Nombre total de pages vues

dimanche 23 juillet 2017

La politique maritime en France

La politique de la mer en France, ou ce qu'elle devrait être...


Le 25 septembre 2015, quatre décrets publiés au Journal Officiel fixaient les nouvelles limites du plateau continental au large de la Martinique, de la Guadeloupe, de la Guyane, de la Nouvelle Calédonie et des îles Kerguelen. Avec cette extension, qui accroît les droits de la France sur les ressources du sol et du sous-sol marins au-delà des 200 miles nautiques, la France a étendu son domaine sous-marin de 579.000 kilomètres carrés, " soit à peu près la superficie de l'Hexagone " évaluait l'Ifremer.

Fort ainsi de sa seconde place du domaine maritime mondial derrière les Etats Unis, la politique de la mer reste un sujet boudé par les politiques français. Cet article souhaite fournir une compréhension approfondie de la situation et de son potentiel, en vue de proposer une liste de préconisations.


A l'heure où tous les politiques recherchent des relais de croissance, une industrie est pourtant laissé pratiquement à l'abandon alors qu'elle pourrait à elle seule créer environ 400.000 emplois.

Cette nouvelle géopolitique des océans présente des opportunités, mais également des menaces avec le développement de la criminalité en mer et des trafics illicites, l'augmentation des acteurs en mer et du niveau de violence, mais surtout avec les risques de conflits liés à la volonté croissante des Etats de s'approprier des zones maritimes convoitées et de maîtriser les routes d'approvisionnement stratégiques.

Alors que les pays émergents sont en train de constituer des marines puissantes, la France est-elle prête pour un avenir qui se jouera en mer ?

Rappel sur la ZEE (Zone Economique Exclusive)


Une zone économique exclusive (ZEE) est, d'après le droit de la mer, un espace maritime sur lequel un État côtier exerce des droits souverains en matière d'exploration et d'usage des ressources. Elle s'étend à partir de la ligne de base de l'État jusqu'à 200 milles marins (environ 370 km) de ses côtes au maximum, au-delà il s'agit des eaux internationales. Avec 11 millions de km2, (ce qui correspond  à 20 fois le territoire métropolitain), la France détient le deuxième espace maritime au monde, juste derrière les Etats-Unis, pour seulement 300.000 kilomètres carrés d'écart!



La convention des Nations Unies sur le Droit de la Mer (Montego Bay, 1982) traite des espaces maritimes, de leur exploitation, de la navigation, de leur prospection et du régime minier des fonds marins, mais cette convention n'a pas été signée par les Etats Unis. C'est sans doute parce que ces derniers n'ont jamais ratifié la convention de Montego Bay, qui délimite les différentes zones maritimes, que M Dupont-Aignan et Mme le Pen en viennent à dire que la France possède la plus vaste ZEE au monde. François Fillon et Jean-Luc Mélenchon ont tous les deux explicitement manifesté leur soutien aux demandes d'extension de notre plateau continental (qui ne fait pas partie de la ZEE au sens strict du terme).

La partie VI de la convention (articles 76 à 85) traite des droits et devoirs d'un Etat côtier à l'égard de son plateau continental et de ses ressources.

L'article 76 fixe les règles qui permettent de déterminer si l'Etat côtier peut revendiquer un plateau continental, et d'en fixer les limites.

Aux termes de cette convention, ratifiée par la France en 1996, les états côtiers ont la possibilité d'étendre les zones maritimes sous leur juridiction au-delà des limites de la Zone Economique Exclusive (ZEE).

Les zones d'extension potentielle du plateau continental français sont importantes et très morcelées puisqu'elles concernent quasiment toutes les entités territoriales françaises et qu'elles s'étendent sur 3 océans. Vous trouverez la définition des différents espaces maritimes sous juridiction nationale ainsi que leur représentation sur les cartes marines sur le site du SHOM (Service Hydrographique et Océanographique de la Marine).

En 2004, les pré-études ont identifiées les zones suivantes comme pouvant faire l'objet d'une délimitation étendue du Plateau Continental :
  • zone "Kerguelen",
  • zone "St Paul et Amsterdam",
  • zone "Nouvelle Calédonie",
  • zone "Guyane",
  • zone "Réunion - iles Eparses",
  • zone "ouest-iroise",
  • zone "Terre Adélie",
  • zone "Crozet",
  • zone "Clipperton",
  • zone "Polynésie",
  • zone "St Pierre et Miquelon",
  • zone "Antilles",
  • zone "Wallis et Futuna".
Les 4 décrets n° 1180 à 1183 du 25 septembre 2015 fixent les limites extérieures du plateau continental de la France, en application de l’article 76 de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer du 10 décembre 1982 (dite « Convention de Montego Bay »), au large du territoire de la Martinique et de la Guadeloupe, de la Guyane, des îles Kerguelen et de la Nouvelle-Calédonie.

Il s’agit des premiers décrets de ce type pris par la France. Ils permettent d’asseoir la sécurité juridique de l’exercice de nos droits au-delà des 200 milles marins. Pour rappel, il existe une commission dédiée aux demandes d'extension appelée la CLPC (Commission des Limites du Plateau Contiental) qui est une émanation de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer. C'est à elle que tous les pays doivent soumettre les dossiers de revendication.

Le détail des surfaces concernées pour la France est le suivant :

Guyane : En ce qui concerne les limites du plateau continental au large du territoire de la Guyane, la demande française a été déposée le 22 mai 2007. La CLPC a émis sa recommandation le 2 septembre 2009, pour une extension de 72.000 km².

Iles Kerguelen : En ce qui concerne les limites du plateau continental au large du territoire des îles Kerguelen, la demande française a été déposée le 5 février 2009. La CLPC a émis sa recommandation le 19 avril 2012, pour une extension de 423.000 km².

Martinique et Guadeloupe : En ce qui concerne les limites du plateau continental au large du territoire de la Martinique et de la Guadeloupe, la demande française a été déposée le 5 février 2009. La CLPC a émis sa recommandation le 19 avril 2012 pour une extension de 8.000 km².

Nouvelle-Calédonie : En ce qui concerne les limites du plateau continental au large du territoire de la Nouvelle-Calédonie, la demande française a été déposée le 22 mai 2007. La CLPC a émis sa recommandation le 2 septembre 2009, pour une extension de 76.000 km².

La CLPC doit encore se prononcer sur les demandes relatives à Crozet, à la Réunion, aux îles Saint-Paul et Amsterdam, à Wallis et Futuna et à Saint-Pierre-et-Miquelon. Un dossier reste à déposer concernant la Polynésie française.

Un bilan actuel de la politique de la mer peu reluisant


Un bilan mitigé de l'action politique récente

La Fondation de la Mer déplore que l'économie bleue soit la "grande absente" de la campagne présidentielle de 2017, malgré les 820.000 emplois qu'elle représente aujourd'hui, et que son apport équivaut à trois fois celui de l’automobile et à six fois celui de l’aéronautique. Nous possédons pourtant la deuxième plus grande zone maritime du monde (juste après les États-Unis) et le premier écosystème marin d’Europe (10% de la biodiversité de la planète).

820.000 emplois, 14% de la richesse nationale... Le maritime français figure parmi les secteurs les plus importants de l'économie française. Lors de l'échéance présidentielle, le secteur s'est activé pour se faire entendre et, récemment, c'est la Fondation de la Mer qui est montée au créneau. Selon elle, l'économie maritime est la "grande oubliée" de la campagne présidentielle de 2017.

Dans la perspective de sensibiliser chacun les français aux défis maritimes que doit relever la France, la Fondation a mis en avant une étude réalisée par le cabinet BCG et alerté sur les faiblesses de l'économie maritime française :
  • Activité portuaire "stagnante" (1% de croissance)
  • Absence d'éoliennes marines opérationnelles, alors que la France est le pays qui possède le deuxième potentiel hydrolien d'Europe
  • Recul du nombre de poissonneries en dix ans (-20%) 
  • Recul du marché du nautisme
  • Notre flotte marchande est au trentième rang mondial. Nos ports stagnent et ne traitent que 5% des conteneurs en Europe ;
  • Notre flotte de pêche est inexistante. Le dernier pavillon d’envergure appartient à un grand distributeur
  • Le  budget de recherche dédié aux activités de la mer est inférieur à 600 millions d'euros, contre plus de 2 milliards pour l’espace.
Les exemples des faiblesses de l'économie bleue ne manquent pas et traduisent une insuffisance de volonté politique long-termiste en ce domaine.

Il est en effet important de rappeler "l'oubli historique trop long qu'à fait la France de sa vocation maritime" selon l'expression du Président de la République, Nicolas Sarkozy lors de son discours du Havre sur la politique maritime de la France le 16 Juillet 2009. 


Égrainant pendant ce discours les problèmes organisationnels et structurels sur la gestion portuaire notamment les règles qui régissent le travail des grutiers, s'attaquant également au peu de compétitivité entre le port de Anvers qui décharge 4 fois plus de marchandise par mètre de quai que le port du Havre, ou encore sur le temps d'utilisation des grues qui sont deux fois plus utilisées à Marseille qu'à Anvers. Sarkozy indique vouloir doubler la part des ports français dans le transport par conteneurs.

Inutile de conclure qu'entre 2019 et 2017, cette part n'est simplement passée que de 8 à 9% du trafic mondial. Nicolas Sarkozy indique également dans cette longue liste de points à améliorer le taux d'évacuation des marchandises par le fer qui n'est que de 9% au Havre et 38% à Hambourg! Cette dernière remarque nous conduit à étudier plus en détail dans la prochaine section de cet article, le sujet majeur du transport maritime, dont le rail mentionné plus haut n'est qu'une ultime extension terrestre dans la chaîne de distribution des biens et matières premières vers son consommateur final.

Ce discours du Havre de Juillet 2009 arrive concomitamment au bilan d'une longue étude pilotée par Jean-Louis Borloo, et qui a été communiquée sous la dénomination du Grenelle de l’environnement. Il visait à définir de nouvelles actions pour assurer un développement durable, en s’intéressant plus particulièrement aux secteurs des activités maritimes et côtières. A ce titre, il reprend la méthode du "dialogue à cinq" initiée lors du premier Grenelle de l’environnement.

Entre avril et mai 2009, les représentants de l’État, des collectivités locales, d’organisations non gouvernementales, de salariés et d’entreprises ont ainsi réfléchi ensemble aux évolutions de la politique de la mer et du littoral, en métropole et en outre-mer. Réunis en quatre groupes de travail, consacrés aux problématiques des zones côtières, des ressources et potentialités de la mer (alimentation, énergie, etc.), des métiers (pêche, marine marchande, etc.) et des niveaux de gouvernance (mondial, européen, national), ils ont élaboré 600 propositions.


Le Grenelle de la Mer de 2009

Le "Grenelle de la Mer", lancé en 2009, avait pour but de compléter les engagements du Grenelle Environnement pour les espaces maritimes et littoraux et de contribuer à la définition d'une stratégie nationale pour la mer et le littoral. Il marque l'esquisse d'une prise de conscience forte de la place des océans et des littoraux dans le développement durable de la part de la France.

Issu d'une phase de concertation entre État, collectivités locales, entreprises, représentants des salariés et associations de protection de l'environnement, le "Livre Bleu des engagements du Grenelle de la Mer" rassemble 137 engagements en faveur de la mer et du littoral : appui aux énergies marines renouvelables, création d’une "trame bleu marine", reliant les estuaires ; développement des aires marines protégées afin qu’elles représentent 10 % de la ZEE française en 2012 et 20 % en 2020 ; inscription à la CITES (convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d'extinction, connue par son sigle CITES ou encore comme la Convention de Washington est un accord international entre Etats) du thon rouge et du requin taupe, etc..

Certaines de ses propositions ont été extraites afin de fournir une liste de préconisations qui feront l'objet d'un autre article dédié. Nous verrons également que malheureusement la trajectoire espérée en 2009 n'a pas atteint ses objectifs si l'on regarde les dernières données accessibles de 2016 (notamment sur la production d'énergie renouvelable).


Le transport maritime: les acteurs mondiaux du porte-conteneur et la faible empreinte carbone liée à ce type de transport


Les grands armateurs mondiaux du transport conteneurisé sont:

  • Maersk Line (Danemark) : division « conteneurs » du conglomérat AP Moller-Maersk (Transport maritime, terminaux portuaires, exploitation pétrolière, supermarchés…), Maersk Line pèse environ 15% de la capacité mondiale de transport conteneurisé
  • MSC (Italo-suisse) : opérateur mixte dont l’activité est à moitié sur la croisière et à moitié sur le conteneur. MSC représente aux alentours de 13% de la capacité mondiale. La famille Aponte détient et dirige le groupe qui n’est pas côté en bourse.
  • CMA CGM (France) : troisième armement mondial, il exploite plus de 420 navires, soit à peu près 9% de la capacité mondiale. Tout comme ses compétiteurs, c’est un groupe essentiellement familial.

Ces 3 opérateurs exploitent des lignes sur l’ensemble du globe.

Le Top 10 du transport maritime de conteneurs comprend aujourd’hui 4 européens (dont les trois
premiers armateurs) et 6 asiatiques. Au total, la flotte mondiale de porte-conteneurs est passée de 2004 à 2014 de 3.000 à près de 5.100 unités pour une capacité qui dépasse 17,5 millions EVP.

Il est pourtant surprenant et frustrant de voir que les plus gros porte-conteneur de la société françaises CMA-CGM ont été construit à l'étranger:
  • Le Bougainville (capacité 17.220 conteneurs): construit par le chantier sud-coréen de Samsung Heavy Industries
  • Le Marco-Polo (capacité 16.000 conteneurs): construit par le chantier sud-coréen Daewoo

Le coût du transport maritime est bien souvent négligeable dans le prix final d’une marchandise
importée. Entre la Chine et l’Europe, une télévision à 1 000$ coûte 8-10$ à transporter tandis qu’un tee-shirt à 30$ ne coûte que 3 centimes. Les coûts de transport ne représentent donc qu’un centième du prix final d’une marchandise.

Le transport maritime est, sur longue distance, le plus compétitif des modes. A tel point que le coût du transport d’un conteneur sur sa partie terrestre de quelques centaines de kilomètres, peut égaler le coût de transport de ce même conteneur entre l’Asie et l’Europe.

Ce phénomène est principalement dû à l’augmentation de la taille des navires et aux économies
d’échelle ainsi générées. Quand on passe d’un porte conteneur de 12.000 EVP (abréviation française pour Équivalent Vingt Pieds - Unité de mesure pour exprimer une capacité de transport en multiple du volume standard occupé par un conteneur de 20 pieds, soit environ 6 mètres) à un porte conteneur de 18.000 EVP, cela permet de réduire le prix moyen du transport d’un conteneur de près de 15%. Grâce à cette tendance historique à l'accroissement de la capacité des navires et à l'amélioration de son efficacité énergétique, le transport maritime a ainsi pu réduire considérablement son coût.

Les biotechnologies marines


Les biotechnologies marines (ou biotechnologies bleues), c’est à dire l’utilisation des bio-ressources marines en tant que cibles ou sources d’applications biotechnologiques, constituent un domaine qui recèle un énorme potentiel pour l’innovation et la croissance économique. Dans un contexte de changement climatique et de pression croissante sur les ressources naturelles, les biotechnologies marines connaissent actuellement un regain d’intérêt grâce d’une part aux progrès méthodologiques dans le domaine des bio-procédés et d’autre part à l’avancée majeure des connaissances sur la biodiversité marine accompagnée de la révolution dite « omique ».


Les ressources biologiques marines constituent en effet une matière première durable pour une exploitation dans divers domaines d’application tels que la nutrition, la santé, l’agriculture, l’aquaculture, l’énergie, l’environnement et les produits cosmétiques. Les biotechnologies marines sont désormais reconnues comme un domaine d’importance stratégique aux niveaux européen, national et régional.

Les biotechnologies marines pourraient avantageusement bénéficier d’une meilleure mise en cohérence inter-régionale, d’une plus grande synergie des acteurs et de la mise en oeuvre de mesures spécifiques dans les domaines suivants :
  • Communication : mettre en oeuvre une stratégie de communication mutualisée et offensive
  • Recherche : soutenir des programmes de recherche inter-régionaux Bretagne et Pays de la Loire (qui constituent dans leur ensemble plus de 3000 km de côtes); soutenir davantage les infrastructures de recherche et la recherche fondamentale ; financer des études de preuve de concept afin de combler le fossé entre le secteur de la recherche publique et le secteur privé.
  • Formation : développer l’interdisciplinarité dans l’offre de formation; identifier les compétences requises à chaque maillon de la chaîne de valeur « de l’idée aux marchés » pour proposer une offre de formation sur l’ensemble de cette chaîne de valeur, encourager l’implication des entrepreneurs dans l’orientation des cursus de formation ;
  • Transfert de technologie : élaborer une stratégie nationale de développement des activités de biotechnologies marines, identifier le niveau de maturation des projets (TRL) afin de les soutenir de façon adaptée; soutenir l’implantation de laboratoires public-privé ainsi que les installations de démonstrateurs et de parcs scientifiques.

L'exploitation raisonnée des ressources sous-marines


Les organismes marins représentent la principale ressource exploitée par l’homme dans ce milieu, en premier lieu pour l’alimentation. La pêche a représenté 73,2 millions de tonnes de prises en 1985 : 64,4 millions de tonnes de poissons marins, 3,5 millions de tonnes de crustacés, 2,4 millions de tonnes de poissons migrateurs, 2,3 millions de tonnes d’algues, 600 tonnes de mammifères et 7 tonnes de tortues. 

Cette ressource est limitée : on estime que ce prélèvement correspond en moyenne au tiers de la productivité biologique du milieu. Il devient donc impératif de limiter les prises de certaines espèces (baleines, sardines, morues, harengs) pour ne pas épuiser leur population. D’autre part, le développement des élevages aquacoles dépend, entre autres, de la qualité des eaux littorales, ce qui implique une gestion efficace des rejets urbains et industriels polluants et respectueuse de l’environnement.

L’exploitation des hydrocarbures en milieu marin par des plateformes off-shore (au large), connaît, depuis la crise pétrolière (1973) une extension importante. Des puits sont installés sur des fonds de 100 à 300 m (plateau continental). L’accroissement des besoins amène à envisager des installations par 2 à 3000 m de fond. Actuellement, 28 % de la production de pétrole et 20 % de celle de gaz naturel proviennent de la mer. Le Bassin pétrolier de la mer du Nord fournit 123 millions de tonnes par an. Les réserves sont estimées à 3,2 Gigatonnes de pétrole et 4500 Giga-m3 de gaz.

Les fonds océaniques recèlent diverses ressources minières que l’on découvre au fur et à mesure des campagnes d’exploration abyssales. Ainsi,bien qu’actuellement les programmes de recherche français soient arrêtés, on pourrait envisager l’exploitation des nodules polymétalliques, corps noirs arrondis de 1 à 10 cm de diamètre qui présentent de fortes concentrations de Fer et Manganèse (Mn), associées à du Nickel (Ni), du Cuivre (Cu)...


Les énergies de la mer: de multiples déclinaisons d'énergies renouvelables


Comme le résume le graphique suivant, la mer offre de multiples déclinaisons possibles dans la production d'énergie propre. Nous proposons ici une revue des différentes sources:

1- L'éolien offshore fixe ou flottant


Le lancement au niveau national – en 2011 – d’un vaste programme d’éoliennes Offshore (installation de 1200 éoliennes à quelques dizaines de kilomètres de la côte, tout au long du littoral de la Manche et de l’Atlantique) entraîne le décollage d’une véritable filière industrielle. Cette filière elle-même sera à l’origine de créations d’emploi. Parmi ceux-ci, celui d’Ingénieur Chef de projet Eolienne Offshore.

De plus, les éoliennes offshore sont plus rentable car les vents marins sont plus réguliers que sur milieu terrestre. Cet avantage s'exprime au travers du facteur de charge annuel moyen, rapport entre la production électrique sur une année et celle qui serait produite durant cette même période si l'éolienne fonctionnait en permanence au niveau maximal de sa puissance. Le facteur de charge annuel moyen des éoliennes terrestres en France s'établit aujourd'hui à 23 %. On estime qu'une éolienne Alstom Haliade en mer produira autant d'électricité que si elle fonctionnait à pleine puissance pendant 38 % du temps.

Enfin, le développement de la R&D sur les éoliennes flottantes propose ici une ultime extension possible. Si les champs d'éoliennes offshores posées, c'est-à-dire fixées aux fonds sous-marins, démontrent un potentiel de production d'énergie important, ce potentiel serait multiplié en profitant de zones maritimes plus éloignées et profondes. Pour ce faire, impossible de prévoir des fondations de plusieurs centaines de mètres, raison pour laquelle chercheurs et industriels travaillent aujourd'hui à la mise au point d'éoliennes flottantes.

Les projets OCEAGEN ou SEA REED, récemment retenus par l'Etat dans le cadre des investissements d'avenir, visent justement à développer les technologies et à abaisser leurs coûts.

2- L'énergie des vagues (énergie houlomotrice)


Mais s'il existe une immense promesse énergétique issue de l'océan, c'est bien celle des vagues. L'énergie houlomotrice a, en effet, de quoi attiser les espoirs de grands industriels tant son potentiel mondial est élevé. Dans une étude pour le salon Euromaritime, la société Indicta évaluait ainsi le potentiel techniquement exploitable (PTE) de l'énergie des vagues à « 1000 GW, voire plus à terme », soit plus de deux fois la puissance nucléaire aujourd'hui installée dans le monde. Pour l'heure, les technologies sont encore en phase de développement.

Récemment, l'union du français DCNS, et des finlandais Fortum et AW-Energy sur un projet de développement de captation d'énergie houlomotrice souligne l'intérêt porté à ce gisement énergétique. Ils étudient la possibilité d'installer un démonstrateur en Bretagne.

Ocean Power Technology et Lockheed Martin ont conclu en juillet 2012 un accord pour développer un récupérateur d'énergie d'une puissance de 19 MW à Victoria. Ce projet a reçu une subvention de plusieurs millions de dollars australiens par le gouvernement fédéral.


5 % de l’électricité de cette base est produite grâce à l’énergie des vagues. La centrale houlomotrice a été baptisée Ceto qui est le nom d'une déesse grecque de la mer. Les trois Ceto 5 sont le résultat de treize années de travail et ont nécessité un investissement de 70 millions d’euros dont 22 millions de subventions du gouvernement.


EDF EN a conclu un partenariat avec Carnegie, détenteur des droits de la technologie CETO, pour la production d’électricité à partir de l’énergie des vagues. EDF EN dispose de l’exclusivité pour valoriser CETO dans l’hémisphère Nord et sur l’île de la Réunion.

3- L'énergie marémotrice


EDF a été pionnière dans le domaine des énergies marines. L'usine marémotrice de la Rance a été une première mondiale au moment de sa mise en service. Elle a été le cadre d'innovations importantes. Ses turbines par exemple, spécialement conçues pour l'usine, sont le fruit de dix ans de recherches. Après des dizaines d'années de fonctionnement, la rénovation d’une partie des 24 bulbes de l'usine marémotrice de la Rance a débuté en 2015 et va se prolonger jusqu'en 2025. Le chantier est évalué à 100 millions d'euros.

80% de l'électricité est produite à marée descendante lors de la phase de vidange de l'estuaire

L'électricité est produite au barrage de la Rance grâce à des turbines de type Kaplan. Elles sont insérées dans des groupes de production "bulbe" qui permettent un fonctionnement dans les deux sens (marée montante et descendante). Cette technologie est encore utilisée de nos jours, sur de nombreux barrages mais uniquement pour produire dans un seul sens.

4- L'énergie des courants marins (énergie hydrolienne)


L'océan ne possède pas seulement des vents plus forts mais aussi des courants sous-marins naturels et inépuisables. Et une technologie existe pour convertir l'énergie de ces courants en électricité, comme les éoliennes transforment le vent : l'hydrolienne. Elle ressemble à une roue constituée de pâles et placée sous l'eau. Le courant fait tourner ces pâles qui entraînent un alternateur. Aujourd'hui, les machines testées non loin des côtes françaises utilisent le courant des marées. Un net avantage car la marée est un phénomène astral prédictible. Les opérateurs peuvent donc anticiper la quantité d'énergie produite à moyen et long terme.

Actuellement, la France compte une ferme pilote de deux hydroliennes sur le site de Paimpol-Bréhat dans les Côtes-d'Armor. Elle est gérée par EDF et les machines ont été conçues par OpenHydro, filiale de DCNS.



L’engin de 450 tonnes est immergé au large de l’île Ouessant, en Bretagne. La Sabella D10 est la première hydrolienne française à produire de l’électricité et à être raccordée au réseau
Dans la toute jeune histoire des énergies marines renouvelables, on retiendra que le jeudi 5 novembre 2015, l'île d'Ouessant fut la première commune de France alimentée par une machine produisant de l'énergie grâce au courant marin.

Sabella vient de signer un accord avec H & WB pour équiper une ferme d’hydroliennes aux Philippines. Spécialiste du secteur, la PME bretonne développera son nouveau modèle d’hydrolienne, la D15, avant une installation fin 2017 dans le détroit de San Bernardino, au Nord du pays.

A terme, la France pourrait couvrir 3% de ses besoins en électricité, sachant qu'elle possède selon le syndicat des énergies renouvelables, le deuxième potentiel hydrolien européen, après le Royaume-Uni.

5- L'osmose


L'énergie osmotique est l'énergie qu'il serait possible d'obtenir au voisinage des estuaires (où l'eau douce fluviale se mélange à l'eau salée de la mer), en exploitant le phénomène d'osmose qui se produit en continu au niveau d'une membrane appropriée séparant des masses d'eau de salinité différente.

Deux technologies, l'électrodialyse inverse (RED) et l'osmose à pression retardée (PRO) font l'objet d'un usage commercial aux Pays-Bas (RED) et en Norvège (PRO).

Le premier prototype d'usine osmotique est situé a Tofte, au Sud d'Oslo, Norvège.
En juillet 2016, des chercheurs de l'école polytechnique fédérale de Lausanne publient une étude montrant qu'il serait théoriquement possible, avec une membrane de disulfure de molybdène épaisse de trois atomes dont 30 % de la surface serait couverte de nanopores, de générer une puissance électrique d'1 MW/m2. Jusqu’à présent, les chercheurs ont travaillé sur une membrane dotée d’un seul nanopore, mais si le potentiel de cette technologie était confirmé, l’énergie osmotique pourrait jouer un rôle majeur dans la production d’énergie renouvelable car, contrairement à l’éolien et au solaire, elle peut être produite en continu.

6- Les énergies thermiques des mers (ETM)


Il est aussi possible de produire de l'électricité en utilisant la différence de température entre les eaux chaudes de surface et les eaux froides des profondeurs. C'est ce qu'on appelle l'énergie thermique des mers (ETM). Ici pas d'intermittence, cette différence permet de produire de l'électricité 24h/24h. Mais elle convient mieux aux eaux tropicales où la chaleur de surface est importante et fluctue peu toute l'année. Elle est donc regardée de près pour la production d'énergie dans les départements d'Outre-Mer, d'autant que ces derniers dépendent aujourd'hui largement des importations de pétrole et de fioul.

La technologie, quant à elle, doit encore être éprouvée et nécessite de lourds investissements. Un prototype DCNS a déjà été mis en place à La Réunion. Et l'Etat, dans le cadre des investissements d'avenir, vient de sélectionner le projet Marlin

Le quartier Euroméditerranée de Marseille, labellisé écocité, doit réduire sa consommation d’énergie et ses émissions de CO2. 35 M€ sont investis dans la boucle de thalassothermie qui permettra de réduire notamment la consommation énergétique de 40 % et la consommation d’eau de 65 %, selon Cofely services. En France, c'est le deuxième projet de thalassothermie mis en œuvre après celui de La Seyne-sur-mer (Var), à plus petite échelle.


Sécurité de l'espace maritime français, et gouvernance internationale et européenne


La France, forte de l'étendue de ses espaces maritimes métropolitain et ultramarin, doit faire face à des enjeux croissants pour y exercer sa souveraineté et en assurer la surveillance, contrôler les activités qui s'y déroulent et les protéger durablement au service de l'économie bleue. Dans ce contexte géostratégique tendu, la sûreté de nos espaces et, plus largement la sûreté de la haute-mer constitue un défi majeur face à de nombreuses menaces et activités illicites: piraterie, terrorisme, attaques informatiques, trafics de tous ordres, pêche illégales, pollution...

La stratégie nationale de sûreté des espaces maritimes a pour objet d'offrir un cadre interministériel cohérent permettant de mieux lutter contre l’insécurité maritime, en s'appuyant notamment sur une analyse des risques et des menaces maritimes, à court ou moyen terme, susceptibles d'affecter les intérêts stratégiques de la France et de ses partenaires.

Le Conseil Européen, sous l'initiative de la présidence grecque, a approuvé en juin 2014 une stratégie de sûreté maritime de l'Union européenne (SSMUE). Afin d'assurer cet objectif de sécurité dans les cadres européen et international, il conviendra d'adopter une approche coordonnée des moyens navals, aériens et terrestres des administrations de la fonction de garde-cotes dans le cadre de l'action de l'Etat en mer et de la défense maritime du territoire (DMT).

La stratégie de sûreté maritime de l'Union européenne fournit un cadre commun d'action pour les Etats membres de l'UE et constitue un outil particulièrement efficace pour rationaliser et optimiser les actions européennes dans le domaine de la sûreté maritime. Elle offre notamment les conditions nécessaires à la mise en place de coopérations bilatérales ou multilatérales avec d'autres états membres, des institutions et des organes européens ou des Etats tiers, autour de 130 actions ou sous-actions développées dans son plan d'action.

Dans le respect de ses besoins opérationnels propres, la France participe activement aux opérations maritimes coordonnées par l'Agence FRONTEX, et valorise son expertise auprès de l'Agence par la participation à ses activités intéressant le domaine maritime français.

La crise des migrants de 2015, année durant laquelle plus d’un million de personnes fuyant la guerre ou la misère ont franchi irrégulièrement les frontières externes de l’Union européenne, a conduit à transformer un organisme voué au départ à un simple travail de coordination. Le 16 octobre 2016, FRONTEX est devenu « l’Agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes », chargée du contrôle et de la gestion des frontières extérieures de l’espace Schengen. Elle garde toutefois le nom et la personnalité juridique de FRONTEX, tout en complétant ses missions et ses moyens.
Le projet d'une agence européenne de garde-côtes et garde-frontières n'est pas nouveau. Il a toutefois vu le jour après l'arrivée de 850.000 migrants en Grèce en 2015, que FRONTEX a été incapable de gérer.

Plusieurs pays dont l’Allemagne, l’Autriche, la Suède et plusieurs pays d'Europe de l'Est ont ainsi rétabli provisoirement des contrôles à leurs frontières intérieures pour faire face aux franchissements illégaux, mettant en péril la libre-circulation au sein de l'espace Schengen.


Conclusion


La gestion des menaces en mer et une politique de sécurisation des zones maritimes est nous venons de le voir dans cette dernière partie un pilier important de la politique de la mer, sans lequel le développement des industries, des transports, de l'exploitation des ressources renouvelables de la mer, ne pourront se développer de façon optimale.

La politique de la mer est un sujet complexe regroupant finalement les problématiques de la majorité des ministères "terrestres": il lui faut un volet budgétaire, sécuritaire, industriel, économique, et écologique.

La mer est riche de nombreuses opportunités économiques ou la France, avec son réservoir de haute technologie et de nombreuses compétences technologiques, peut devenir le leader dans de nouveaux secteurs, créant ainsi des emplois et de la richesse.

Source: Boston Consulting Group - étude réalisée pour la Fondation de la Mer (2017)
Nous verrons dans un prochain article les préconisations en matière de politique maritime, mais nous voyons dores et déjà les grandes lignes d'action: aujourd'hui l'économie bleue revêt de nouvelles formes, aussi variées que les télécommunications, les énergies marines renouvelables, les biotechnologies marines et l'industrie de dessalement de l'eau de mer. Elle pèse environ 21,1 milliards d'euros de contribution annuelle et 7.400 emplois.

L'économie bleue est depuis toujours un des leviers de croissance de la France qui reste aujourd'hui largement à actionner. La maritimisation de l'économie française peut s'analyser en trois grandes périodes, aujourd'hui parallèles, qui se renforcent les unes les autres:

Dans ce contexte, les opportunités de croissances pour l'économie bleue seront portées par un quadruple phénomène:
  • Une population mondiale que se presse sur les rivages et d'ou émerge une classe moyenne avide de loisirs et de consommation: croisière, nautisme, tourisme éco-responsables sont autant de sujets à améliorer
  • Un souci de durabilité dans les projets et d'aspect renouvelable dans les énergies utilisées. Les innovations doivent rendre les secteurs plus économes en matière d'énergie, plus sécurisé pour son personnel et plus respectueux du monde marin dans lequel il évolue.
  • Une connaissance accrue des océans: à ce jour 90% des espèces océanes restent à découvrir. Les molécules issues des mers prennent peu à peu place dans les cosmétiques et la santé. Des start-up bio-tech émergent. L’exploration des océans n'en est qu'à son début.
  • La poursuite de la mondialisation de l'économie: 90% des échanges mondiaux sont transportés par voie de mer; 98% des télécommunications internationales passent par des câbles et fibres optiques sous-marins. Les échanges mondiaux s'intensifiant, les entreprises françaises ont un potentiel considérable à développer.

Sources:

https://europa.eu/european-union/about-eu/agencies/frontex_fr
http://www.extraplac.fr/FR/juridique/clpc.php

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire