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vendredi 11 août 2017

Les préconisations pour une vraie politique de la mer

Aucun des candidats à la Présidentielle 2017 n'a réellement détaillé des propositions précises en matière de politique de la mer.

Pourtant, la Fondation de la mer pense qu'une politique volontariste pourrait créer des centaines de milliers d'emplois en France. L'article dédié à l'analyse de la politique de la mer a montré en même temps la richesse et la complexité du sujet.

Cet article propose de présenter un certain nombre de propositions qui pourraient intégrer le programme d'un ministère de la mer pourvu d'une politique ambitieuse en ce domaine.



Proposition 1: Une réelle politique des transports, ports et industrie navale


Une grande nation maritime doit disposer d'une marine marchande forte et de qualité, de ports attractifs et de chantiers navals innovants et compétitifs. La France doit par ailleurs disposer d'une expertise reconnue afin d'exporter son savoir-faire.

Il s'agit donc de développer une stratégie nationale portuaire, afin de rendre nos ports plus attractifs en leur permettant notamment de répondre rapidement à la croissance du trafic maritime et à la mise en place de chaines de transport et d'approvisionnement.

Il convient également sur le plan du transport maritime de soutenir le transport de marchandises et de voyageurs. L'offre de transports maritimes doit offrir aux transporteurs des solutions durables (économiques, sociales et environnementales) simplifiées et généralisées. Il faut travailler sur une vision globale de flux fidélisés entre mer et terre, et permettre aux ports nationaux d'acheminer les marchandises par les moyens les plus adaptés (fluvial, rail ou route) afin de désenclaver les ports et optimiser le transport de marchandises de bout en bout jusqu'au consommateur final.

Il est également important de simplifier et codifier les règles applicables au transport maritime en particulier les formalités douanières: le transport maritime ne doit pas subir plus de ruptures de charges et de formalités douanières (voire administrative au sens large) que le transport routier homologue.

Enfin, l'industrie navale du futur doit passer par la France qui doit se positionner sur les secteurs à forte valeur ajoutée (cette remarque est également vraie pour toutes les industries françaises en déclin - comme l'industrie textile par exemple)
  • définir une stratégie pour la construction navale dans le segment des navires complexes (navires à pluriactivités) et sur des moteurs de marines éco-labellisés.
  • développer une expertise sur l'écoconception ainsi que le démantèlement responsable des navires (recyclage, dépollution) 
L'idée ici est de pouvoir présenter une offre navale où les pays asiatiques seront moins enclins et moins bien positionné à la concurrence. La France possède un haut niveau de compétences sur toute la chaîne des métiers et doit fournir des navires dans un segment high-tech de la marine marchande et militaire.

Les récentes discussions sur la nationalisation temporaire des chantiers navals STX de Saint-Nazaire (annonce confirmée par le gouvernement français le 28 Juillet 2017) est un exemple intéressant à suivre. Même si cette action permet un sauvetage temporaire de STX, elle ne résout absolument rien sur le fond du problème et n'offre aucune réponse sur le positionnement stratégique de l'entreprise sur le long terme. Comme l'indiquait Bruno Lemaire lors de son intervention du 27 Juillet 2017, il s'agit plus pour le gouvernement de gagner du temps et de renégocier le pacte d'actionnaires que de fournir une solution pérenne.


Proposition 2: Encourager les biotechnologies marines, et ainsi favoriser la création d'emploi inhérente à cette nouvelle industrie.


Le marché mondial des bio-ressources marines est évalué à 2,8 milliards d'euros et croît de plus de 10% par an. Le challenge est tel au niveau de l'emploi que des nouveaux métiers voient le jour et sont en constante augmentation: on recrute des cartographes géomaticiens, des techniciens d'études cliniques, mais le secteur a aussi ses goémoniers, ses algoculteurs, ses écophysiologistes végétaux...

L'aquaculture emploie des conchylicuteurs, des pisciculteurs, des vétérinaires marins et des juristes en droit de l'environnement.

C'est un énorme réservoir de création d'emploi et cette technologie pourrait facilement s'adosser à l'industrie du luxe sur le volet des produits cosmétiques d'origine marine.

Afin de permettre un développement rapide et non-étatisé, le financement doit aussi être plus diversifié qu'aujourd'hui: fonds publics, entreprises, business angels, banques, voire désormais le crowdfunding (le financement participatif) doivent être encouragés.


Proposition 3: Favoriser la recherche et la commercialisation de molécules médicales des grands fonds


Pour l’instant, l’officine de l’océan est encore peu garnie. Les médicaments préparés avec des modèles issus de la mer tiennent sur une étagère. La plupart des sociétés pharmaceutiques ont négligé ce type de recherche, jugé trop coûteux en temps et en argent. Mais plus de 350 brevets ont été pris depuis 1970.

Il faut encourager cette recherche, tant au niveau du CIR que dans les filières permettant la formation des chercheurs et techniciens dans ces domaines.


Proposition 4: Une aquaculture raisonnée


Concernant la protection des ressources halieutiques et de la biodiversité, la priorité doit être donnée à l’extension (notamment en Polynésie française) des aires marines protégées, qui devront représenter 20% des zones économiques exclusives avant 2020. Elle doit s’accompagner du classement d’espèces commerciales menacées d’extinction (thon rouge, requins) parmi les espèces protégées et de l’amélioration des mesures de protection des mangroves (forêts de palétuviers des zones humides et marécageuses du littoral tropical) et des récifs coralliens.

Enfin, afin de développer et de valoriser les procédés de pêche durables, le Livre bleu recommande la création d’un centre technologique des pêches travaillant à l’amélioration de la sélectivité des engins de pêche.


Proposition 5: Les énergies renouvelables de la mer (EMR)


Nous avons vu dans l'article décrivant en détails les différentes énergies marines renouvelables. La France possède déjà une forte compétence dans les énergies marémotrices et hydrolienne. Le pouvoir politique doit accompagner les PME innovations de ces secteurs pour leur permettre de se développer à l'international, soit en leur fournissant des aides d'états (notamment via son bras financier qu'est BPI France) soit en contribuant à leur notoriété lors de visites ministérielles et présidentielles à l'international.

Avec un potentiel hydrolien estimé entre 3 et 5 gigawatts (GW), la France dispose du deuxième gisement énergétique hydrolien en Europe après le Royaume-Uni. Deux sites sont particulièrement prometteurs : celui du Raz Blanchard, à l'ouest de la pointe du Cotentin (Manche) et celui du passage du Fromveur, près de l'île d'Ouessant (Finistère). Il est urgent de continuer ce développement et de devenir un leader mondial de l'hydrolienne.

De plus, il faut rappeler que les objectifs mentionnés dans le Livre bleu publié en Juillet 2009 qui souligne une fois de plus l’engagement de la France à intégrer 23 % d’énergies renouvelables dans sa consommation d’énergie finale à l’horizon 2020 (50 % en Outre-mer et 30 % à Mayotte). Dans ce scénario global, la contribution des différentes énergies marines est estimée à 3 % à l’horizon 2020. Le "plan énergie bleue" devrait permettre de produire plus de 6.000 mégawatts d’énergies marines en 2020 en utilisant l’énergie marémotrice, les éoliennes flottantes, la force motrice des courants avec les hydroliennes et l’énergie thermique des mers. Nous en sommes encore loin si l'on regarde l'évolution de la production d'énergie en France de 2009 à 2016:

Les objectifs publiés dans le Livre Bleu de 2009 (23% d'énergies renouvelables en 2020) semblent déjà s'éloigner de la réalité des chiffres de 2016
Nous ne souhaitons pas détaillé le sujet des énergies renouvelables car ce thème prépondérant fera l'objet d'un article spécifique qui intégrera la politique énergétique de la France, ainsi que sa politique écologique.


Proposition 6: Exploitation des ressources qui tapissent les océans


Que ce soit sur l'exploitation des hydrocarbures en milieu semi-profond à profond ou la reprise de l'exploitation des hauts fonds marins ou se trouvent les nodules polymétalliques, une industrie eco-responsable et rentable, à la pointe de la technologie, peut être développée grâce aux multiples compétences techniques de la France.

Le potentiel exploitable semble s’accroître à mesure de l'exploration des grands fonds marins et des progrès techniques. Aujourd'hui les granulats marin, le maërl et les sables coquilliers en zone littorale sont exploités.


Proposition 7: Accroissement de la connaissance des espèces océaniques avec l'émergence de start-up biotechs


La première Journée "Biotechnologies Marines" de l'Institut Universitaire Européen de la Mer (IUEM) a eu lieu le 17 mai 2017. 




Cet Institut regroupe 7 laboratoires dont le Laboratoire de Biotechnologie et Chimie Marines (LBCM). La journée avait pour objectif de dresser un état des lieux des actions en cours et des projets afin de favoriser les échanges, de créer des synergies entre les acteurs de l'Axe "Biotechnologies marines" et d'augmenter leur visibilité afin de d'augmenter le développement de ce domaine de recherche et de formation.

Une deuxième journée sera organisée fin 2017- début 2018. L'objectif global est d'augmenter la visibilité des biotechnologies marines au sein de l'IUEM et de favoriser le développement de ce domaine de recherche et de formation. Des partenariats entre les organismes universitaires et le monde des investisseurs permettra d'accélérer la création de ces start-up biotechs dont quelques exemples sont mentionnés sur le site de l'IUEM en suivant ce lien.



Proposition 8: Prendre mieux en compte les enjeux liés à la sûreté et la sécurité maritime


Il faudrait mettre en place une loi de programmation maritime, à l'image de la loi de programmation militaire. Afin de s'assurer que le dispositif d'action de l'Etat en mer dispose des moyens nécessaires à l'accomplissement de ses missions, il est indispensable que les enjeux de surement et de sécurité maritime soient clairement identifiés dans le futur livre blanc sur la défense et la sécurité nationale.

Faute de recensement des enjeux de sécurité maritime, la marine nationale ne dispose pas des moyens nécessaires au renouvellement de sa flotte de patrouilleurs outre-mer, par exemple, ce qui est extrêmement préoccupant compte tenu des défis auxquels elle doit faire face.


Proposition 9: Renforcer les prérogatives du secrétariat général de la mer


Faute de financement unique, le budget de la politique maritime est aujourd'hui éclaté entre les différents programmes budgétaires des missions ministérielles qui y concourent. Cela nuit considérablement à la lisibilité de la politique maritime, dont on peut très difficilement mesurer les coûts et évaluer les performances. Il faut doter le secrétaire général de la mer d'un outil de contrôle de gestion qui permette de rendre compte de la réalité quantitative et qualitative de la fonction de garde-cotes.

Sur le plan européen et international, il faut renforcer l’action de l’État en mer par la création d’une fonction "garde-côtes" permettant de mutualiser les moyens matériels et humains de la Marine nationale, des Douanes, de la Gendarmerie et des Affaires maritimes afin de mieux assurer les missions qui montent aujourd’hui en puissance : lutte contre les pollutions, combat contre la pêche illégale, sécurité du transport maritime, lutte contre l’immigration clandestine en outre mer et contre les narcotrafics, coopérations internationales.



Proposition 10: Et pourquoi ne pas fusionner le ministère de la mer et de l'outre-mer dans un super ministère ou le secrétariat général à la mer serait un organe chapeau de coordination et de pilotage?


A moindre mesure, il existe un comité inter-ministériel qui se réunit de façon épisodique pour traiter des points engageant plusieurs ministères. Le dernier comité interministériel de la mer s’est tenu le 22 octobre 2015 à Boulogne-sur-Mer. Le CIMer doit a court terme fournir un document de politique transversale sur le sujet de la mer, permettant ainsi une plus grande facilité d'arbitrage sur les grands projets de la mer.

Nicolas Dupont-Aignan proposait dans son programme une création de supra-ministère de la mer qui regrouperait les services de l'État et les structures publiques tant maritimes qu'ultra-marines du pays avec un cadre politique fort lui permettant de transcender les clivages et les corporatismes.

Cette idée peut être reprise en incluant le secrétariat général de la mer en organe de pilotage et d'audit, qui pourrait de plus posséder une capacité d'arbitrage budgétaire. Cette rationalisation permettrait une réduction de la masse administrative et une meilleure efficacité opérationnelle.



Proposition 11: Contribuer à l'amélioration du respect international du droit de la mer


La sécurité des espaces maritimes est en premier lieu conditionnée par le respect des normes juridiques qui y sont applicables. L'instrument principal dans ce cadre, la Convention des Nations Unis sur le droit de la mer (CNUDM), établit les règles s'imposant aux Etats côtiers, aux Etats sans littoraux et aux Etats de pavillon.

166 Etats ainsi que l'Union européenne sont parties à cette Convention. D'autres en appliquent et défendent les principes sans l'avoir ratifiée. Les règles déjà évoquées concernant les espaces maritimes, ainsi que les droit et devoirs des Etats, font parfois l'objet de revendications ou de réserves qui différent de l’interprétation usuellement reconnue de la convention.

Il faut continuer à promouvoir la bonne application de cette Convention et encourager les grands Etats non-signataires à rejoindre cette Convention, notamment les Etats Unis qui possèdent la plus grande ZEE et qui n'ont pourtant pas signé cette Convention sur le droit de la mer.





Sources


http://www.marinebiotech.eu/
http://www.oecd-ilibrary.org/science-and-technology/marine-biotechnology_789264194243-en
http://www.reussirmavie.net/actudebouchesblog/Les-biotechnologies-marines-une-grande-vague-de-debouches-dans-l-Ouest_a435.html
https://www-iuem.univ-brest.fr/fr
http://www.mitin-network.org/Atlantic-Blue-Tech-2318-0-0-0.htmlhttp://www.place-publique.fr/index.php/2013/09/09/sante-les-remedes-de-la-mer/
http://www.futura-sciences.com/sante/actualites/medecine-ces-medicaments-venus-oceans-29823/http://www.lejdd.fr/economie/le-virage-biotech-de-sanofi-3297356
http://eur-lex.europa.eu/resource.html?uri=cellar:b2e1b06a-6ca9-4e24-ac15-60e1307f32e2.0001.03/DOC_1&format=PDF
http://www.gouvernement.fr/comite-interministeriel-de-la-mer-cimer-sgmer
http://www.gouvernement.fr/sites/default/files/contenu/piece-jointe/2015/11/strategie_nationale_de_surete_des_espaces_maritimes.pdf
http://www.crdp-montpellier.fr/ressources/99/99en0558.html
http://www.futura-sciences.com/planete/definitions/energie-renouvelable-hydrolienne-9800/
http://www.vie-publique.fr/actualite/dossier/grenelle-mer/grenelle-mer-vers-renouveau-politique-maritime.html
http://www.lemonde.fr/economie-francaise/article/2017/07/28/les-syndicats-partages-sur-la-nationalisation-temporaire-des-chantiers-navals-stx-de-saint-nazaire_5166021_1656968.html
https://www-iuem.univ-brest.fr/fr

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