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Les citations de politique et d'intelligence économique de l'Histoire



Carl von Clausewitz

Carl von Clausewitz écrit en 1812 un manuel pour le jeune prince héritier Frédéric Guillaume, dont il est le précepteur. L’ouvrage entérine la dépendance absolue de la théorie de la guerre à l’expérience historique et confirme qu’il faille s’éloigner des récits d’historiens qui réécrivent l’histoire, plutôt que de la narrer dans ses moindres détails. Il répète tout au long de l'ouvrage qu’il faut sans cesse confronter les principes à l’expérience des combats réels, afin de les corriger et ainsi suivre l’évolution des techniques guerrières.

Carl von Clausewitz martèle également qu’il y aura toujours un écart entre les principes et leur mise en œuvre. La conduite de la guerre ressemble au fonctionnement d’une machine complexe dont les pièces frottent. Ce concept de « friction » défini comme « ce qui distingue la guerre réelle de celle qu’on peut lire dans les livres » constituera la pierre angulaire de son livre « De la guerre ». Toute étude réaliste d’une pratique ou d’un fonctionnement devra être attentive aux frictions. Le réel devient « frictionnel » ou chaque petit détail insignifiant peut perturber le bon déroulement d’une action et rendre une situation imprévisible. L’homme d’expérience saura évaluer a priori toutes les possibilités de déroulement d’une action, et ne se laissera pas surprendre par un état de fait qu’il n’aura pas évalué en amont.

« Il faut mobiliser toutes les forces qui nous sont données, avec la plus grande application. Faire preuve de mesure en la matière, c’est arrêter sa course avant le but. Même si le succès était un peu près probable en soi, ce serait cependant un suprême manque de sagesse que ne pas mettre la plus haute application à le rendre tout à fait certain ; car un tel effort ne peut jamais nuire. » —Les Principes fondamentaux de stratégie militaire (1812)
« Il ne faut pas perdre de temps. Lorsqu’on ne retire aucun avantage particulièrement important du fait de temporiser, il importe de régler la chose aussi vite que possible. La rapidité aidant, cent mesures de l’ennemi sont étouffées dans l’œuf, et l’opinion publique bascule en notre faveur. » Les Principes fondamentaux de stratégie militaire (1812)
« Rester fidèle dans l’exécution aux principes qu’on s’est fixés » Les Principes fondamentaux de stratégie militaire (1812)
« Mille doutes nous assaillent au moment de mettre à exécution une décision que nous avons prise, compte tenu des dangers qui pourraient en résulter si nous nous étions fortement trompés dans notre estimation. Un sentiment d’anxiété, qui s’empare en général facilement de l’homme au moment d’exécuter de grandes choses, se saisit de nous, et de cette anxiété à l’irrésolution, de celle-ci aux demi-mesures, il n’y a qu’un tout petit pas insensible à franchir ». Les Principes fondamentaux de stratégie militaire (1812)
« L’état dans lequel se trouve l’ennemi, on ne le voit pas ; notre propre état, on l’a sous les yeux ; c’est pourquoi ce dernier agit plus fortement sur les hommes ordinaires que le premier, parce que, chez les hommes ordinaires, les impressions sensibles sont plus fortes que le langage de l’entendement. » Les Principes fondamentaux de stratégie militaire (1812)
« La guerre est un acte de violence destiné à contraindre l’adversaire à exécuter notre volonté. Elle s’accompagne de restrictions infimes, à peine dignes d’être mentionnées, et qu’elle impose sous le nom de “droit des gens”, mais qui n’affaiblissent pas sa force. La violence physique est donc le moyen, la fin d’imposer sa volonté à l’ennemi. Dans une affaire aussi dangereuse que la guerre, les erreurs dues à la bonté d’âme sont la pire des choses. Comme l’usage de la force physique dans son intégralité n’exclut nullement la coopération de l’intelligence, celui qui ne recule devant aucune effusion de sang prendra l’avantage sur son adversaire si celui-ci n’agit pas de même. » —De la guerre (laissé inachevé à sa mort en 1831)


Emmanuel Todd
« Au cœur de la crise, nous devons donc identifier un effondrement des croyances collectives, et particulièrement de l’idée de nation. Nous constatons, empiriquement, que l’effondrement de cet encadrement social et psychologique n’a pas mené à la libération et à l’épanouissement des individus, mais au contraire à leur écrasement par un sentiment d’impuissance » —L’Illusion économique, Essai sur la stagnation des sociétés développées (1998)
« L’empire formel fondé sur le contrôle territorial laisse la place à un empire informel dont la puissance s’exprime par la dépense monétaire, financière, commerciale et énergétique » - L’Illusion économique, Essai sur la stagnation des sociétés développées (1998)


Edouard Bernayes
« La propagande ne cessera jamais d’exister. Les esprits intelligents doivent comprendre qu’elle leur offre l’outil moderne […] pour créer de l’ordre à partir du chaos » — Propaganda (1928)



Eric Delbecque & Christian Harbulot
« La stratégie rend possible la puissance et son absence réduit à néant les possibilités de développements et d’épanouissement global (matériel et culturel) d’une nation. Pour être encore plus précis, la poursuite d’une action finalisée en milieu conflictuel, qui caractérise la stratégie, forme le socle de tout projet politique.»  L’impuissance française : Une idéologie ? (2017)
« Les gens intelligents, mais dépourvus d’originalité dominent forcément la recherche et ils ne voient pas la différence entre la pensée vraiment novatrice et le sensationnalisme qui dit n’importe quoi pour échapper à l’anonymat. Il faut prendre des risques sans se soucier  d’une imprimatur que les Américains ne sont nullement habilités à nous donner. Le vrai risque pour la France, c’est la perte volontaire de son indépendance intellectuelle. » —L’impuissance française : Une idéologie ? (2017)
« D’un côté se dévoilent de manière de plus en plus évidente les partisans d’une Europe fédérale et acquise au capitalisme financier (ce qui ne recouvre pas exactement le même champ conceptuel et pratique que le libéralisme). Ce camp ne croit qu’aux experts et aux élites émancipées des nations et trouve en fait leur modèle dans la république censitaire (ou la monarchie, peu importe). Il combat d’abord et avant tout le modèle démocratique et déteste donc par-dessus tout l’État républicain plébiscitaire et la fonction tribunitienne du leader. Rien n’est pire pour ces gens que la tradition gaullienne (confondue à tort avec le bonapartisme le plus grossier, voire le boulangisme) qui croit à l’alliance de quelques hommes et d’un peuple pour freiner les élans oligarchiques des “féodalités”. » —L’impuissance française : Une idéologie ? (2017)
« Il y a bien en revanche une guerre économique, dont le TAFTA ou le sort d’Alstom sont des enjeux forts : certes, ce concept chagrine toujours certains esprits trop baignés d’idéologie libérale ou de politiquement correct. Ceux-ci ne voient qu’une saine hyperconcurrence entre les acteurs économiques et jugent que l’ubérisation préfigure le monde de demain. Drapés dans l’orthodoxie schumpeterienne de destruction créatrice, ils évacuent de leur raisonnement l’inscription de l’économie dans un écosystème socioculturel et nient la dynamique des stratégies de puissance des États. Accepter ce paradigme de la guerre économique ne vaut pas refus du mode de production capitaliste ou de l’ambition libérale. Cela implique en revanche, c’est exact, de trouver le chemin concret de l’invention crédible au quotidien de la célèbre et éternelle troisième voie évitant les excès du dirigisme et ceux du laisser-faire. Jusqu’à présent, le relatif échec de la politique publique d’intelligence économique démontre que notre pays cherche encore cette route spécifique entre capitalisme sauvage et économie dirigée. » —L’impuissance française : Une idéologie ? (2017)

Olivier Hassid & Lucien Lagarde dans « Menaces mortelles sur l’entreprise française »
« C’est en cela que le patriotisme économique se distingue du protectionnisme : alors que le second vise à conférer un avantage aux entreprises nationales au détriment de ses concurrents étrangers, le premier cherche à compenser les déséquilibres artificiels du marché. L’objectif n’est pas l’exclusivité commerciale, mais la protection du cœur de l’économie nationale face aux défaillances du système global. »

Eric Fromm

Dans son livre intitulé « On Disobedience: Why Freedom Means Saying "No" to Power »
« Human history began with an act of disobedience, and it is not unlikely that it will be terminated by an act of obedience. »


Jean-François Mouhot

Dans son livre intitulé « Des esclaves énergétiques. Réflexions sur le changement climatique » — 2011
« Si nous étions capables d’attribuer équitablement un quota d’émission de CO2 par personne, et de maintenir les émissions mondiales sous le niveau de ce que les puits de carbone de la planète peuvent absorber globalement chaque année, la progression du changement climatique ralentirait peu à peu. »

John Swinton
“Quelle folie que de porter un toast à la presse indépendante ! Chacun, ici présent ce soir, sait que la presse indépendante n’existe pas. Vous le savez et je le sais. Il n’y en a pas un parmi vous qui oserait publier ses vraies opinions, et s’il le faisait, vous savez d’avance qu’elles ne seraient jamais imprimées, je suis payé 150 $ par semaine pour garder mes vraies opinions en dehors du journal pour lequel je travaille. D’autres parmi vous sont payés le même montant pour un travail similaire. Si j’autorisais la publication d’une bonne opinion dans un simple numéro de mon journal, je perdrais mon emploi en moins de 24 heures, à la façon d’Othello. Cet homme suffisamment fou pour publier la bonne opinion serait bientôt à la rue en train de rechercher un nouvel emploi. La fonction d’un journaliste (de New York) est de détruire la Vérité, de mentir radicalement, de pervertir, d’avilir, de ramper aux pieds de Mammon et de se vendre lui-même, de vendre son pays et sa race pour son pain quotidien ou ce qui revient au même : son salaire. Vous savez cela et je le sais ; quelle folie donc que de porter un toast à la presse indépendante. Nous sommes les outils et les vassaux d’hommes riches qui commandent derrière la scène. Nous sommes leurs marionnettes ; ils tirent sur les ficelles et nous dansons. Notre temps, nos talents, nos possibilités et nos vies sont la propriété de ces hommes. Nous sommes des prostitués intellectuelles.”
En version originale prononcée par le journaliste :
« There is no such thing in America as an independent press, unless it is in the country towns. You know it and I know it. There is not one of you who dares to write his honest opinions, and if you did you know beforehand that it would never appear in print. I am paid $150.00 a week for keeping my honest opinions out of the paper I am connected with—others of you are paid similar salaries for similar things—and any of you who would be so foolish as to write his honest opinions would be out on the streets looking for another job. The business of the New York journalist is to destroy the truth, to lie outright, to pervert, to vilify, to fawn at the feet of Mammon, and to sell his race and his country for his daily bread. You know this and I know it, and what folly is this to be toasting an “Independent Press.” We are the tools and vassals of rich men behind the scenes. We are the jumping jacks; they pull the strings and we dance. Our talents, our possibilities and our lives are all the property of other men. We are intellectual prostitutes. »

Déclaration faite par le journaliste John Swinton, ex-rédacteur en chef du New York Times, lors d’un banquet donné en son honneur à l’occasion de son départ en retraite (en 1914), en réponse à un toast porté à la presse indépendante.


Philippe d’Iribarne
« La lucidité est un obstacle au rêve, elle ne l’est pas à l’action » —L’étrangeté française

Friedrich Nietzsche
« Grimper et ramper sont toujours une même chose. Tout est une question d’inclinaison de la pente. »

Jean Anouilh - L'Hurluberlu (1959)
« Au combat, tout le monde a peur. La seule différence est dans la direction que l'on prend pour courir. »

Romain Gary
“Le patriotisme c’est l’amour des siens, le nationalisme c’est la haine des autres”

Léon Gambetta
« Être républicain, c’est être patriote »

Miyamoto Musashi, un samouraï du XVIe siècle

« Une nation dont le peuple est incapable de concevoir l’avenir est condamnée à périr »
Lacan

« Le désir n’est que le désir du désir de l’autre » 


Charles Baudelaire

« Le plaisir d’être dans les foules est une expression mystérieuse de la jouissance de la multiplication du nombre. Tout est nombre. Le nombre est dans tout. Le nombre est dans l’individu. L’ivresse est dans le nombre. »
Journaux intimes (1887)
Mon cœur mis à nu


Montesquieu
« Il est de la nature d'une République qu'elle n'ait qu'un petit territoire : sans cela elle ne peut guère subsister. L'esprit de la monarchie est la guerre et l'agrandissement, l'esprit de la République la paix et la modération. » - L’esprit des lois


Jean-Jacques Rousseau

« La monarchie ne convient qu’aux nations opulentes, l'aristocratie aux États médiocres, et la démocratie aux États petits et pauvres. » - Du Contrat social


Karl Popper

« Toutes les théories sont des hypothèses, toutes peuvent être démontées. Le jeu de la science n’a fondamentalement pas de fin. Celui qui décide un jour que les principes scientifiques n’ont pas à être vérifiés plus avant, mais sont à considérer comme définitivement vérifiés, sort du jeu. »


Emile Dukheim

« L'éducation est l'action exercée par les générations adultes sur celles qui ne sont pas encore mûres pour la vie sociale. Elle a pour objet de susciter et de développer chez l'enfant un certain nombre d'états physiques, intellectuels et moraux que réclament de lui et la société politique dans son ensemble et le milieu spécial auquel il est particulièrement destiné.»


Oscar Wilde

« Il n'y a pas de pire mensonge que celui qui est proche de la réalité. »


Franklin Henry Giddings 

« Il n'y a pas d'erreur plus ordinaire que celle qui confond les croyances populaires (popular beliefs) avec les jugements sociaux qui forment l'opinion publique authentique.» - Elements of Sociology - 1898


Serge Cartanfan 

L'oeuvre « Le meilleur des mondes » de l'auteur Aldous Huxley est paru en 1932. Son caractère visionnaire est stupéfiant quand on le compare à la société actuelle. Tous les ingrédients du roman sont aujourd’hui effectivement réunis pour que le scénario soit en passe d’être réalisé. Si nous devions formuler dans un discours une prosopopée du cynisme politique incarné par le personnage cynique d’Huxley, cela donnerait quoi ? 

«Pour étouffer par avance toute révolte, il ne faut surtout pas s’y prendre de manière violente. Les méthodes archaïques comme celles d’Hitler sont nettement dépassées. Il suffit de créer un conditionnement collectif en réduisant de manière drastique le niveau et la qualité de l’éducation, pour la ramener à une forme d’insertion professionnelle. Un individu inculte n’a qu’un horizon de pensée limité et plus sa pensée est bornée à des préoccupations matérielles, médiocres, moins il peut se révolter. Il faut faire en sorte que l’accès au savoir devienne de plus en plus difficile et élitiste que le fossé se creuse entre le peuple et la science, que l’information destinée au grand public soit anesthésiée de tout contenu à caractère subversif. Là encore, il faut user de persuasion et non de violence directe : on diffusera massivement, via la télévision, des divertissements abrutissants, flattant toujours l’émotionnel, l’instinctif. On occupera les esprits avec ce qui est futile et ludique. Il est bon avec un bavardage et une musique incessante, d’empêcher l’esprit de s'interroger, penser, réfléchir. On mettra la sexualité au premier rang des intérêts humains. Comme anesthésiant social, il n’y a rien de mieux.
En général, on fera en sorte de bannir le sérieux de l’existence, de tourner en dérision tout ce qui a une valeur élevée, d’entretenir une constante apologie de la légèreté de sorte que l’euphorie de la publicité, de la consommation deviennent le standard du bonheur humain et le modèle de la liberté. »
Ce propos introductif ainsi que la citation qui le suit ont été écrit par Serge Cartanfan sur son blog en 2007 - (leçon 163 : Sagesse et Révolte).


David Rockfeller
« La souvernaineté surpranationale d'une élite intellectuelle et des banquiers mondiaux est certainement préférable aux décisions nationales qui se pratiquent depuis des siècles. »

Citation issue de la déclaration de David Rockfeller lors de la réunion du groupe Bilderberg à Baden-Baden en juin 1991. 


Pierre Bourdieu

« Il y a une manipulation politique de la définition du politique. L'enjeux de la lutte est un enjeu de lutte : à tout moment il y a une lutte pour dire s'il est "convenable" ou non de lutter sur tel ou tel point. C'est un des biais par lesquels s'exerce la violence symbolique comme violence douce et masquée. » - Question de sociologie, Editions Minuit, 1981, p. 258


Général Bradley, responsable logistique du débarquement du 6 juin 1944

« Mon deuxième bureau (renseignement) me dit ce que je dois faire : mon quatrième bureau (logistique) me dit ce que je peux faire ; et moi, le chef je dis à mon troisième bureau (opération) ce que je veux faire. »


Sur un des murs du bureau ou se réunissait la LCS, la London Controlling Section, organisation britannique ultra-secrète qui, pendant la Seconde Guerre mondiale, fut chargée de la conception des plans stratégiques de mystification, et de la coordination de leur exécution (batailles, raids, coups de commando...), était fixée une plaque avec ces mots :

« On nous apprend à considérer comme un déshonneur de réussir par le mensonge... et nous continuerons de répéter inlassablement que l'honnêteté est la meilleure des politiques et que la vérité finit toujours par gagner. Ces jolis petits sentiments sont parfaits pour les enfants, mais un homme qui en fait sa ligne de conduite ferait mieux de remettre son épée au fourreau pour toujours. »

 

Philippe Breton« Publions, on verra après», Libération, 30 janvier 1998

« Désinformer, c'est couvrir un mensonge avec les habits de la vérité. En démocratie, où les entreprises manipulatoires sont légion, la désinformation est la reine des techniques visant à tromper l'opinion. »

Ignacio Ramonet« La tyranie de la communication », 1999, p. 48

« Vivre dans un pays libre, c'est vivre sous un régime politique qui ne pratique pas cette forme de censure et qui, au contraire, respecte le droit d'expression, d'impression, d'opinion, d'association, de débat, de discussion. Cette tolérance, nous la vivons tellement comme un miracle que nous négligeons de voir qu'une nouvelle forme de censure s'est subrepticement mise en place, que l'on pourrait appeler la « censure démocratique ». Celle-ci, par opposition à la censure autocratique, ne se fonde lus sur la suppression  ou la coupure, sur l'amputation ou la prohibition de données, mais sur l'accumulation, la saturation, l'excès et la surabondance d'informations. Le journaliste est littéralement asphyxié, il croule sous une avalanche de données, de rapports, de dossiers - plus ou moins intéressants - qui le mobilisent, l'occupent, saturent son temps et, tels des leurres, le distraient de l'essentiel. De surcroît, cela encourage sa paresse puisqu'il n'a plus à chercher l'information, et qu'elle vient à lui d'elle-même. »

Ignacio Ramonet« La tyrannie de la communication », 1999, p. 128  

« Les guerres, dans un univers surmédiatisé, sont devenues de grandes opérations de promotion politique qui ne sauraient être conduites en dehors des impératifs des relations publiques. Elles doivent produire des images propres, limpides, répondant aux critères du discours de propagande ou, en termes contemporains, du discours publicitaire. Cela est une affaire trop sérieuse pour être laissée aux reporters des informations télévisées ». 

Ignacio Ramonet« La tyrannie de la communication », 1999, p. 184 

« Longtemps rare et onéreuse, l'information est devenue pullulante et prolifique ; certes de moins en moins chère, au fur et à mesure que son débit augmente, elle est néanmoins de plus en plus contaminée. Alors que les passerelles, les ramifications et les fusions entre grands groupes de communication se multiplient dans une atmosphère de compétition impitoyable, comment être sûr que l'information fournie par un média ne visera pas à défendre, directement ou indirectement, les intérêts d'un conglomérat auquel il appartient plutôt que ceux du citoyen ? » 

Ignacio Ramonet« La tyrannie de la communication », 1999, p. 192

« Désormais , un fait est vrai non parce qu'il obéit à des critères objectifs, rigoureux et recoupés à la source, mais tout simplement parce que d'autres médias répètent les mêmes informations et confirment. La répétition se substitue à la démonstration. L'information est remplacée par la confirmation. [...] C'est ainsi, on l'a vu, que furent construits les vrais-faux du charnier de Timisoara et tous ceux de la Guerre du Golfe et de Bosnie. Les médias ont de plus en plus de mal à distinguer, structurellement, le vrai du faux. Là aussi, Internet aggrave les choses, car le pouvoir de publier est désormais décentralisé, toute rumeur, vraie ou fausse, devient de l'information, et les contrôles, effectués naguère par la direction en chef, volent en éclats. »

Ignacio Ramonet« La tyrannie de la communication», 1999, p. 193 

« Le journal télévisé, structuré comme une fiction, n'est pas fait pour informer, mais pour distraire. Ensuite, la rapide succession de nouvelles brèves et fragmentées (une vingtaine par journal télévisé) produit un double effet négatif de surinformation et de désinformation (il y a trop de nouvelles , mais trop peu de temps consacré à chacune d'elles). Et enfin, vouloir s'informer sans effort est une illusion qui relève du mythe publicitaire plutôt que de la mobilisation civique. S'informer fatigue, et c'est à ce prix que le citoyen acquière le droit de participer intelligemment à la vie démocratique. »

Ignacio Ramonet« La tyrannie de la communication », 1999, p. 197 

« S'informer demeure une activité productive, impossible à réaliser sans effort, et qui exige une véritable mobilisation intellectuelle. Une activité assez noble, en démocratie, pour que le citoyen consente à lui consacrer une part de son temps, de son argent et de son attention. L'information n'est pas un des aspects de la distraction moderne, elle ne constitue pas l'une des planètes de la galaxie divertissement ; c'est une discipline civique dont l'objectif est de construire des citoyens. »


Bernard Langlois,  « Plus on communique, moins on informe », in Collectif, Guerres et télévision, Valence, CRAC, 1991

« Dans les conditions de production actuelles, les reporters n'ont plus le temps d'enquêter, de réfléchir, d'approfondir, de mettre les faits dans un contexte. Cela est dû à la progression des techniques de communication, des transmissions, des satellites... Maintenant, tout va très vite avec, de surcroît, le poids et les effets d'entraînement de la télévision. A cela s'ajoutent les ravages de la concurrence, la nécessité d'être le premier et d'être le plus spectaculaire, car cela se traduit en part de marché, et donc en recettes publicitaires. Ces conditions font que les journalistes ne sont pas forcement responsables ; on ne leur laisse pas le choix. Et on arrive à ce paradoxe que, plus on communique, moins on informe, donc plus on désinforme. »


Stanley Milgram, Soumission à l'autorité, 1963, p. 167 

« Un individu est en état agentique quand, dans une situation donnée, il se définit d’une façon telle qu’il accepte le contrôle total d’une personne possédant un statut plus élevé. Dans ce cas, il ne s’estime plus responsable de ses actes. Il voit en lui un simple instrument destiné à exécuter les volontés d’autrui. »

Stanley Milgram, Soumission à l'autorité, 1963, p. 377

« J’observai un homme d’affaires équilibré et sûr de lui entrer dans le laboratoire, souriant et confiant. En moins de vingt minutes il fut réduit à l’état de loque parcourue de tics, au bord de la crise de nerfs. Il tirait sans arrêt sur le lobe de ses oreilles et se tordait les mains. À un moment il posa sa tête sur son poing et murmura : « Oh mon Dieu, faites qu’on arrête ! » Et pourtant il continua à exécuter toutes les instructions de l’expérimentateur et obéit jusqu’à la fin. »


Joseph Messinger, Ces gestes qui manipulent, ces mots qui influencent, 2003, p. 338

« En vous exerçant à adopter la double conscience, vous développerez rapidement votre empathie, cette faculté de ressentir ce que vit l'autre. L'empathie est la clef universelle de la séduction de masse. « Françaises, Français, je vous ai compris ». La formule du Général de Gaulle devrait vous revenir à la mémoire. Cette phrase célèbre révélait le pouvoir de séduction et le degré d'empathie de ce personnage historique. Comme vous le constatez, il suffit de quelques mots choisis dans un contexte émotionnel fort pour appartenir à l'Histoire ».


Marceau Felden, La démocratie au XXe siècle, 1994, p.45

« C'est au XIXe siècle, notamment avec Hegel, que commencèrent les spéculations modernes sur les différents aspects de la pensée politique, hors de son contexte théocratique, pour tenter d'en faire une science. L'une des idées-forces qui s'en dégagea fut la reconnaissance du caractère évolutif du concept de « réalité politique » et des phénomènes associés. Ce qui veut dire que les modalités d'exercice du pouvoir, et les formes qu'il peut prendre ne sont pas invariables ni imposées. Contrairement aux opinions antérieures, dont celle de Montesquieu dans De l'esprit des lois, il apparaît que le pouvoir politique n'est pas régi par des « lois naturelles » intransgressibles. Bien au contraire, ses degrés de liberté sont grands. Cette découverte, et les remises en question qu'elle suscita - notamment à propos de la légitimité - fut une révolution intellectuelle comparable, dans son esprit comme dans son principe, à celle qui affecta les sciences physiques au XVIIe siècle, particulièrement avec les travaux de Kepler et Newton. Cependant elle n'a pas conduit aux mêmes bouleversements et n'a engendré aucune réflexion approfondie. »

 Hegel

« C'est beaucoup demander de réunir deux pensées là où il n'y en a même pas une seule.»

« Lorsque la philosophie peint son gris en gris, c'est qu'une figure de la vie est devenue vieille, et avec du gris en gris elle ne se laisse pas rajeunir mais seulement connaître ; la chouette de Minerve ne prend son envol qu'au crépuscule qui commence. » 


Alain Etchegoyen, Le pouvoir des mots, Dictionnaire critique de l'entreprise contemporaine, 1994, p. 46

« Sans doute, dans notre société, les politiques nous montrent-ils l'extrême limite, inquiétante, de ce qu'il peut advenir d'un concept fondamental pour toute organisation : dans la rhétorique nouvelle que leur proposent ou leur imposent les médias, ils sont de plus en plus tentés de déterminer leur action en fonction des communications possibles. De ce fait, le processus de décision menace d'être réduit à un acte de communication, dans sa temporalité comme dans son contenu, et l'on ne prend même plus le temps de suivre l'application de la décision. »

Alain Etchegoyen, Le pouvoir des mots, Dictionnaire critique de l'entreprise contemporaine, 1994, p. 129

« Le repos a deux contraires : Le travail et le mouvement, depuis l'Antiquité. La métaphore guerrière n'est pas loin ; de la mobilité des troupes à la mobilité des hommes, il n'y a qu'un pas, franchi dans la représentation d'une guerre économique. »

Alain Etchegoyen, Le pouvoir des mots, Dictionnaire critique de l'entreprise contemporaine, 1994, p. 190 

« Le changement des mots est souvent un baptême grâcieux et gratuit. »

Alain Etchegoyen, Le pouvoir des mots, Dictionnaire critique de l'entreprise contemporaine, 1994, p. 200

« Tous les usages [du mot stratégie] qui ne dépendent pas du chef d'entreprise s'assimilent à des notions plus communes et subalternes, tels le plan ou la tactique. D'ailleurs, le mot [stratégie] vient directement du vocabulaire militaire  pour indiquer l'envergure par rapport aux tactiques qui la servent, comme des moyens se mettent au service des fins. Il relève pleinement de ce lexique militaire qui vit dans l'entreprise : guerre économique, effectif, encerclement, siège, bataille, mobilisation, fer de lance, etc. Le chef d'entreprise est aussi un chef militaire qui a ses troupes. Le concept de stratégie est certainement l'un des plus passionnants de l'entreprise. Il est par excellence le lieu de la décision. Le chef ne peu pas ne pas avoir de stratégie, à long terme ajoute-t-on d'ordinaire. »

Alain Etchegoyen, La valse des éthiques, 1991, p.122

« La communication entrave sans cesse notre exigence morale. Elle en est une condition nécessaire, mais tout, autour de nous, dans le paysage audiovisuel, achève de nous faire perdre nos repères. Nous ne savons plus quand nous nous avilissons aux spectacles sordides. Une morale future aura besoin d’un consensus, d’une communication qui manifestent notre intercompréhension. Nous cherchons en vain un canal qui nous y aide. »


Christophe Caupenne, Petit guide de contre-manipulation, p. 168

« Le poids des minorités est un levier manipulatoire que savent parfaitement exploiter les petits groupes, les associations et les cercles de reflexion, mettant en avant le principe d'équité, "tout le monde a droit à son temps de parole, à son temps d'exposition". Donc, mécaniquement, plus un groupe constitue une minorité, plus il a de chances d'être surexposé médiatiquement et d'obtenir de l'audience. C'est le principe même de l'attraction que provoque "l'originalité". Les minorités sont, proportionnellement à leur poid réel ou à leur objectif, surreprésentées. Un bon manipulateur utilise les minorités comme autant de pions avancés sur l'échiquier de son champ de bataille. Elles sont faciles à mobiliser et plutôt cohésives, donc facilement influençables. »


Pierre-Augustin Caron de Beaumarchais,  Le Mariage de Figaro, acte III, scène 5, 1778

« Mais, feindre d'ignorer ce qu'on sait de savoir, de savoir tout ce qu'on ignore ; d'entendre ce qu'on ne comprend pas, de ne point ouïr ce qu'on entend ; surtout de pouvoir au-delà de ses forces ; avoir souvent pour grand secret de cacher qu'il n'y en a point ; s'enfermer pour tailler des plumes, et paraître profond, quand on n'est, comme on dit, que vide et creux ; jouer bien ou mal un personnage; répandre des espions et pensionner des traîtres ; amollir des cachets, intercepter des lettres, et tâcher d'ennoblir la pauvreté des moyens, par l'importance des objets : voilà toute la politique ou je meure ! »


Serge Halimi, Dominique Vidal, Henri Maler, Mathias Reymond - L'opinion, ça se travaille... Les médias et les « guerres justes » - p. 36

« On l'a compris : la bonne propagande de guerre, ce n'est plus la vieille censure, c'est de savoir appâter les caméras devant des images irrésistibles et manichéennes, devant des scènes qui charrient une émotion mille fois plus ductile que l'intelligence : alors que l'émotion est devenue la trame de l'écriture médiatique automatique (de guerre comme de paix), l'intelligence demeure cette machine lente et redoutable qui trie, digère, relativise, compare,intégrant à la fois le souvenir de très vieilles histoires sans image et l'imagination de conséquences encore inimaginables - et forcement dépourvues d'images. »

Serge Halimi, Dominique Vidal, Henri Maler, Mathias Reymond - L'opinion, ça se travaille... Les médias et les « guerres justes » - p. 146

« D'une chose, on est néanmoins certain désormais. Les grands médias, parce qu'ils détiennent le monopole de l'information - ou, comme disait Bourdieu, celui de la «falsification légitime» -, peuvent sans cesse se déclarer fiers de leur travail, y compris quand ils se conduisent en supplétifs idéologiques de la superpuissance militaire du moment, y compris quand ils accumulent bévues et sottises. »

Serge Halimi, Dominique Vidal, Henri Maler, Mathias Reymond - L'opinion, ça se travaille... Les médias et les « guerres justes » - p. 163

« La frénésie dans le montage d'échaffaudages qui s'écroulent aussitôt transforme le journalisme en version à peine améliorée des discussions de bistrot. »


Jean-Pierre Beaudoin, Être à l'écoute du risque d'opinion, p. 35

« Produire du silence est souvent la condition pour garder l'initiative des perceptions par l'opinion et nécessite une intelligence fine des complexités que le bruit exprime, mais qui ne se révèlent vraiment que dans le silence. Si le bruit surprend celui qui l'entend, c'est qu'il a d'abord été aveugle à ses causes. La valeur du silence est un multiple du coût du bruit. »
« La communication n'appartient à personne. Qu'une fonction en soit comptable dans l'organisation du management est une nécessité organisationnelle. Mais ce dont elle devient de plus en plus comptable est sa capacité à assurer la performance d'intelligibilité et de cohérence des autres fonctions de l'entreprise plutôt que l'exécution séparée de sa mission. »

Jean-Pierre Beaudoin, Être à l'écoute du risque d'opinion, p. 37 

« Toute opinion qui devient majoritaire est aussitôt travaillée par des courants minoritaires. L'entreprise doit être attentive à ces « signaux faibles » comme elle l'est aux « signaux forts » auxquels l'ont habituée les sondages : s'il sont parfois des effets de mode, ils expriment souvent des tendances profondes et durables. »

Jean-Pierre Beaudoin, Être à l'écoute du risque d'opinion, p. 67  

« Saisis par une minorité militante, les médias deviennent un élément de la manifestation de ce risque [d'opinion] aux yeux de l'opinionn et de l'assignation de la responsabilité du risque à un pouvoir. Même dans le cas où le risque est seulement virtuel, la théâtralisation dans les médias de l'annonce d'une catastrophe peut créer, dans l'opinion, un sentiment d'insécurité suffisant, pour que cette crainte devienne, pour le pouvoir concerné, un risque d'opinion réel. »

Jean-Pierre Beaudoin, Être à l'écoute du risque d'opinion, p. 127 

« La montée en puissance de l'intérêt des salariés, face à la valeur pour l'actionnaire et au bénéfice pour le consommateur, en fait pour l'entreprise une cause du « bruit » dans l'opinion, manifestant une hétérogénéité des réactions de l'opinion face à des managements qui doivent intégrer la diversité des influences qui s'exercent sur les conditions de leur activité. »

Jean-Pierre Beaudoin, Être à l'écoute du risque d'opinion, p. 129  

« Une bonne communication a d'abord besoin de silence. Ne plus s'entendre, c'est déjà un conflit. Et c'est le résultat le plus commun du bruit. Une bonne communication doit donc être en mesure de ménager des silences. »

Jean-Pierre Beaudoin, Être à l'écoute du risque d'opinion, p. 149   

« L'opinion est vivante : elle ne s'accomode pas d'une communication figée. La source du risque est davantage dans l'immobilisme de la communication de l'entreprise que dans l'imprévisibilité de l'opinion. Gérer le risque d'opinion est avant tout affaire d'écoute et d'adaptation. »


Rémi Brague, Europe, la voie romaine, 1992, p. 40

« Est « romain », en ce sens, quiconque se sait et se sent pris entre quelque chose comme un « hellenisme » et quelque chose comme une « barbarie ». Etre « romain », c'est avoir en amont de soi un classicisme à imiter, et en aval de soi une barbarie à soumettre. Non pas comme si l'on était un intermédiaire neutre, un simple truchement lui-même étranger à ce qu'il fait communiquer. Mais en sachant que l'on est soi-même sur la scène sur laquelle tout se déroule, en se sachant soi-même tendu entre un classicisme à assimiler et une barbarie intérieure. C'est comme grec par rapport à ce qui est barbare, mais tout aussi bien comme barbare par rapport à ce qui est grec. C'est savoir que ce que l'on transmet, on ne le tient pas de soi-même, et qu'on ne le possède qu'à peine, de façon fragile et provisoire. »


Jacques Ellul, Propagandes, p. 69

« Enfin, l'on doit indiquer l'utilisation de la publication du fait vrai dans la propagande : c'est à partir de là que peut jouer le mieux possible le mécanisme de suggestion. C'est ce que les Américains appellent la technique du « barbouillage ».  Les faits sont traités de telle façon qu'ils entraînent leur auditeur dans un courant sociologique irrésistible. D'une vérité habilement présentée, il faut laisser le public tirer les conséquences évidentes, et il se trouve que l'énorme majorité tire, en effet, les mêmes conséquences, créant ainsi un courant d'opinion. Or, pour y arriver, il faut se fonder sur une vérité, exprimable en peu de mots, et capable d'avoir une certaine durée dans la pensée collective. Dans ces conditions, l'adversaire ne peut absolument pas remonter le courant, - ce qu'il pourrait, à la rigueur, si le fondement était un mensonge, ou s'il fallait une démonstration pour faire pénétrer cette vérité. Au contraire, l'adversaire acculé, lui, à une démonstration, ne peut ainsi modifier les conséquences que l'individu a tirées de la suggestion. »

 

Luc Boltansky & Laurent Thévenot, De la justification, p. 430

«...l'interruption de l'action dans la crise n'est acceptable que si les acteurs manifestent une bonne volonté dans la recherche d'une convergence. Pour n'être pas pathologique, la délibération doit être orientée vers la clôture sur une décision cohérente avec les arguments mis en oeuvre.[...] Le jugement, pour se référer à des faits, doit appréhender dans les êtres ce qui dépasse l'action immédiate et leur assure subsistance. C'est pourquoi l'identification de la situation demande un arrêt de l'action afin d'en dégager la pertinence. »

 

Michel Crozier & Erhard Friedberg, L'acteur et le système, p. 171

« Dans le cadre de la relation de pouvoir la plus simple, telle que nous avons pu la découvrir sous-jacente  à toute situation d'organisation, nous avons montré que la négociation pouvait être reconstruite en logique à partir d'un raisonnement sur la prévisibilité. Chacun cherche à enfermer l'autre dans un raisonnement. Celui qui gagne, celui qui peut manipuler l'autre, donc orienter la relation à son avantage, est celui qui dispose d'une grande marge de manoeuvre. Tout se passe comme s'il y avait une équivalence entre prévisibilité et infériorité. »

 

Jean-Pierre Beaudoin, L'opinion, c'est combien ? Pour une économie de l'opinion, p. 128

« Comme nous l'avons déjà indiqué plus haut, de tous les actifs de l'entreprise, la marque est le seul dont la propriété et la détention soient dissociées. Le fait que ses publics l'utilisent de plus en plus pour écrire leur propre histoire constitue une troisième dissociation : le vocabulaire de la marque n'est plus l'exclusivité du propriétaire de la marque, l'entreprise, ni du détenteur des représentations de la marque, l'opinion. Il est désormais disponible, dans ce qu'il a de plus « déposable » en termes de propriété intellectuelle, pour tout acteur qui, dans l'opinion, veut écrire son discours en détournant la marque. »

Jean-Pierre Beaudoin, L'opinion, c'est combien ? Pour une économie de l'opinion, p. 133

« En tant qu'organisation militante, on peut proclamer librement que l'on sait comment sauver la planète. On ne peut pas, en tant qu'entreprise, proclamer impunément que l'on a trouvé la réponse définitive à un besoin. [...] On a donc, face à un discours idéologique chez les organisations militantes, une obligation de démonstration chez les entreprises. »

Jean-Pierre Beaudoin, L'opinion, c'est combien ? Pour une économie de l'opinion, p. 135

« Pas plus que l'idéologie, la polémique n'est un terrain propice à la communication des entreprises. Son prix, non seulement en termes d'efforts à déployer pour la soutenir dans le temps si nécessaire mais, surtout, en termes d'opinion, est souvent élevé : une entreprise, aussi justifiée que soit sa position, en réagissant à une attaque polémique injustifiée, ne sort jamais indemne d'un tel épisode car l'opinion va en garder la trace dans sa mémoire. »

Jean-Pierre Beaudoin, L'opinion, c'est combien ? Pour une économie de l'opinion, p. 155

« Du point de vue de la communication, le  rôle des médias est de véhiculer des messages plutôt que de constituer des supports pour la publicité. On juge  dans les médias de la justesse d'une cause, de l'urgence d'un risque ou de la vertu d'un comportement, mais aussi de la qualité d'un produit ou de l'attractivité d'une tendance. Les médias sont, par excellence, un champ de forces, le lieu où se rencontrent et se confrontent les mouvements divers de la société, un « tribunal » où les acteurs de la société, dont font partie les journalistes, expriment des jugements. »

Jean-Pierre Beaudoin, L'opinion, c'est combien ? Pour une économie de l'opinion, p. 160

« De ce point de vue, le nombre de journalistes exerçant une influence significative est, dans tous les pays, relativement restreint. Sur un sujet quelconque dans un domaine de spécialité thématique (santé, finance, science) ou sectorielle (secteur de l'industrie), on compte dans chaque pays entre cinq et dix journalistes « de poids ». Comme dans d'autres publics, les leaders sont, par définition, peu nombreux. Ce groupe restreint exerce une influence véritable, en particulier parce que la presse lit la presse et que les journalistes à compétence forte sont reconnus comme tels par les autres qui tendent à prendre en compte leurs avis ou leurs analyses. C'est une dimension des relations avec la presse qui ne peut pas être ignorée par l'entreprise dans son objectif de production de valeur. »

Jean-Pierre Beaudoin, L'opinion, c'est combien ? Pour une économie de l'opinion, p. 174 

« L'instrument principal de concrétisation des tensions et des choix est le vote qui donne la parole aux citoyens. Il en résulte une vision d'ensemble de ce qui est considéré comme l'intérêt général légitimement fondé et confié à des représentants également légitimes. Dans ce contexte, l'entreprise exprime ses intérêts particuliers en exerçant son influence au moyen de la pression. Pression sur l'opinion, les electeurs, leurs représentants ou l'executif. L'entreprise n'est pas citoyenne : elle est agent, et d'abord de ses intérêts. »

 Jean-Pierre Beaudoin, L'opinion, c'est combien ? Pour une économie de l'opinion, p. 186

« L'investissement dans ces trois aspects centraux de la communication d'influence [investir dans son identité, investir dans le discours, investir dans le réseau], dans un nouveau schéma, exprime une politique. La méthode ancienne du carnet d'adresses ne peut en aucun cas fonder une politique. Outre ses aspects archaïques relevés plus haut, elle contient sa propre limite : les décideurs son souvent mobiles, les réseaux changent , et les carnets d'adresses sont un investissement de courte vie, si on les compare à la mise en oeuvre d'une méthode professionnelle. Celle-ci est, en effet, indifférente à la consanguinité : l'analyse des communautés d'intérêts ne relève pas des services entre amis. »  


Saint Augustin, Les Confessions, livre 11, chapitre XX

« Mais enfin, je vois clairement, dès-à-présent, que le passé ni l’avenir ne sont point. Ainsi, au lieu de dire qu’il y a trois sortes de temps, le passé, le présent et l’avenir, il faudrait peut-être dire, pour parler juste, qu’il y a trois sortes de temps présent, dont l’un regarde les choses passées, l’autre les choses présentes, et l’autre les choses à venir. Car nous avons dans l’esprit, et la mémoire du passé, et la vue de ce qui est actuellement présent, et l’attente de l’avenir. Ces trois choses nous sont présentes tout à la fois, et chacun les peut voir en soi, mais nulle part ailleurs. » 

 

Jean-Pierre Beaudoin, Le dirigeant à l'épreuve de l'opinion, p. 56

« On a tort de vouloir avoir raison contre l'opinion quand on pourrait avoir raison avec elle. Se plaindre de l'incompréhension est inutile : la responsabilité de se rendre intelligible dépend de celui qui veut se faire comprendre, pas de ceux qui devraient comprendre. Dans une société où tout est négociation, où la rhétorique retrouve une place de choix parmi les compétences nécessaires à un dirigeant, les modalités de persuasion devraient être envisagées en même temps que l'objet dont il faudra persuader un ou plusieurs publics avant que cet objet devienne une réalité, notamment une réalité économique. Avoir raison avec l'opinion signifie tout faire valoir et admettre ses raisons par l'opinion. Il ne s'agit pas, en effet, de gouverner par les sondages et de livrer aux publics ce qu'ils veulent entendre. Il s'agit au contraire de partager avec les publics, en les conduisant vers la formation d'une opinion, les éléments d'appréciation d'une situation qui va leur donner des instruments de compétence en quelque sorte homothétiques à ceux du dirigeant. C'est le sens de l'effort de pédagogie : il serait illusoire de viser à amener tous les publics au niveau de compétence du dirigeant. Il faut au contraire amener le dirigeant à rendre accessibles les éléments de sa compétence qui rendront son projet intelligible au plus grand nombre. »

Jean-Pierre Beaudoin, Le dirigeant à l'épreuve de l'opinion, p. 125

« Maintenir une confidentialité n'est pas nécessairement protéger un secret. On peut même, dans ce monde poreux, soutenir le contraire : tout ce qui indique un secret attire la curiosité. Une curiosité qui peut devenir malsaine si le secret est le signe du malaise. [...] La communication ne s'accommode pas de secrets. Elle peut préserver une part de confidentialité. » 

Jean-Pierre Beaudoin, Le dirigeant à l'épreuve de l'opinion, p. 129

« Et l'opinion, dans la diversité des publics qui la composent, a besoin d'un récit, d'une intrigue, d'une histoire qui la tienne en haleine. C'est aujourd'hui le mode courant du travail des médias : mettre l'entreprise en récit, comme tout le reste de l'information. Et c'est aussi le travail de la communication : mettre l'entreprise en intrigue, en capacité d'interpellation, en maîtrise de la lecture de son propre récit, de son histoire en train de se faire. Pour ne pas laisser à d'autres le soin de la forger à sa place, autant que pour mettre le récit au service de son projet. Ce mode du récit est contraignant parce qu'il assigne des rôles à ses protagonistes. Il faut une grande cause, au nom de laquelle l'un est la victime, un autre le coupable, et un troisième le héros. Les ingrédients éternels d'une histoire qui captive. »

Jean-Pierre Beaudoin, Des pouvoirs de l'opinion, p. 15-16

« Bref, j'ai bien voulu dire que l'opinion publique n'existe pas, sous la forme en tout cas que lui prêtent ceux qui ont intérêt à affirmer son existence. J'ai dit qu'il y avait d'une part des opinions constituées, mobilisées, des groupes de pression mobilisés autour d'un système d'intérêts explicitement formulés ; et d'autre part, des dispositions qui, par définition, ne sont pas opinion si l'on entend par là, comme je l'ai fait tout au long de cette analyse, quelque chose qui peut se formuler en discours avec une certaine prétention à la cohérence. Cette définition de l'opinion n'est pas mon opinion sur l'opinion. C'est simplement l'explicitation de la définition que mettent en oeuvre les sondages d'opinion en demandant aux gens de prendre position sur des opinions formulées et en produisant, par simple agrégation statistique d'opinions ainsi produites, cet artefact qu'est l'opinion publique. Je dis simplement que l'opinion publique dans l'acception implicitement admise par ceux qui font des sondages d'opinion ou ceux qui en utilisent les résultats, je dis simplement que cette opinion-là n'existe pas. »

Jean-Pierre Beaudoin, Des pouvoirs de l'opinion, p. 56, citant Arjun Appadurai, anthropologue indo-américain connu pour avoir notamment étudié la modernité et la globalisation

« Alors même que la légitimité d'États-nations est toujours plus menacée dans le contexte de leur propre territoire, l'idée de nation est florissante à l'échelle transnationale. À l'abri des déprédations qu'elles subissent dans leurs États d'origine, des diasporas communautaires deviennent doublement loyales à leurs nations d'origine, de sorte que leur loyauté envers l'Amérique devient ambiguë. »

Dans sa version en langue anglaise d'origine :

« Even as the legitimacy of nation-states in their own territorial contexts is increasingly under threat, the idea of the nation flourishes transnationally. Safe from the depredations of their home states, diasporic communities become doubly loyal to their nations of origin and thus ambivalent about their loyalties to America. »

Jean-Pierre Beaudoin, Des pouvoirs de l'opinion, p. 176

« C'est la différence, répétons-le, entre la transparence et la clareté. Dans le domaine de la communication, la transparence est une valeur symbolique, la clareté un principe opérationnel. Si le discours n'est pas clair, il va se prêter à des interprétations qui seront souvent des malentendus. Le contraire de la transparence. On s'expose alors à avoir suscité plus de questions par ses réponses que de satisfactions. L'engrenage peut être sans fin. Il faut donc, on y revient, comprendre ses publics ; quelle est leur géographie, quelles sont leurs cultures, quel est leur vocabulaire, quels sont leurs systèmes de référence pour la compréhension. Quel est, en somme, dans un contexte donné, le bon usage de la transparence. »


Elias Canetti, Masse et Puissance, p. 217

« Mais plus encore que le danger et la rage, c'est le mépris qui pousse à écraser. On écrase quelque chose de très petit, qui ne compte guère, un insecte, parce qu'on ne saurait pas autrement ce qu'il en est advenu. La main humaine ne peut former un creux assez étroit pour cela. Mais, compte non tenu de ce que l'on veut se débarasser d'un esprit tourmenteur, et savoir aussi que l'on s'en est bien débarrassé, ce comportement envers une mouche ou une puce trahit le mépris de tout ce qui est absolument sans défense, vit dans un tout ordre de grandeur et de puissance que nous, qui n'avons rien de commun avec lui, ne nous transformons jamais en lui, ne le craignons pas, sauf s'il se montre soudain en masse. »

Elias Canetti, Masse et Puissance, p. 222

« Ce processus par lequel s'achève toute prise de possession animale, n'est pas sans éclairer le caractère de la puissance en général. Qui veut régner sur les hommes cherche à les rabaisser, à abolir par la ruse leur résistance et leurs droits jusqu'à les avoir impuissants devant lui comme des animaux. C'est en animaux qu'il les utilise ; encore qu'il ne le leur dise pas, il sait toujours au fond de lui-même le peu qu'ils sont pour lui ; il les traitera de moutons ou de bétail devant ses familiers. Son dernier but est toujours de les transformer en proie dévorée et vidée. Peu lui importe ce qui reste d'eux. Plus il les a maltraités, plus il les méprise. »

Elias Canetti, Masse et Puissance, p. 329-330

« Car dans la masse, l'ordre se propage horizontalement entre ses membres. Il se peut qu'au début il ne concerne, venu d'en haut, qu'un individu isolé. Mais comme il a des semblables à proximité, il le leur retransmet immédiatement. Dans sa peur, il se rapproche d'eux. En un clin d'oeil, les autres en sont contaminés. Quelques-uns commencent par se mettre en mouvement, puis d'autres, puis tous. La diffusion instantanée du même ordre les a transformés en masse. Ils fuient alors collectivement. [...] Un ordre donné à un grand nombre de gens a donc un caractère bien particulier. Il vise à faire de ce grand nombre une masse, et il n'éveille pas la peur dans la mesure où il y réussit. C'est exactement la fonction du mot d'ordre par lequel l'orateur impose une certaine direction à des gens rassemblés, et on peut y voir un ordre donné collectivement. Du point de vue de la masse, dont le désir est de se former rapidement et de maintenir son unité, de tels mots d'ordre sont utiles et indispensables. L'art de l'orateur consiste à résumer en mots d'ordre tout ce qu'il veut obtenir et à les présenter avec force à la masse pour l'aider à se former et à exister. C'est lui qui produit la masse et la maintient en vie par un ordre supérieur. Pourvu qu'il ait réussi en cela, ce qu'il lui demandera ensuite réellement n'a guère d'importance. L'orateur peut insulter et menacer tant qu'il veut un rassemblement d'individus, ils ne l'en aimeront pas moins s'il sait ainsi les constituer en masse. »

Elias Canetti, Masse et Puissance, p. 352

« Il est donc vrai que des hommes qui ont agi par ordre s'estiment parfaitement innocents. S'ils sont à même d'affronter leur situation, il se peut qu'ils éprouvent comme de l'étonnement d'avoir si complètement subi la puissance des ordres. Mais ce sentiment éclairé est lui-même sans valeur, arrivant trop tard, quand tout est depuis longtemps fini. Ce qui est arrivé peut se reproduire, car ils sont incapables d'élaborer une protection intime contre de nouvelles situations identiques à l'ancienne. Ils restent livrés à l'ordre sans défense, avec une conscience très obscure du danger qu'il représente. Dans le cas le plus net, heureusement rare, ils en font une fatalité, et mettent alors leur fierté à servir des jouets aveugles, comme si se résigner à cet aveuglement était une preuve de particulière virilité. »

Elias Canetti, Masse et Puissance, p. 490

« Nous avons montré dans cet essai que ce besoin d'invulnérabilité et la passion de survivre se confondent. Là aussi le paranoïaque se montre la réplique exacte du souverain. Leur seule différence est leur situation dans le monde extérieur. Par leur structure interne, ils sont identiques. On peut trouver le parnoïaque plus impressionnant pare qu'il se suffit à lui-même et ne se laisse pas ébranler par ses échecs exterieurs. Il ne fait aucun cas de l'opinion du monde, son délire affronte seul toute l'humanité. [...] L'hypothèse s'impose que la paranoïa recèle la même tendance profonde que la puissance. C'est le désir d'écarter les autres de son chemin afin d'être l'unique, ou encore, sous une forme atténuée et souvent admise, le désir de se servir des autres afin que leur aide fasse de vous l'unique. »

 

Thomas Stenger, Le marketing politique, p. 8

« Dans la filiation marxiste, la communication est un système symbolique d’aliénation des individus, un produit de l’idéologie capitaliste qui « hypnotise » les foules. Tandis que, dans une tradition rationaliste, la communication est l’ennemie de la raison. Elle détruit l’information et transforme la démocratie en un spectacle. On rencontre, sous des formes diverses et avec des dosages variés, la combinaison de ces deux argumentations dans la plupart des propos faisant de la communication « le cancer » de la démocratie. »

Thomas Stenger, Le marketing politique, p. 60 et p. 64

Cet extrait de l'ouvrage cite notamment Michel Bongrand, alors nommé responsable de campagne pour les candidats de la majorité après les élections présidentielles de 1965, qui avaient vu le candidat Jean Lecanuet mettre en ballotage le Général de Gaulle en réalisant près de 16% des voix au premier tour.

« Avant le marketing politique, il existe le marketing tout court. Ma difficulté a d’abord été de définir le marketing tout court – j’ai fait beaucoup de publicité, comme je vous l’ai expliqué. J’ai cherché à formaliser. J’en suis venu à la définition suivante : le marketing est un ensemble de techniques ayant pour objectif d’adapter un produit à son marché, de le faire connaître au consommateur, de faire la différence avec les concurrents et, avec un minimum de moyens, d’optimiser le profit né de la vente. La transposition littérale du marketing en politique donne la définition suivante : le marketing politique est un ensemble de techniques ayant pour but de favoriser l’adéquation d’un candidat à son électorat potentiel, de le faire connaître par le plus grand nombre d’électeurs, de créer la différence avec les concurrents et les adversaires et avec un minimum de moyens, d’optimiser le nombre de suffrages. »
« Il ne faut pas simplement répondre aux attentes. C’est plus compliqué que cela. Il faut comprendre les attentes, dire aux Français qu’on a compris leurs attentes et que si on n’y répond pas immédiatement, c’est parce que l’intérêt de la France le nécessite… On commence par leur dire ce qu’on fait de bien pour eux pour qu’ils reconnaissent que c’est une étape nécessaire. Le marketing politique ne doit pas aveuglément répondre à la demande. Il doit servir à l’identifier et expliquer. [...] Parce que je pense qu’au-delà du marketing, y compris du marketing politique, le seul mot qui compte, c’est le coeur. C’est la sensibilité, c’est la sincérité. C’est plus important qu’un rapport de trois cents pages. Il faut gagner la confiance. »

Thomas Stenger, Le marketing politique, p. 99

« L’émotion est suscitée chez l’électeur notamment lors de véritables cérémonies qui sacralisent l’instant passé à écouter le leader. Le registre émotionnel est atteint à travers deux dialectiques opposées mais complémentaires qui sont d’une part la création d’anxiété et d’empathie et d’autre part la création d’une image, oscillant entre héros et homme « normal ». En ces temps de marketing politique, ces effets d’émotion paraissent être de puissants vecteurs de création de votes imaginaires, votes sur lesquels l’individu peut projeter sans limite tout ce qu’il désire. »

Thomas Stenger, Le marketing politique, p. 123

« Le sentiment d’appartenance à une communauté qui peut faire la différence et qui incarne le renouveau apporte un ensemble de gratifications dont l’intensité sera modulée par le niveau d’investissement cognitif, temporel et pécuniaire de chacun. »

Thomas Stenger, Le marketing politique, p. 137

« De part leur adaptation spontanée aux fonctions de vigilance, de dénonciation et de notation, les réseaux socionumériques peuvent être perçus comme des champs d’action spécifiques du consumérisme politique. Ils permettent aux individus d’exercer directement un pouvoir de contrôle ou de nuisance. Internet devient ainsi un espace de veille généralisé où l’opinion publique digitalement consolidée agirait en soutien ou en réaction à l’action politique, participant tant à sa diffusion qu’à son boycott. Ce regard scrutateur exercé par les citoyens-consommateurs peut se traduire par le concept de « sous-veillance », un néologisme qui souligne un caractère bottom-up (littéralement de bas en haut, selon une logique ascendante), à l’inverse de la « sur-veillance », qui suggère un regard top-down, c’est-à-dire venant du haut»

Thomas Stenger, Le marketing politique, p. 167

« Le paradoxe de cette révolution des techniques de communication est de compliquer encore plus le processus de communication humaine et politique qu’elle devait, au contraire, simplifier. Le récepteur constitue en quelque sorte la revanche des hommes, des cultures, des valeurs, et des représentations sur les dispositifs techniques. Comme si la communication s’échappait et l’incommunication s’installait, au fur et à mesure qu’il est de plus en plus aisé d’interagir. On est loin d’en avoir fini avec cette « savonnette » qu’est la communication. » 


Gabriel Tarde, L'opinion et la foule, 1901

« L'opinion, dirons-nous, est un groupe momentané et plus ou moins logique de jugements, qui, répondant à des problèmes actuellement posés, se trouvent reproduits en nombreux exemplaires dans des personnes du même pays, du même temps, de la même société. »


Jürgen Habermas, L'Espace public : Archéologie de la publicité comme dimension constitutive de la société bourgeoise, 1962

« De même que l'opinion, dans sa fonction de contrôle social, doit se laisser exprimer par le censeur, de même l'opinion, dans sa fonction législative, doit se laisser exprimer par le législateur. Celui-ci se trouve, face à une opinion qui est certes souveraine, mais qui risque d'être bornée, en situation précaire. Il ne peut se servir ni de la force ni de la discussion publique (ni la force ni la résolution) et doit ainsi trouver refuge dans l'autorité d'une influence indirecte, « qui puisse entraîner sans violence et persuader sans convaincre ». La démocratie de l'opinion publique non-publique selon Rousseau postule en fin de compte un exercice du pouvoir par la manipulation. »

 

Fernand Braudel, La dynamique du capitalisme, p. 67

« Privilège du petit nombre, le capitalisme est impensable sans la complicité active de la société. Il est forcément une réalité de l'ordre social, même une réalité de l'ordre politique, même une réalité de civilisation. Car il faut que, d'une certaine manière, la société tout entière en accepte plus ou moins consciemment les valeurs. »

 

Paul Virilio, Le futurisme de l'instant, p. 62

« Cette synchronisation des émotions, des sensations en temps réel, permet d'installer, un peu partout à la fois, cette communauté d'émotion des individus qui succéderait à la communauté d'intérêt des classes sociales que la standardisation de l'opinion publique de l'ère industrielle avait échoué à concrétiser - la révolution informationnelle et son INTERACTIVITÉ parvenant à réaliser, quant à elles, cette mondialisation des sensations communes, capable d'éliminer tout à fait la LOCALISATION du politique dont la cité était, hier encore, le symbole historique ; la cité patrimoniale se trouvant contestée comme l'avait été, à la fin du XXe siècle, l'État national, en proie à la critique de son souverainisme. »

 

Pierre Nora, L'idée de génération (1992), in Recherches de la France, Paris, NRD Gallimard, 2013, p. 444-445

« Tous les moments de plus forte prise de conscience d'être une génération sont faits, sans exception, du désespoir et de l'accablement devant le massif d'une histoire qui vous surplombe de toute sa hauteur inaccessible et vous frustre de sa grandeur et de son tragique. [...] La mémoire générationnelle relèvez d'une sociabilité d'emblée historique et collective pour s'intérioriser jusqu'à des profondeurs viscérales et inconscientes qui commandent les choix vitaux et les fidélités réflexes. Le « je » est en même temps un « nous ». A ce niveau d'incarnation, la mémoire n'a plus grand-chose à voir avec le temps. »

 

Paul Watzlawick, Une logique de communication, 2014

« Un phénomène reste incompréhensible tant que le champ d'observation n'est pas suffisamment large pour qu'y soit inclus le contexte dans lequel ledit phénomène se produit. »
« Ne pas pouvoir saisir la complexité des relations entre un fait et le cadre dans lequel il s'insère, fait que l'observateur bute sur quelque chose de mystérieux et se trouve conduit à attribuer à l'objet de son étude des propriétés que peut-être il ne possède pas. »

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