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mardi 22 avril 2025

Le renseignement géospatial (GEOINT) comme source d'information pour les Etats et les entreprises

Le GEOINT, acronyme de Geospatial Intelligence ou renseignement géospatial, désigne une discipline du renseignement qui consiste à exploiter et analyser des données géolocalisées pour décrire, évaluer et représenter visuellement des caractéristiques physiques et des activités humaines sur Terre. Cette approche fusionne des données issues de multiples capteurs (satellites, drones, capteurs terrestres, réseaux sociaux, etc.) et de diverses sources (imagerie, signaux, informations ouvertes) pour produire des analyses à haute valeur ajoutée, généralement sous forme de cartes synthétiques et de rapports explicatifs.



Caractéristiques principales

Fusion de données géolocalisées : Le GEOINT se distingue par l’association de données géographiques (latitude, longitude, altitude, horaire) et de données de renseignement, permettant une compréhension fine des situations et des événements. Nous allons montrer en fin d'article un cas d'étude intéressant qui couvre ce concept clef.

La fusion des données géolocalisées est un processus technique sophistiqué qui vise à intégrer des informations provenant de sources diverses pour produire une vision unifiée et exploitable d’une situation ou d’un environnement. Cette démarche commence par la collecte de données issues de multiples capteurs et systèmes : satellites GNSS, drones, capteurs IoT, réseaux sociaux, bases de données géographiques, etc. Ces données, souvent hétérogènes tant par leur format que par leur précision ou leur système de coordonnées, doivent d’abord être harmonisées. Cela implique de convertir les formats de fichiers, de réprojeter les données dans un référentiel géographique commun (comme WGS84 ou Lambert) et de réaliser un contrôle qualité pour éliminer les doublons et corriger les erreurs de géocodage.

Une fois cette étape de normalisation accomplie, la fusion proprement dite s’appuie sur des algorithmes avancés. Parmi les plus utilisés, on trouve le filtre de Kalman étendu, qui permet de combiner des mesures bruitées (par exemple, GPS et capteurs inertiels) pour estimer avec précision la position d’un objet en temps réel. D’autres méthodes probabilistes ou possibilistes sont employées pour gérer les incertitudes et fusionner des données parfois contradictoires, en attribuant à chaque source un niveau de confiance adapté. L’intelligence artificielle et l’apprentissage automatique jouent également un rôle croissant, notamment pour détecter des motifs spatio-temporels ou anticiper des évolutions à partir de grands volumes de données.

Sur le plan logiciel, la fusion des données géolocalisées s’appuie sur des plateformes spécialisées. Les systèmes d’information géographique (SIG) comme ArcGIS ou QGIS permettent de superposer et d’analyser différentes couches d’informations. Des outils dédiés, tels que X-PAD Fusion, intègrent dans un même environnement des données issues de GNSS, de nuages de points LiDAR et d’images de drones, avec des modules de post-traitement avancés. De plus, les solutions cloud et les outils de data blending automatisent la préparation, la jointure et l’enrichissement des données pour offrir une vue globale et cohérente.

Concrètement, la mise en œuvre de la fusion des données géolocalisées suit plusieurs étapes opérationnelles. Il s’agit d’abord d’aligner les données dans le temps et l’espace, en synchronisant les horodatages et en adoptant un référentiel commun. Ensuite, on procède à la corrélation et à l’association des entités détectées par différentes sources, par exemple en reliant un navire repéré par un système AIS à une image satellite. Enfin, la combinaison des informations se fait de manière adaptive, en ajustant dynamiquement l’importance accordée à chaque source selon sa fiabilité.

Les applications de cette technologie sont nombreuses et variées. Dans la robotique autonome, par exemple, des robots peuvent utiliser la fusion de données GPS et de capteurs inertiels pour naviguer avec une précision centimétrique. En gestion de crise, la combinaison d’images satellites, de données météorologiques et d’informations issues des réseaux sociaux permet de modéliser en temps réel la propagation d’incendies ou d’autres catastrophes naturelles. Dans le domaine de la logistique, le croisement de données IoT, de prévisions météo et d’analyses prédictives optimise les chaînes d’approvisionnement.

Toutefois, la fusion des données géolocalisées présente aussi des défis. L’interopérabilité entre systèmes et formats reste un enjeu majeur, tout comme la capacité à traiter des volumes massifs de données en temps réel grâce à l’edge computing. Enfin, la sécurité des flux d’information et la vérification de leur intégrité sont essentielles pour garantir la fiabilité des analyses produites. Grâce à ces avancées techniques, la fusion des données géolocalisées s’impose aujourd’hui comme un pilier du renseignement géospatial, offrant une supériorité informationnelle décisive dans de nombreux domaines.

Processus structuré : Il suit le cycle du renseignement (orientation, collecte, exploitation, diffusion), intégrant des informations provenant de tous les milieux physiques (aérien, terrestre, maritime) et de sources variées (imagerie, signaux, sources humaines, réseaux sociaux).

Cycle classique de vie de l’information

Le processus structuré du GEOINT s’appuie sur le cycle classique du renseignement, une méthode éprouvée qui permet de transformer des données brutes en informations exploitables et adaptées aux besoins des décideurs. Ce cycle commence par la phase d’orientation, où les besoins en renseignement sont précisément définis. Les responsables, qu’ils soient militaires, politiques ou issus d’organisations civiles, expriment leurs attentes en fonction de la situation à analyser ou du problème à résoudre. Cette étape consiste à clarifier les objectifs, à identifier les zones géographiques d’intérêt, à déterminer les types d’informations recherchées et à planifier les ressources nécessaires. Par exemple, il peut s’agir de surveiller une frontière, de localiser des infrastructures critiques ou de suivre des mouvements de population lors d’une crise humanitaire. L’orientation permet ainsi de cadrer la mission et de sélectionner les capteurs et les sources les plus pertinents, qu’il s’agisse de satellites, de drones, de capteurs terrestres, de réseaux sociaux ou de sources humaines.

La deuxième phase, la collecte, consiste à rassembler des données provenant de tous les milieux physiques — aérien, terrestre, maritime — et de sources variées. Cette diversité est l’une des forces du GEOINT. Les satellites et les drones fournissent des images et des relevés précis du terrain ou des mouvements d’objets, tandis que les capteurs terrestres enregistrent des données environnementales ou logistiques. Les balises AIS permettent de suivre les navires en mer, et les réseaux sociaux offrent des informations en temps réel sur des événements ou des incidents. Les rapports issus de sources humaines, comme les témoignages ou les observations de terrain, viennent enrichir cette collecte. Toutes ces données, souvent hétérogènes dans leur format et leur précision, sont agrégées dans des bases de données géospatiales, prêtes à être exploitées.

Vient ensuite la phase d’exploitation, où les données collectées sont traitées, analysées et fusionnées pour produire une information cohérente et pertinente. Cette étape mobilise des outils technologiques avancés, comme les systèmes d’information géographique (SIG), qui permettent de superposer différentes couches d’informations et de réaliser des analyses spatiales complexes. L’intelligence artificielle et les algorithmes de fusion de données jouent ici un rôle crucial, en corrélant des signaux faibles provenant de différentes sources, en détectant des motifs ou des anomalies, et en réduisant les incertitudes. Par exemple, l’analyse croisée d’images satellites, de signaux radio interceptés et de messages sur les réseaux sociaux peut permettre d’identifier un déplacement de troupes ou de localiser un incident majeur. L’exploitation vise à transformer la masse de données en connaissances actionnables, adaptées au contexte opérationnel.

La dernière étape du cycle est la diffusion. Les produits du GEOINT, qu’il s’agisse de cartes de synthèse, de rapports analytiques ou de visualisations interactives, sont transmis aux décideurs via des canaux sécurisés et adaptés à l’urgence de la situation. Ces produits doivent être clairs, synthétiques et directement exploitables pour faciliter la prise de décision. La diffusion inclut aussi un retour d’information : les utilisateurs peuvent formuler de nouveaux besoins ou ajuster leurs demandes en fonction des résultats obtenus, relançant ainsi le cycle du renseignement.

Ce processus structuré, intégrant des informations issues de tous les milieux physiques et de sources variées, fait du GEOINT un outil transversal et puissant. Il permet de décloisonner les disciplines, de croiser les expertises et d’offrir une vision globale, précise et actualisée des situations, qu’il s’agisse d’opérations militaires, de gestion de crise ou d’applications civiles.

Outils technologiques : L’utilisation de systèmes d’information géographique (SIG), de l’intelligence artificielle et de plateformes de fusion de données est centrale pour traiter le volume et la diversité des informations.

Les outils technologiques jouent en effet un rôle central dans le traitement des données géospatiales, permettant de gérer à la fois leur volume exponentiel (big data) et leur diversité croissante. Parmi ces outils, les systèmes d’information géographique (SIG) constituent la colonne vertébrale du GEOINT. Par exemple, lors d’une opération humanitaire, un SIG peut croiser des cartes de densité de population avec des images post-catastrophe pour identifier les zones prioritaires d’intervention.  

L’intelligence artificielle (IA) révolutionne la manière dont les données géospatiales sont exploitées. Les algorithmes d’apprentissage profond (deep learning) sont entraînés à reconnaître des motifs dans des images satellites ou des flux de données temps réel. Un cas d’usage emblématique est la détection automatique de changements dans l’environnement : en comparant des images historiques et actuelles, l’IA identifie des constructions illégales, des déforestations ou des déplacements de troupes. Les réseaux neuronaux sont également utilisés pour prédire des scénarios, comme la propagation d’un incendie ou l’évolution d’une crise migratoire, en intégrant des variables météorologiques, sociales et politiques. Ces modèles, nourris par des téraoctets de données, offrent une capacité d’anticipation inédite, mais nécessitent une infrastructure de calcul puissante (GPU, cloud computing) pour traiter les informations en temps utile.  

Les plateformes de fusion de données complètent cet écosystème en permettant l’intégration transparente de sources multiples. Ces solutions, comme FME (Feature Manipulation Engine) ou Palantir, agissent comme des « connecteurs universels » entre des formats disparates (fichiers CSV, flux API, bases de données spatiales) et des protocoles variés (HTTP, MQTT pour l’IoT). Elles automatisent des tâches critiques : nettoyage des données (suppression des doublons, correction des erreurs de géocodage), harmonisation des systèmes de coordonnées (transformation WGS84 vers UTM), et enrichissement par croisement avec des référentiels externes (adresses, limites administratives). Par exemple, lors d’une surveillance maritime, une telle plateforme peut fusionner les positions AIS des navires, les images radar et les rapports de renseignement humain pour générer une carte unifiée des activités suspectes.

Ces outils, combinés à des normes d’interopérabilité (OGC, INSPIRE) et à des protocoles de sécurité renforcés, forment un socle technologique indispensable au GEOINT moderne. Ils transforment un flux désorganisé de données brutes en connaissances spatialisées, précises et directement actionnables, offrant aux décideurs une longueur d’avance dans des contextes toujours plus complexes.

Produits finaux : Le GEOINT produit des cartes de synthèse, des analyses prédictives et des rapports qui facilitent la prise de décision dans les domaines militaire, sécuritaire, mais aussi civil (gestion de crise, urbanisme, environnement).

Les produits finaux du GEOINT constituent en effet l’aboutissement du cycle du renseignement géospatial et jouent un rôle décisif dans la prise de décision, que ce soit dans les domaines militaire, sécuritaire ou civil. Le produit le plus emblématique est la carte de synthèse, résultat de la fusion entre données géographiques et données de renseignement. Cette carte ne se limite pas à une simple représentation spatiale : elle intègre des informations issues de multiples sources (imagerie satellite, signaux AIS pour le maritime, données issues des réseaux sociaux ou de capteurs au sol), croisées et analysées pour répondre à une problématique précise. Elle est systématiquement accompagnée d’un texte explicatif qui met en perspective les données, détaille les éléments d’analyse et répond de manière argumentée à la question posée par le décideur.

Au-delà de la cartographie, le GEOINT produit également des analyses prédictives, rendues possibles par l’intégration de l’intelligence artificielle et des outils d’analyse géospatiale avancés. Ces analyses permettent d’anticiper des évolutions, de détecter des tendances ou des anomalies, et de modéliser des scénarios futurs, qu’il s’agisse de mouvements de populations, de propagation de crises environnementales, ou de risques sécuritaires. Par exemple, dans le secteur civil, l’analyse prédictive peut servir à anticiper l’usure des infrastructures routières ou à optimiser la gestion des ressources lors d’une catastrophe naturelle.

Les rapports GEOINT, quant à eux, synthétisent l’ensemble des informations collectées et analysées, offrant une vision globale et argumentée de la situation. Ces rapports peuvent inclure des visualisations interactives, des infographies, des modèles 3D ou des simulations, facilitant la compréhension et la prise de décision rapide. Dans le contexte militaire, ils apportent une supériorité informationnelle en offrant des capacités de ciblage précises, une meilleure projection des forces et une anticipation des actions adverses. Dans la gestion de crise, la cartographie dynamique et l’intégration de données en temps réel permettent une coordination optimale des secours et une réactivité accrue face à l’évolution de la situation.

Enfin, le GEOINT s’impose aussi comme un outil d’influence et de communication, en rendant accessibles des situations complexes par des représentations visuelles claires et partagées. Que ce soit pour informer l’opinion publique, convaincre des partenaires ou orienter une stratégie, la qualité et la pertinence des produits GEOINT sont devenues incontournables pour tout acteur confronté à la complexité des enjeux contemporains.


Origines et évolution

Né dans la communauté militaire américaine à partir des années 1960, le GEOINT s’est imposé dès les années 1990 et 2000 comme une composante stratégique du renseignement moderne, notamment avec la création de la National Geospatial-Intelligence Agency (NGA) en 2003. Il s’est progressivement étendu à d’autres domaines, devenant aujourd’hui un socle de convergence de toutes les disciplines du renseignement et un outil indispensable d’aide à la décision.

L’origine du GEOINT remonte en effet aux premières utilisations de la cartographie et de la photographie aérienne durant les deux guerres mondiales, périodes où les militaires ont compris l’importance stratégique de la représentation précise du terrain pour la planification et la conduite des opérations. Au fil des décennies, l’évolution technologique, notamment le développement de la télédétection spatiale à partir de la Guerre froide, a permis d’intégrer de nouvelles sources d’information, telles que l’imagerie satellite et les systèmes d’information géographique. C’est cependant dans les années 1990 et 2000, avec l’émergence d’Internet, la numérisation massive des données et la création de la National Geospatial-Intelligence Agency (NGA) aux États-Unis, que le GEOINT s’est structuré en tant que discipline à part entière, associant désormais données géospatiales, renseignement d’origine image, signaux électroniques et sources ouvertes.

L’intégration du renseignement d’origine sources ouvertes (OSINT) a profondément transformé le GEOINT. L’OSINT consiste à collecter et analyser des informations accessibles publiquement, issues de médias, de documents gouvernementaux, de publications académiques, de bases de données commerciales, mais surtout d’Internet et des réseaux sociaux. Cette approche permet de valider ou de compléter des informations obtenues par d’autres moyens, d’identifier des tendances, d’explorer des zones difficiles d’accès et de prévoir des événements futurs. Les outils OSINT sont aujourd’hui essentiels pour les professionnels de la géo-intelligence, car ils offrent une vue détaillée et actualisée du monde, en particulier dans des contextes où l’accès physique au terrain est limité ou impossible.

Dans ce contexte, des plateformes comme Google Earth ont révolutionné l’exploitation du renseignement géospatial en rendant accessible à tous une cartographie mondiale, agrémentée d’images satellites, de vues aériennes, de modélisations 3D et d’historiques d’images. Google Earth, mais aussi Google Maps, OpenStreetMap et d’autres outils collaboratifs, sont devenus des références tant pour les professionnels que pour le grand public. Les analystes peuvent ainsi explorer des zones d’intérêt, comparer l’évolution d’un site dans le temps, identifier des infrastructures ou des changements environnementaux, et même intégrer leurs propres données pour des analyses spécifiques. Il reste cependant important de souligner ici que les données de travail sont ainsi partagées avec des outils soumis dans le cas américain à la règle d'extraterritorialité, et qu'il est primordial de s'assurer de la confidentialité de ses données.

L’exploitation des données géospatiales issues de Google Earth illustre parfaitement la convergence entre innovation technologique, démocratisation de l’accès à l’information et exigences de fiabilité. Cette évolution consacre l’importance croissante de la recherche en source ouverte sur le Net et la capacité à exploiter des plateformes universelles comme Google Earth pour transformer l’information géospatiale en véritable levier stratégique.


Exemples d’applications : cas d'étude à partir d'une photo satellite

Un cas possible de travail est le suivi en temps réel de mouvements de personnes ou de véhicules sur un théâtre d’opérations. Le conflit russo-ukrainien a démontré l'importance de l'utilisation combinée des informations GEOINT et des drones sur le terrain.

Dans le domaine militaire en effet, le GEOINT est devenu un outil incontournable pour la planification et la conduite des opérations. Par exemple, lors d’une opération extérieure, les forces armées utilisent la fusion d’images satellites, de données de drones et de renseignements d’origine humaine pour cartographier en temps réel les positions adverses, identifier les itinéraires de déplacement sûrs, localiser des caches d’armes ou anticiper des mouvements de troupes. Les analystes GEOINT produisent des cartes tactiques actualisées qui permettent aux commandants de prendre des décisions éclairées, de réduire les risques pour leurs unités et d’optimiser l’efficacité des frappes ciblées. Un autre exemple emblématique concerne la surveillance maritime : grâce à la combinaison des signaux AIS (Automatic Identification System), des images radar et des observations satellitaires, il est possible de détecter des activités illégales telles que la pêche non autorisée, la contrebande ou le trafic de migrants, même dans des zones éloignées et difficiles d’accès.


Dans le secteur sécuritaire et de la gestion de crise, le GEOINT joue un rôle clé dans la réponse aux catastrophes naturelles ou aux crises humanitaires. Lors des incendies massifs en Australie, par exemple, les services de secours ont exploité la fusion de données satellites, de relevés météorologiques et de signalements issus des réseaux sociaux pour modéliser la propagation des feux, localiser les populations à évacuer et coordonner l’intervention des équipes au sol. De même, lors d’inondations majeures, la superposition de cartes topographiques, d’images en temps réel et de données issues de capteurs connectés permet d’anticiper les zones à risque, d’optimiser le déploiement des secours et de limiter les pertes humaines et matérielles.

Dans le secteur civil et urbain, le GEOINT contribue à la planification urbaine, à la gestion des infrastructures et à l’optimisation des réseaux de transport. Les collectivités locales utilisent la cartographie dynamique pour planifier le développement de nouveaux quartiers, anticiper les besoins en équipements publics ou surveiller l’évolution du trafic routier. Les opérateurs logistiques, quant à eux, croisent les données de géolocalisation des véhicules, les prévisions météorologiques et les informations sur l’état des routes pour optimiser les itinéraires de livraison et réduire les coûts.

Enfin, l’essor des sources ouvertes et des plateformes comme Google Earth a permis de démocratiser l’accès au GEOINT. Des journalistes d’investigation, des ONG ou des citoyens engagés utilisent aujourd’hui ces outils pour documenter des conflits, révéler des atteintes à l’environnement ou vérifier des informations diffusées sur les réseaux sociaux. Par exemple, l’analyse d’images satellites accessibles au public a permis de localiser des camps de détention, de surveiller la construction d’infrastructures sensibles ou de vérifier l’ampleur de catastrophes naturelles, contribuant ainsi à la transparence et à la mobilisation de la communauté internationale.

Ces exemples illustrent la polyvalence du GEOINT, qui s’impose comme un levier stratégique dans de nombreux domaines, grâce à sa capacité à transformer la masse de données géospatiales en connaissances précises, actualisées et directement exploitables pour l’action.


Résumé

Le GEOINT s’impose aujourd’hui comme une discipline stratégique incontournable, à la croisée de la géographie, du renseignement et des technologies numériques. Né de la convergence entre l’imagerie spatiale, la cartographie et l’analyse de données multisources, il permet de décrire, comprendre et anticiper les dynamiques physiques et humaines sur la planète, en s’appuyant sur des outils de pointe comme les systèmes d’information géographique et l’intelligence artificielle. Sa capacité à fusionner des données issues de capteurs variés – satellites, drones, capteurs terrestres, réseaux sociaux – offre une précision et une réactivité sans précédent, que ce soit pour la conduite d’opérations militaires, la gestion de crises ou l’aide à la décision politique et économique. 

Le GEOINT favorise ainsi une vision partagée et multicouche des environnements, facilitant la coordination entre acteurs et la création d’une « Common Operational Picture ». Cependant, son développement rapide soulève de nouveaux défis, notamment en matière de sécurité des systèmes, de stockage des volumes massifs de données et d’interopérabilité des normes. À l’heure où l’anticipation et la rapidité d’analyse deviennent essentielles, le GEOINT entre dans une nouvelle ère, marquée par l’intégration croissante de l’IA et la nécessité d’adapter en permanence ses méthodes et outils pour répondre à la complexité du monde contemporain.


Cas d'étude : La photo satellite

Nous remercions ici la DRM pour l'initiative sur les réseaux sociaux numériques en faveur de la découverte de l'OSINT et plus spécifiquement du GEOINT dans ce cas précis. Nous avons repris un exercice de cartographie et avons poussé le sujet jusqu'à la recherche d'identification d'un aéronef en parking sur un aéroport.

La photo satellite initialement présentée est celle-ci :

Pour celles et ceux qui connaissent la géographie européenne, on reconnait ici un particularisme caractéristique d'une construction humaine originale, à la fois pont et tunnel. Il s'agit en effet du pont de l'Øresund, avec son prolongement par une île puis un tunnel, reliant les villes de Malmö en Suède et de Copenhague au Danemark. 

Ce pont est à deux niveaux : sur la partie supérieure se trouve l'autoroute E20, et sur la partie inférieure la ligne ferroviaire Copenhague-Malmö. Le nom officiel de l'ensemble, Øresundsbron, est un compromis entre les orthographes danoises et suédoises : Øresund (danois) ou Öresund (suédois) est le nom du détroit entre la Suède et le Danemark, et broen (danois) ou bron (suédois) signifie « le pont ».



On peut aller plus loin dans l'exercice d'identification en focalisant notre attention sur l'aéroport Kastrup de Copenhague, en appliquant une série de zooms successifs :






On commence à voir à ce niveau de zoom, les détails de plusieurs hangars techniques de l'aéroport, ainsi que le détail de plusieurs aéronefs.

Prenons l'exemple du plus gros aéronef présent sur cette image : l'image suivante est suffisamment détaillée pour nous faire reconnaitre une Boeing 737 de la compagnie Norwegian Airlines.


L'utilisation ici de Google Earth comme outil d'investigation, permet de bénéficier de la reconstruction 3D des objets, et de pouvoir ainsi observer l'aéronef sous différents angles, afin de tenter de collecter des informations supplémentaires, voire de tenter une identification.


On voit ici qu'il est impossible de lire le numéro d'identification de l'aéronef. C'est ce que l'on appelle le numéro d'mmatriculation de l'avion. Souvent, il sera affiché sur les portes du train d'atterrissage avant ou devant l'empennage arrière de l'aéronef.

Compte tenu de l'angle de prise de vue satellite, il est donc manifestement impossible de lire ce numéro d'identification. Par contre, en vérifiant la politique de décoration de la flotte de Norwegian Airlines, on apprend que chaque aéronef fait l'objet d'un marquage de héro nordique emblématique sur la dérive de l'aéronef.

Portons donc notre attention sur ce portrait et tentons de le redresser pour effectuer une recherche plus efficace sur le Net :


On voit relativement nettement qu'il s'agit d'un portrait de femme jeune, aux cheveux courts, et portant un haut blanc (une chemise claire par exemple).

Une simple recherche par internet permettra de trouver un compte X (ex-twitter) présentant une liste des nouveaux portraits de héros utilisés par Norwegian Airlines et une rapide comparaison conclura sur cette découverte facilement : il s'agit du portrait de Jenny Lind. Johanna Maria Lind, plus connue sous le nom de Jenny Lind, est une cantatrice suédoise, née le 6 octobre 1820 à Stockholm et morte le 2 novembre 1887 à Wynd's Point dans le Worcestershire, en Angleterre.

Son portait apparaît également sur le billet de 50 courronnes suèdoises :


Si on redresse donc l'image de la dérive du Boeing afin de générer une image parfaitement rectangulaire pour la recherche sur le Net, on obtient le résultat suivant :


Source X (ex-Twitter) montrant une photographie d'un catalogue de la compagnie aérienne, avec ses nouveaux héros.


Il s'agit donc de l'aéronef suivant clairement identifié sur le Net :


On a comparé une nouvelle fois le portrait issu des trois sources afin de trianguler l'information et confirmer qu'il n'y avait aucune doute sur le portrait situé sur la dérive de l'appareil, et l'identification de l'aéronef comme étant un Boeing 737-8JP de numéro d'mmatriculation LN-DYG.

On peut aller encore plus loin dans cette étude de cas GEOINT et tenter de savoir à quelle heure la photographie satellite a été prise.


On verifie ici la date d'attribution de la photographie satellite comme étant donnée au 19 juillet 2022.

Puis on travaille sur la taille des ombres et leur direction par rapport à la photographie, en prenant des détails facilement identifiables réduisant ainsi les erreurs d'approximation. On peut ainsi prendre comme point de repère un batiment dont la hauteur est connue, la tour de contrôle de l'aéroport, ou encore la taille du Boeing stationné près du hangar technique. 

Plusieurs mesures permettent ainsi de réduire l'incertitude et de se rapprocher d'une valeur moyenne acceptable, avec un plus faible niveau d'incertitude.




Enfin, l'utilisation de différentes sources qui calculent les ombres projetées et les directions du soleil permettent de conclure sur un horaire autour de 11:10 du matin.





Nous avons donc comme certitude l'information suivante : 

Le Boeing 737-8JP Reg: LN-DYG de la Norwegian Air Shuttle (Jenny Lind) était stationné devant un hangar technique de l'aéroport Kastrup de Copenhague au point de coordonnées GPS 55°36'38"N 12°39'21"E, le 17 juillet 2022 à 11:10 am.

Il pourrait être interessant de continuer l'investigation encore plus loin en cherchant quel était son précédent vol avant cette date, et son vol immédiatement après cette date en consultant les archives des données de vols des aéronefs.

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