qui exploite les mécanismes humains pour façonner une nouvelle réalité sociale et politique.

Introduction


La vérité nous paraît être que la propagande est essentiellement un instrument de mobilisation intellectuelle. Driencourt n’a d’ailleurs pas manqué dans son ouvrage de noter que son développement était lié aux grands conflits de l’histoire — nous rappelons que l’ouvrage est écrit en 1950. La guerre fait tout accepter et quand les corps endossent l’uniforme, les esprits doivent le revêtir : la rébellion ici est peut-être vaine ou criminelle, mais la glorification l’est tout autant.


L’utilisation du mot « masse » a servi d’abord à critiquer ceux qui n’étaient pas dans la classe dirigeante et on l’a chargé d’une valeur revendicative. On voudrait nous faire croire que la « masse » est une réalité sociale homogène préexistante, soudée dans une communion naturelle, alors qu’elle n’est que le résultat monstrueux de la propagande qui l’a rassemblée, sédimentée, fabriquée et neutralisée ainsi en détruisant en chacun la conscience individuelle.

L’idée maîtresse pour l’auteur est de faire converger des pensées individuelles vers une pensée de masse, unique et uniforme.


La propagande : définition et utilité

Le début de l'ouvrage de Jacques Driencourt décrit les différents mécanismes de propagande qui sont en cours en France, en Allemagne, et en Union soviétique. Bien entendu ces mécanismes d'influence sur la population ont des objectifs différents qu'il s'agisse d'un pays libre ou d'une dictature. L'avènement de la Seconde Guerre mondiale va d'ailleurs précipiter l'Europe dans un mécanisme de propagande de guerre ou l'Allemagne nazie va tirer parti de sa puissante propagande pilotée par Joseph Goebbels. Le seul salut communicationnel en 1940 et pendant quatre ans, va être la BBC anglaise, qui permettra de contrebalancer les mécanismes propagandistes nazis institués par leur propre organe de pouvoir totalitaire. La BBC devient pendant la guerre une véritable institution européenne, capable de galvaniser la volonté de résistance des peuples occupés, le speaker du monde libre opposé à la domination nazie. Elle permet aux nations occupées de garder un lien avec l'univers démocratique.

« La propagande règne, triomphe. Tout est propagande. Elle imprègne tout, elle déforme tout. C'est désormais en fonction de la propagande que l'on pense, que l'on agit et que l'on réagit. Le règne contemporain de la propagande est un fait. C'est une caractéristique d'une nouvelle forme de civilisation. Les historiens de l'avenir diront que le XXe siècle fut le siècle de la propagande ».

La propagande est principalement une capacité à convaincre un groupe d'individus ou une opinion publique. Convaincre les hommes suppose la manipulation d'instruments compliqués, la connaissance de données scientifiques, la puissance de l'argent et le concours de spécialistes. La propagande, autrefois considérée comme un art rhétorique principalement, devient à l'époque moderne une technique scientifique en ce sens qu'elle repose sur des données statistiques précises et sur la connaissance de variable modélisant une topologie de population, un groupe d'individus ainsi que leur dynamique relationnelle. C'est une technique humaine de contrôle social. Elle est une des formes multiples de coercition sociale que l'homme a inventées et l'on peut facilement dire qu'elle est la plus subtile, donc la plus insidieuse. La propagande s'adresse à l'individu, mais vise le groupe social plus ou moins vaste dont il est membre et dont elle cherche à contrôler les pensées et les actes, comme à provoquer certaines réactions susceptibles d'avoir une conséquence voulue. Il s'agit donc, à travers la dynamique de groupes restreints ou de groupes étendus, de capturer et de modéliser cette dynamique afin d'actionner les meilleurs leviers sociologiques possibles pour étendre et cristalliser une opinion particulière, à un moment précis.

Enfin, la propagande s’inscrit dans une action immédiate. Elle n'a pas le temps d'expliquer un état, son objectif est de créer l'adhésion, de cristalliser une opinion. On pourrait presque parler de création d'un précipité, au sens chimique du terme, qui devient lentement majoritaire. Ces objectifs sont toujours clairement définis et son positionnement précis jusqu'à la caricature. Étant donné son caractère d'adhésion comme objectif final, la propagande peut être politique, commerciale, religieuse, voire publicitaire. Elle peut être étatique ou privée, interne à un pays ou à une culture ou orientée à l'international (exemple avec l'Internationale communiste).

L'auteur fait ici un parallèle entre propagande et éducation. Bien que différents, ces deux concepts possèdent des éléments communs quant à la présentation des faits et la volonté d'imprimer une vision commune à ses destinataires. Les deux concepts en effet sont consubstantiels à la notion d'objectivité des faits.

Enfin, en ce qui concerne la différence entre propagande et information, on peut indiquer que l'objet de l'information est de présenter des faits de manière non biaisée, et de façon totalement désintéressée ; alors que la propagande va potentiellement orienter les faits dans une direction facilitant une adhésion cognitive et toujours travailler son action de manière intéressée, puisque contingente à un but caché.

« Concluons en disant que la propagande est un fait caractéristique de la civilisation contemporaine. Elle est désormais une technique scientifique qui, tant par une action continuelle que par l'utilisation rationnelle et méthodique de certains moyens, a pour but de provoquer l'adhésion des masses à une idée ou à une doctrine, d'obtenir le soutien de leur opinion, voire de les engager dans une action déterminée ».


Les données psychopolitiques de la propagande


Mentionnant dans un premier temps les ouvrages de Gustave Le Bon, Jacques Driencourt considère que son œuvre n’a guère plus de valeur scientifique que de précision historique ; enfin il préfère se concentrer sur un autre auteur, Gabriel Tarde, avec son ouvrage « l’opinion et la foule ». Le célèbre sociologue réalise une étude avec une méthode scientifique pour étudier les rapports existants entre ces deux données de base de la propagande.
« Ainsi le fondement des actions humaines est l’instinct et le sentiment, non la logique et le raisonnement. Comme l’affirmait Spencer, le monde est gouverné par les sentiments auxquels les idées servent seulement de guides. Le mécanisme social repose non sur l’opinion, mais sur le caractère. On voit qu’on est très loin de ceux qui, avec Gustave Le Bon, affirment que les idées conduisent le monde, et l’on mesure le champ immense ouvert à la propagande pour conquérir la domination par l’exploitation scientifique des données du cœur humain ».
« La psychopolitique, comme elle l’a toujours été, mais plus que jamais, est la science de base d’une propagande devenue technique scientifique parce qu’elle ne fait qu’exploiter ses données : les résultats de l’étude systématique, analytique et métrique de la formation et de la propagation de l’opinion ».

L’auteur ici fait la distinction entre foule et rassemblement. La foule apparaît comme un groupe social statique, hétérogène et inconstant : elle n’est pas un instrument d’action. La masse prend de plus en plus d’importance dans la vie sociale contemporaine en tant que somme d’individus dispersés dans l’espace, mais placés à certains égards, dans des conditions et sous des influences semblables, ce qui les rend susceptibles d’être mus par un même vouloir, par le fait qu’ils sont soumis ensemble et en général simultanément à des moyens d’action qui, et touchant tous, éprouve chacun isolément.

« La foule a besoin de représentation concrète et assez primitive. D’où cette caractéristique fondamentale de la prédominance dans son comportement des manifestations de la vie affective sur la vie logique, prédominance qu’accompagne un grand nombre de caractères secondaires. C’est la substitution de l’instinct à la réflexion, de la nature à la raison. La foule est menée par la spontanéité, sans aucun sentiment de responsabilité ; elle est capable de violence et de férocité, d’intolérance et d’égoïsme, mais aussi d’enthousiasme et d’héroïsme, car cette mentalité entraîne une impulsivité irréfléchie, une tendance à l’action immédiate et à l’axe et à l’exagération, l’émotivité poussée jusqu’au fanatisme et la prédominance de l’instinct de combat. La foule ne peut rester longtemps statique et passive, elle veut avoir quelque chose à adorer ou à haïr ; elle veut se donner et réaliser quelque grand acte ».

« Il est indubitable qu’il existe deux catégories d’opinions dans un même individu. Il y a des opinions fondamentales ancrées très loin dans l’inconscient et correspondant à des convictions profondes, formant un ensemble solide et cohérent. Simultanément existent de nombreuses opinions superficielles et dissociées, instables et fragmentaires, opinions qui peuvent être passagères et même contradictoires. La première catégorie constitue, peut-on dire, le fond propre, la véritable personnalité intangible de l’individu ; la seconde est soumise à toutes les influences sociales, elle qui est susceptible d’intégrer des éléments de l’opinion publique. Certes il y a des opinions profondes, des personnalités qui sont semblables chez plusieurs individus mais il y a là une correspondance involontaire et naturelle, spontanée, tandis que c’est la tâche du propagandiste de constituer une opinion commune qui prenne place au nombre des opinions superficielles et indécises de chacun ». 

La propagande va donc consister à mettre en relation cette conception profonde et superficielle des individus. Le rôle de la propagande consiste donc fondamentalement à cristalliser sur un point donné, les opinions superficielles de chacun, sans entrer en conflit avec les personnalités profondes, en agissant sur plusieurs leviers psychologiques. Pour chaque individu pris de manière atomique, un message particulier devra donc être distillé en prenant en compte les éléments structurants de sa pensée profonde, en s’appuyant sur ces ressorts profonds, et ses biais cognitifs propres, pour porter le message propagandiste avec la meilleure efficience possible.


Théorie et tactique de la propagande

« Cette conception de la propagande, qui est celle de Lénine, se présente comme techniquement parfaite. Elle est supérieure à celle de Hitler et de Goebbels pour lesquelles la propagande n’est qu’un procédé politique, empirique, pragmatique, destiné à supprimer toute opposition à sa source, quitte à ne plus être que terrorisme intellectuel. La tactique léniniste, au contraire, effectue la synthèse de l’action et de la pensée, sa propagande réalise les aspirations profondes de ceux qu’elle atteint en s’identifiant au mouvement dialectique de la lutte révolutionnaire pour le triomphe de la dictature du prolétariat et l’instauration de la société communiste ».

Dans cette partie de l'ouvrage, l’auteur compare de manière détaillée la stratégie propagandiste de Lénine avec celle de l’Allemagne nazie pilotée par Hitler et Goebbels. La propagande œuvrant à la dictature du prolétariat s’appuie systématiquement sur la classe paysanne et ouvrière, et souligne que l’action propagandiste doit s’opérer de manière continue et systématique afin de fournir les meilleurs résultats du côté de la propagande nazie. L’objectif est de monopoliser l’attention des individus, afin de fournir une communication continue pour la population et ainsi transformer chaque individu en agitateur politique passionné.

La propagande politique doit éveiller la masse par le moyen d’un discours extrêmement simpliste afin de maximiser l’effet sur chaque individu. Pour la consommation des masses, tout doit être coloré : ce qu’on leur présente comme bon doit avoir la couleur de l’or ; ce qu’on leur présente comme mauvais doit être noir comme l’ébène.

« Le propagandiste jouera d’abord sur les sens et sur l’imagination, par l’utilisation de symboles de tous ordres. Il agira aussi sur les instincts et suscitera des réflexes. Car la force motrice qu’il tend à faire naître et à diriger est de nature sentimentale. La propagande moderne se ramène en grande partie à une action sur les sentiments qui, on le sait, sont prépondérants dans le comportement collectif. […] On s’attachera à convertir un certain nombre d’adhérents en militant convaincus et passionnés autour desquels se soudera la masse des hésitants et des timides. On dépassera pour eux la simple affirmation pour arriver à la démonstration, on abandonnera le sentiment pour la logique afin de forger leurs convictions et d’armer leur ardeur. On agira aussi auprès de certaines personnalités influentes, sollicitant leur ralliement et leur appui, afin de faire peser leur renom de tout son poids en faveur de l’entreprise effectuée et de gagner par eux l’adhésion de certains groupes dont ils sont les leaders ».

Driencourt dresse ici une cinématique des plus modernes dans sa définition de conversion des masses. Au-delà du fait que le véritable levier individuel n'est pas la raison mais le sentiment, l'utilisation d'influenceurs, comme on les nomme aujourd'hui, est une étape primordiale dans cette dynamique de cristallisation de l'opinion.

Enfin, une partie importante de l'ouvrage traite de la propagande de guerre. L'auteur décrit l’action psychologique principalement dirigée vers les individus neutres en priorité. L’auteur souligne ainsi la mécanique de propagande de guerre en interne visant à garder le moral de la population, ainsi que sa conviction dans la poursuite de la guerre, et la propagande dirigée contre l’ennemi et qui a quant à elle pour objectif la démoralisation de sa population et de sa force combattante. On minera le moral de la population en insistant sur l’importance des victoires de ces ennemis, sur celle de ses pertes et de ses ravages causés sur son territoire.

On pourra exercer un certain nombre d’actions psychologiques en actionnant divers leviers au sein de la population ciblée : on peut habilement dresser l’une contre l’autre certaines classes sociales ou travailler sur des partis d’opposition, voire des minorités ethniques ou des groupes confessionnels. Tout cela exige évidemment une connaissance psychologique approfondie des conditions internes régnant chez l’adversaire, ainsi que la structure sociétale du pays cible. Les opérations psychologiques en temps de guerre sont hautement nécessaires à la conduite de la guerre. Elles deviennent, comme les deux grandes guerres mondiales l’ont démontré, une arme stratégique à la fois offensive et défensive, susceptible, sinon de mettre un terme au conflit, du moins de l’abréger de plusieurs mois, long de souffrance et de privation pour les populations civiles impliquées.


La propagande comme instrument de combat des dictatures

Driencourt considère que la propagande est consubstantielle à l’État totalitaire. Elle devient nécessairement une fonction publique assumée par l’organisation étatique elle-même ou des institutions annexes placées sous la dépendance étroite de celle-ci. On peut dire, dans l’État autoritaire, que la tâche de formation de l’opinion nationale est devenue un véritable service public. Elle se retrouve au XXe siècle, en Europe, dans l’Italie fasciste, l’Allemagne nationale-socialiste, et dans L’URSS soviétique. 

« Ainsi la propagande est-elle le seul moyen pour le chef de se faire accepter par le peuple autrement que par la violence, de lui faire connaître le programme à réaliser en fonction d’une doctrine officielle, en l’y faisant participer volontairement. […] la propagande, dans ce système, devient, dans l’ordre interne, une fonction politique obligatoire et constante. […] La propagande est donc, avec la violence, l’un des deux fondamentaux de l’État autoritaire. Il se reconnaît porteur d’un idéal, d’une conception de la vie et du monde qui est une véritable religion. Il est une personnalité politique complète. Il ne se contente pas d’assurer le bien-être matériel des individus, il veut leur former l’esprit, ils réalisent l’unité nationale autour d’un mythe et fait converger tous les efforts en fonction de lui, vers le but de son programme ».

Le peuple italien se prête mal à une propagande véritable. C’est un peuple latin porté à l’individualisme qui répugne toute forme de vie et de pensée collective. L’italien est un citoyen méditerranéen personnel et imaginatif, dont il est difficile de mobiliser l’esprit et de vouloir l’embrigader sous la bannière d’une idéologie unique. De plus, profondément chrétien il sera difficile de substituer une religion réelle par une religion propagandiste d’État. Le parti fasciste trouvait donc au départ un mauvais terrain pour mener une idéologie efficace.

L’Allemagne a contrario a toujours été un pays d’élection des formes de vie et de pensée imposées et collectives. Il a un besoin quasi biologique de constituer une masse compacte où chacun se sent plus riche du consentement de tous. Il a une sensibilité particulière aux idées et aux mythes. Rien d’étonnant que le national-socialisme ait triomphé comme un dogme et que le IIIe Reich se soit fondé comme une église. Le nazisme reste un modèle de la propagande scientifique totalitaire.

L’URSS était l’État autoritaire qui entreprit le premier, et dans un effort constant, le plus régulier et continu processus de propagande politique pour seconder quotidiennement la tâche du gouvernement central. Le génie d’organisateur et de propagandiste de Lénine n’y fut pas étranger : il forgeait déjà vingt ans avant, la révolution les armes psychologiques et pratiques qui devaient assurer son triomphe politique. Lénine avait l’avantage d’être puissamment aidé par le comportement naturel du peuple russe et par les conditions dans lesquelles se déroulait son action. La propagande communiste remporta une éclatante victoire en Russie en raison de la pauvreté et de la misère de son peuple, de sa simplicité et de son ignorance, en raison également de l’immensité du pays et de son primitivisme général.

Le communisme soviétique, véritable religion d’un pays athée possède ironiquement toutes les institutions et les caractères de l’apparat religieux. Il a son Dieu, Lénine, dont le cercueil de cristal est offert à la vénération des pèlerins de la Place Rouge, avec ses apôtres dont les écritures sont l’objet de gloses et d’exégèse. La doctrine nazie apparaît quant à elle bien plus comme un ensemble de mythes que comme une religion unique et totale. Alors que le bolchévisme est bien de nature mystique et que la révolution fasciste fut essentiellement empirique, la réussite nazie se voulait avant tout idéologique, rénovation spirituelle autant que politique. Hitler fut le prophète d’un dogme nouveau, d’une conception de la vie. Le national-socialisme se présentait pour rassembler les esprits désorienter, pour remplir un vide causé par la misère et le désespoir. Il s’agissait de greffer sur ce néant un soldatisme manichéen de la pensée totalitaire.

« Ainsi la propagande nationalise et socialise à la fois les masses. Elle est plus simple qu’une propagande de persuasion. Liée au soldatisme, elle est un système d’éducation, toute une pédagogie, une sorte de culture, à la fois simple dans ses formules et savantes dans l’emploi de ses méthodes, qui vise à enfermer les âmes dans un moule commun. C’est ce qu’on appelle armer moralement le peuple, ou, si l’on veut, amener l’individu à l’état de peuple. Pareils moyens ne sont que l’exacte contrepartie de l’anarchie intellectuelle engendrée par le nihilisme le plus total. Ils poursuivent une seule fin : l’action pure, l’activisme pour l’activisme, une sorte de dynamisme révolutionnaire sans frein ni limites. La propagande ne vaut que par son succès effectif. C’est une dictature spirituelle qui s’installe dans une détresse matérielle et intellectuelle totale ».

Synthèse du nationalisme et du socialisme l’idéologie nazie se réalise dans le concept fondamental du « Volk », de la nation conçue comme une réalité organique supra individuelle. L’homme ne s’appartient pas, il est dominé par la collectivité qui l’absorbe. Il n’y a pas de destinée individuelle, mais seulement une nécessité sociale qui impose aux citoyens l’obligation de servir la communauté et lui propose pour fin suprême de se sacrifier à elle. Il ne peut y avoir de liberté ou de droit individuel, car l’élément d’un tout ne saurait avoir de droit contre ce tout. L’individu tient tout de la société, il lui doit tout. Ses activités doivent être orientées vers elle, il n’est qu’un moyen et non une fin.

Le fascisme italien via le système mussolinien était avant tout un système d’action. La pensée n’intervenait que pour aider à la réalisation du programme. C’est une idéologie pratique et non une religion. La propagande ne fut, dans l’État fasciste, qu’un moyen empirique pour assurer la suprématie du régime à des fins politiques : unité et impérialisme. Son but était beaucoup plus de supprimer toute opposition à la réalisation d’un programme temporel précis que de faire adhérer tout un peuple à une religion séculière comme le nazisme ou surtout le marxisme. La propagande italienne fut une fonction étroitement politique et non pas une arme de prosélytisme.

L’activisme bolchévique de Lénine est piloté par l’édition de journaux colportés et repris dans les usines, les clubs d’ouvriers de manière souterraine et clandestine. À contrario c’est au grand jour que se fit la propagande fasciste ou nazie, orchestrant ainsi la conquête officielle du pouvoir.

En ce qui concerne l’avènement de la propagande nazie, c’est Goebbels qui s’en charge à partir de Berlin. On peut retrouver de manière détaillée un article exclusivement consacré à Goebbels en suivant ce lien. La conquête de l’État par la conquête des esprits et des âmes fut menée par les nazis d’une manière véritablement incroyable. Mêlant à la fois une organisation de réunions politiques et violence, sa technique étonnante d’efficacité est basée sur une utilisation systématique de tous les instruments disponibles à l'époque. Le parti nazi passe ainsi de 800 000 voix en 1930 à 6,5 millions de voix en 1933.

Afin de couvrir l’immense territoire de l’Union soviétique, la culture de l’écrit est essentielle. La propagande soviétique passe donc par l’impression de nombreux ouvrages de Gazette ou de journaux ouvriers. L’ensemble des publications collent systématiquement au dialecte local et couvre au global plus de 70 langues différentes à travers l’Union soviétique. Des bibliothèques sont créées absolument partout dans les usines, dans la moindre petite ville de campagne, et même dans les trains sillonnant le pays : c’est un prototype antique de réseau de communication moderne ! Le cinéma est également mis à contribution dans la propagande soviétique. Le film a pour mission d’illustrer aux yeux des masses la doctrine et la politique du parti. Durant la période de 1925 à 1930, de grands artistes acquièrent un renom mérité avec des chefs-d’œuvre tels que « Le cuirassé Potemkine » et « Octobre » d’Eisenstein, ou encore « La Mère » de Poudovkine.

L’idéologie nazie a également utilisé le cinéma comme moyen de propagande mais en connaissant un échec particulièrement important. L’accent a donc été mis sur la production radiophonique afin de toucher à un maximum d’individus en Allemagne. Ces différentes émissions radiophoniques eurent la mission de préparer les conquêtes politiques et militaires en menant contre les pays voisins une guerre psychologique conçue et développée scientifiquement pour annihiler leur volonté de résistance et les mettre à la merci de la brutalité germanique. De manière concomitante, l’objectif de la propagande nazie sur les ondes était d’exciter les minorités constituées pour aider, de l’intérieur, son action, et en leur communiquant les instructions adéquates.

Que ce soit dans l’Italie fasciste ou bien dans l’Union soviétique stalinienne, l’éducation est un élément central pour distiller l’idéologie totalitaire dans les esprits. Cet enseignement idéologique est complété en URSS par un enseignement supérieur communiste, théorique et pratique, destiné à former les militants, les propagandistes et les chefs du Parti. Il est donné dans les diverses universités et académies où l’on approfondit à la fois les principes du matérialisme dialectique et les méthodes d’agitation. On n’ignore pas aussi que les espoirs des partis communistes du monde entier y reçoivent la même formation, ce qui, à la fois, préserve l’orthodoxie marxiste dans le monde, unifie les méthodes pratiquées, et assure l’obéissance sans crainte de déviationnisme. Dans l’Allemagne nazie, le peuple ne pense pas, ou du moins, il ne prend pas conscience de ce qu’il pense. C’est le Führer qui, s’identifiant à la communauté nationale, exprime avec autorité les idées qui doivent être celles de cette communauté. L’ancienne culture fut systématiquement détruite, les livres interdits brûlés (autodafés de 1933 en Allemagne), et une tâche de reconstruction fut démarré. De l’art fut également mis à contribution pour endoctriner les esprits et sous toutes ses formes, spirituel matériel. Il fut systématiquement utilisé comme moyen de propagande, traduisant les idéaux et illustrant la politique officielle de l’État hitlérien. 

Par sa culture politique, il lui fournit cette direction, l’aide et l’encouragement nécessaires, et il veille à ce que chaque œuvre mise en contact avec le public soit idéologiquement et esthétiquement orthodoxe. Le système scolaire disparut ainsi du IIIe Reich. L’éducation politique au service du nazisme le remplaçait.

C’est l’organisation allemande de la propagande fut la plus perfectionnée et la plus rationnelle. Elle fut réalisée dans la triple structure de la chambre de culture du Reich, du parti national-socialiste ouvrier allemand (NSDAP - Nationalsozialistische Deutsche Arbeiterpartei), et du ministère pour l’éducation du peuple et de la propagande. Mais ces trois piliers ne soutenaient qu’un seul édifice du fait de l’unité d’action des services du parti et des services de l’État. Ce sont en effet les mêmes individus qui sont placés à la tête des services correspondants du parti et de l’État-système d’union personnelle généralisé à tous les échelons dans le IIIe Reich.

« Mais pour les nationaux-socialistes, qui, en bons disciples de Clausewitz, ne voient dans la guerre que la continuation de la politique, la propagande est une arme de conquête qui commence à opérer dès la paix pour obtenir, à l’intérieur, le concours enthousiaste du peuple, et agir en dehors, chez les Alliés, les neutres et contre l’ennemi. Elle ne peut alors travailler efficacement que dans une atmosphère continuelle de tension et d’émotion et par l’alliance de la force, toujours justifiée en cas de nécessité nationale, et de la suggestion brutale. Elle est conçue et réalisée comme un instrument de lutte, dynamique et intolérant, ne laissant ni place ni droit au doute ou à l’indifférence, fondé seulement sur le fanatisme et le sectarisme. »
La propagande nazie a été le plus minutieusement étudiée scientifiquement. Le comportement des foules a notamment été scruté et analysé avec des points de saturation savamment détaillés, et leur comportement analysé suivant les événements extérieurs d’un discours, d’un projecteur ou d’une musique savamment utilisée.

Les nazis avaient également travaillé sur les forces extérieures allemandes situées dans les pays étrangers. Il fallait faire rentrer l’ensemble des Allemands dans la même communauté nationale populaire : c’était la base nouvelle du germanisme à l’étranger, succédant à la notion de simple unité spirituelle prêchée par Fichte. Le dessein véritable et profond était d’organiser dans différents pays, qu’ils soient voisins du territoire du Reich ou importants du fait de leur position stratégique ou économique dans le monde, des minorités agissantes constituant de véritables États dans l’État, voire de véritables foyers d’irrédentisme.

En mars 1919 est fondé à Moscou l’internationale communiste ou Komintern, Véritable ministère de la propagande extérieure et entreprise de subversion mondiale. Le bolchevisme qui n’était que doctrine, s’incarne dès lors dans une institution qui a pour tâche de guider tous les mouvements révolutionnaires du globe.

Peu à peu et surtout depuis l’avènement de Staline, la prédication pure et simple de l’évangile léniniste est soumise aux intérêts et aux vues de l’État soviétique, la propagande révolutionnaire se fait impérialisme nationaliste russe en ce sens que son but est de susciter d’autres régimes bolchéviques qui permettront à l’État russe d’étendre son influence et sa domination.

Au service d’une cause révolutionnaire, c’est une propagande destructrice, utilisant tous les moyens y compris les plus violents. Le plus efficace est sans doute la radio, qui ne fait que répandre outre les fausses nouvelles des attaques contre les gouvernements étrangers et des injures pour leurs dirigeants, incite à la révolte, et fournit même dans ce dessein les consignes les plus précises.


La propagande dans les démocraties


La propagande politique revêt, dans l’état libéral, un visage différent puisqu’elle est confrontée directement ou indirectement à une propagande privée qui utilise les mêmes moyens de communication pour propager ses propres idées eut égard aux moyens financiers dont elle dispose.

Cet état de choses, qui aboutit aujourd’hui, après la Seconde Guerre mondiale, au règne de la propagande dans le monde entier, a été amené par des circonstances qui ont imprégné fortement l’action psychologique menée par les États libéraux. Face aux attaques d’autres pays démocratiques ou non, l’État libéral a dû développer une certaine forme de propagande pour combattre ces attaques. La propagande des démocraties fut donc conçue comme une contre propagande, et naquit en tant que telle. Elle concourt à assurer, dans une époque tourmentée, la survivance de la société démocratique libérale et traditionnelle.

L’existence de propagande privée, concurrente au positionnement de l’État, est un caractère distinctif de la propagande démocratique. Ces diverses propagandes privées s’exercent par le truchement de groupements politiques, sociaux, professionnels, qui foisonnent dans tous les pays démocratiques. Ils sont surtout nombreux chez les Anglo-saxons qui ont la passion de s’organiser en groupes et associations activistes de toutes sortes. Ils constituent aujourd’hui des groupes de pression (pressure group), importants systèmes d’action psychologique.

Le volume atteint par cette propagande privée est devenu si considérable qu’il a engendré une nouvelle profession. Les « publics relation counsellers » sont de véritables techniciens de la persuasion dont le rôle est de conseiller les hommes politiques, des groupements d’intérêt, des entreprises, sur leur ligne de conduite et de la diriger dans le sens où elle est susceptible d’impressionner l’opinion le plus favorablement à leur égard. La mission générale de l’État est de réaliser le bien commun du groupe d’individus vivant sur son territoire. Son objectif est de donner à chacun de ses membres les moyens de réaliser sa fin individuelle. Alors apparaît la structure étatique. Elle est indispensable, car la poursuite du but social exige un cadre matériel. L’État doit assurer l’ordre, s’efforcer que chacun ait un emploi, régler les litiges entre les individus ; bref, il doit organiser et diriger toutes les institutions permettant à la société de prospérer et à ses membres de vivre en commun.

L’État est donc un fait sociologique avant d’être un phénomène juridique. Il est nécessaire avant d’être organisé. C’est un groupement d’hommes, fixé sur un territoire et soumis à une autorité. La puissance est un des éléments constitutifs essentiels ; sans elle la société serait anarchique ; sa mission est de maintenir un certain ordre social propre au bien de l’individu pour qu’il puisse atteindre son plein développement physique, intellectuel et moral. Détenue primitivement comme un pouvoir de fait, elle doit nécessairement être bien organisée. Elle doit avoir la stabilité indispensable à son exercice, et la pérennité qui est la condition de son efficacité, s’appuyer sur l’opinion des gouvernés.

Le système démocratique est celui dans lequel le peuple est censé se gouverner lui-même par l’intermédiaire de ceux auxquels, à la majorité de ses membres, il délègue ses pouvoirs dans certaines conditions et dans certaines limites. Le problème pour le gouvernement démocratique lorsqu’il se livre à la propagande, se rattache donc à l’un des fondamentaux vitaux de cette forme du pouvoir. Il est inséparable de celui de son organisation et de son fonctionnement. Représentant la majorité de ceux qui le dirigent, le gouvernement démocratique doit rester en contact étroit avec cette majorité de la population et conserver toujours le soutien et son approbation. C’est pourquoi on le qualifie également de gouvernement d’opinion, car l’opinion est son support, il ne peut se maintenir qu’avec son consentement ; l’opinion apparaît ainsi comme l’armature, le nerf moteur du régime démocratique. L’opinion doit être libre puisque c’est elle qui détient la souveraineté. Le gouvernement n’a pas plus le droit de capter l’opinion que de conserver le pouvoir contre elle. Ce serait le fait d’un employé qui prétendrait diriger son maître ! Ce serait renverser l’ordre naturel des choses et remplacer la démocratie par la dictature. Celle-ci est en réalité extérieure au peuple. Elle n’émane pas de lui mais elle s’impose d’elle-même, qu’elle soit engendrée par la violence ou tolérée du fait de circonstances exceptionnelles. Mais elle ne prétend aucunement représenter l’opinion ; bien au contraire elle se propose de la transformer pour se faire accepter, de la diriger pour amener toute la nation à participer à ces desseins.

La Déclaration des droits de l’homme et du citoyen protège, pour chacun individu constituant la démocratie, la liberté de ses opinions, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public établi par la loi. Mais l’opinion ne se forme pas spontanément. Sa valeur dépend de l’importance de l’action qu’exerce sur elle la petite catégorie de citoyens qui savent penser et qui possèdent le jugement en même temps que la faculté de l’exprimer et le don de l’initiative. Elle tient aussi à la mesure dans laquelle les groupements constitués dans la vie publique, c’est-à-dire les partis, contribuent à répandre les vues justes et modérées dans la société. La liberté de communication de la pensée et la liberté d’association ou de réunion sont donc des corollaires indispensables de la liberté de l’opinion. Elles doivent même préexister à cette dernière, puisqu’elle se conjugue pour former la liberté de propagande. La propagande est antérieure à l’opinion commune puisqu’elle est à son origine.
« Les États-Unis sont ainsi lancés aujourd’hui dans une entreprise de propagande à l’intérieur de leur propre pays et en dehors de leurs frontières. Elle est certes réalisée dans l’objectivité et la liberté qui sont les conditions essentielles de l’action démocratique, sous les réserves qui ont été notées au début de ce chapitre. Mais il est remarquable que ce soit la démocratie du monde la plus grande et la plus farouchement conservatrice qui ait, immédiatement après la victoire [de la Second guerre mondiale], adopté, la première et le plus ouvertement, une telle ligne de conduite. Voilà sans doute la meilleure preuve que l’on puisse donner de la nécessité d’une certaine forme de propagande devenue une fonction normale de tout État moderne. »

« Les États-Unis sont, dit-on, le pays où l’opinion fait la loi. Elle est certes souveraine, elle est l’origine de toutes les institutions, des fonctions officielles, des décisions des dirigeants. Voilà le régime démocratique idéal. Théoriquement, hélas ! Car il ne faut pas oublier que l’opinion publique ne règne que dirigée, elle est incapable de se constituer elle-même. Et les États-Unis sont le pays où elle est la plus dirigée, en même temps qu’elle est la plus fantaisiste. Les Américains ont poussé la technique de la réclame et de la publicité à un point où il n’est guère possible de rivaliser avec eux. Convaincre son prochain est devenu chez eux une profession préparée par des études scientifiques. Elle ne peut manquer de s’exercer sur le terrain politique aussi bien que dans le domaine commercial ; son succès est facilité par la passivité naturelle d’un peuple qui ne demande qu’à être sollicité et dirigé à condition qu’on ne le lui dise pas, empêchant tout particularisme, n’oppose aucun obstacle à une action de masse. Si le libéralisme commande en maître aux États-Unis, l’individualisme de pensée ou de sentiment y est contre-nature. Pouvoir se dire un « mass man » équivaut à se qualifier de bon Américain. »

Conclusion

Le chef songe à perpétuer indéfiniment sa mémoire en faisant édifier des architectures symboliques et gigantesques, qu’elle soit de simples stèles ou obélisque, ou ces temples fameux et ces pyramides qui ne sont qu’une forme écrasante de propagande nécrologique. Des pharaons à la pyramide du Louvre de François Mitterrand, les symboles intemporels demeurent les mêmes.

L’ouvrage de Jacques Driencourt décrit dans un détail rare les mécanismes de propagande dans les États totalitaires. Il a notamment faire référence à l’Allemagne nazie, à l’Italie fasciste, ainsi qu’à la Russie soviétique, en décrivant différences et similitudes. Une autre partie de l'ouvrage est dédiée à la propagande au sein des États libéraux, qui cohabite, quant à elle, avec des courants propagandistes privés, symboles de contre-pouvoir. Même si l’objectif est différent quand on les compare aux États totalitaires, la propagande d'essence démocratique est toujours nécessaire comme contre-mesure d’influence, et elle est sociologiquement spécifique à chaque État. La Grande-Bretagne n’est pas la France qui n’est pas les États-Unis, et les leviers psychologiques sur lesquels elle s’appuie varie selon la topologie sociale des individus pris pour cible. 

Il est donc illusoire de penser qu'il existe une propagande unique pour un type de système politique. A chaque époque, pour chaque pays, une stratégie de propagande doit être appliquée dans son contexte spécifique, et Jacques Driencourt a parfaitement décrit chaque attribut à utiliser de manière spécifique, et ce d'une manière extrêmement moderne pour son temps. Son ouvrage est donc une référence ultime dans la description des phénomènes propagandistes, au même titre que le sera en 1963 l'ouvrage de Jacques Ellul, Propagandes, soulignant la distinction entre la propagande politique et la propagande sociologique, qui résulte quant à elle du développement des sociétés de masse, et qui fera l'objet d'un article ultérieur. 


Citations



Jacques Driencourt, La propagande nouvelle force politique, p. 1
« Les journaux ? Ils font eux-aussi de l'information subjective, dictée par l'intérêt des partis auxquels ils appartiennent, quand ce n'est pas celui de leurs éditeurs, autrement dit leur esprit de lucre ».

Jacques Driencourt, La propagande nouvelle force politique, p. 26

« Concluons en disant que la propagande est un fait caractéristique de la civilisation contemporaine. Elle est désormais une technique scientifique qui, tant par une action continuelle que par l'utilisation rationnelle et méthodique de certains moyens, a pour but de provoquer l'adhésion des masses à une idée ou à une doctrine, d'obtenir le soutien de leur opinion, voire de les engager dans une action déterminée ».

Jacques Driencourt, La propagande nouvelle force politique, p. 210 

« Mais pour les nationaux-socialistes, qui, en bons disciples de Clausewitz, ne voient dans la guerre que la continuation de la politique, la propagande est une arme de conquête qui commence à opérer dès la paix pour obtenir, à l'intérieur, le concours enthousiaste du peuple, et agir en dehors, chez les alliés, les neutres et contre l’ennemi. Elle ne peut alors travailler efficacement que dans une atmosphère continuelle de tension et d'émotion et par l'alliance de la force, toujours justifiée en cas de nécessité nationale, et de la suggestion brutale. Elle est conçue et réalisée comme un instrument de lutte, dynamique et intolérant, ne laissant ni place ni droit au doute ou à l'indifférence, fondé seulement sur le fanatisme et le sectarisme ».

Jacques Driencourt, La propagande nouvelle force politique, p. 227
« La propagande politique, sous sa forme scientifique contemporaine, est une nécessité vitale de l'État autoritaire. Elle est pour lui le moyen de réaliser cette unanimité nationale qui est la condition de son existence, et elle se trouve en conséquence intégrée dans les institutions étatiques. [...] La propagande politique revêt, dans l'État libéral, un visage tout différent. Elle y est caractérisée essentiellement par le fait qu'elle n'est pas objet de monopole. Si aujourd'hui après la seconde guerre mondiale, elle est devenue presque partout une fonction étatique normale, elle n'est pas, dans les démocraties traditionnelles, le fait unique de l'État. La pensée de chacun n'étant pas collectivisée, son expression demeure libre. Il y a une propagande privée qui concurrence légalement celle du gouvernement, et elle est rendue possible et facile par le fait extrêmement important que les moyens de communication des nouvelles et des idées restent entre les mains des particuliers, du moins dans une certaine mesure suffisante pour que toutes les opinions puissent se faire jour avec des chances de succès comparables (eu égard aux moyens financiers dont elles disposent) ».

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