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lundi 8 septembre 2025

Insurrection en France : quels sont les signaux faibles constituant le terreau fertile d'une insurrection ?

Nous avons déjà proposé à nos lecteurs un article complet analysant le papier académique de David Betz sur le risque insurrectionnel fort en France et en Grande-Bretagne. Le lecteur pourra le consulter en suivant ce lien. Nous nous proposons ici de développer un modèle quantitatif prenant en compte les différents facteurs endogènes et exogènes propices à l’avènement d’un climat insurrectionnel en France.

Pour ce travail, nous reprenons ici comme point de départ les analyses des stratèges militaires français du XXe siècle que sont Galula et Trinquier, que nous utiliserons comme données d’entrée de notre analyse. L’intérêt de travailler sur les écrits historiques de ces deux stratèges militaires est d’avoir une vision à 360 permettant de contrôler l’ensemble des éléments influençant un phénomène insurrectionnel en France. Nous rappelons que tous les facteurs étudiés dans ce papier sont des éléments propices au déclenchement d’un phénomène insurrectionnel : pour qu’une insurrection générale se déclenche, il faut un événement d’amorçage, malheureusement souvent lié à une ou plusieurs pertes humaines.

Photos de manifestations à Paris (2023) - Crédit : Police Nationale

Partie 1 - Facteurs endogènes



Dans les différents facteurs endogènes propices à l’avènement d’une insurrection, le colonel David Galula (né à Sfax en Tunisie en 1919, mort à Arpajon en 1967) mentionne la faiblesse des institutions, les disparités socio-économiques, les tensions ethniques et religieuses, et les faiblesses psychologiques des populations. Nous nous proposons ici de faire un bilan de ses différents facteurs dans la France de 2025. Dans un second temps, nous analyserons les évolutions de ces facteurs pendant la période 2000-2025. 

Les indicateurs-clés utilisés pour évaluer chaque facteur de risque n'a pas été pondéré, car il est impossible de calibrer une telle pondération avec les données disponibles en source ouverte. Il pourrait être intéressant de poursuivre l'étude en ce sens afin d'affiner le modèle. Le modèle proposé ne présente pas l'insurrection comme un phénomène mécaniquement prévisible, évacuant trop facilement toute dimension politique, historique ou contingente. Il ne faut en effet en rien réduire le risque insurrectionnel à des variables quantifiables, mais utiliser ses dernières comme une simple mesure relative de la situation du pays à un instant T.

1- Faiblesse des institutions


Indicateur de risque : Faiblesse des institutions (vue globale)

Indicateur de risque : Faiblesse des institutions (vue détaillée)


La capacité des institutions françaises à garantir stabilité, efficacité et confiance citoyenne s’est sensiblement dégradée sur le quart de siècle écoulé. Pour cerner ce phénomène, il convient d’analyser six axes structurants, qui représenteront nos indicateurs clés : la qualité de la gouvernance, la stabilité politique, l’efficacité administrative, la judiciarisation de la vie sociale, la liberté de la presse et la lutte contre la corruption — chacun étant évalué selon une échelle de Likert allant de 1 (situation très solide, risque minimal) à 20 (situation très dégradée, risque institutionnel majeur).

Au début du millénaire, la France bénéficiait d’un score de 1,22 sur l’indice « Voice & Accountability » (indice établi par la Banque mondiale), se positionnant ainsi aux alentours de 8/20 sur l’échelle de Likert — ce qui la plaçait parmi les meilleurs élèves de l’OCDE. En 2025, le score tombe à 1,03, donc il se retrouve à 12/20 : la France est désormais dans la moyenne basse, derrière l’Allemagne (1,34) et le Royaume-Uni (1,21), alors que la moyenne OCDE se situe à 10/20. Cette perte de robustesse démocratique illustre la dilution progressive du pacte républicain et la difficulté à régénérer les canaux habituellement évoqués de participation civique.

En l’an 2000, l’alternance démocratique française s’inscrivait dans un cadre rassurant où la défiance politiquement exprimée ne dépassait pas 42 % ; la France s’inscrivait sur l’échelle de Likert à 6/20, clairement dans une zone de stabilité durable. Vingt-cinq ans plus tard, la situation est radicalement différente : la défiance atteint 67 % (contre 58 % de moyenne OCDE). Au cours du second mandat du Président Emmanuel Macron, le pays connaît une succession de dissolutions parlementaires et une absence de majorité claire, scorant à 16/20 sur l'échelle de Likert en 2025. Cette instabilité structurelle entame la capacité de l’État à piloter les politiques publiques et fait de la France l’un des pays les plus fragmentés de la zone OCDE. Le risque d'une baisse de notation sur la dette française, via une dégradation possible d'un cran de sa note par les agences de notations américaines, entraîne mécaniquement une augmentation du risque d'instabilité gouvernementale.

Au tournant du siècle, l’administration française faisait figure de modèle en Europe : score de 1,12 selon la Banque mondiale, satisfaction des usagers évaluée à 72 %. Sur la Likert, la France était alors à 6/20 (OCDE : 8/20). En 2025, l’indicateur chute à 0,85, la satisfaction des usagers à 52 % ; la France s’inscrit désormais à 14/20 sur l’échelle de faiblesse, talonnant des pays en processus de réformes structurelles (moyenne OCDE 10/20). L’attractivité du service public s’est fortement réduite, et les territoires peinent à recruter et fidéliser leurs agents publics. Depuis le début du mandat municipal de 2020, la France connaît une crise inédite de la fonction de maire, illustrée par une vague historique de démissions. C’est pourtant un rouage essentiel dans le sentiment de proximité qui doit exister entre la classe politique et sa nation. Nous rappelons d'ailleurs aux lecteurs qu'Ernest Renan avait insisté en son temps dans ce qui fait la nation d'un pays ! Il y a donc obligation réciproque d'action démocratique entre dirigeants et peuple, afin de continuer à faire nation, au sens de Renan. Nous invitons à la consultation de l'article dédié à ce magnifique texte de Renan, en suivant ce lien.
« L'homme, messieurs, ne s'improvise pas. La Nation, comme l'individu, est l'aboutissement d'un long passé d'efforts, de sacrifices et de dévouements. Le culte des ancêtres nous ont faits ce que nous sommesUn passé héroïque, des grands hommes, de la gloire, voilà le capital social sur lequel on assied une idée nationale. »

Entre juillet 2020 et mars 2025, pas moins de 2189 maires ont quitté leur mandat, soit environ 6% des maires en exercice. Ce rythme correspond à une moyenne de 417 démissions par an, contre seulement 129 par an sur la période allant de 2009 à 2014 : le chiffre a donc été multiplié par un facteur proche de 4 en trois mandats municipaux.

Dans les années 2000, la judiciarisation restait contenue (1,5 million de décisions par an, Likert 8/20). L’essor numérique et la perte du dialogue social ont conduit à un doublement du volume de dossiers portés devant la justice : aujourd’hui, près de 3 millions de décisions judiciaires annuelles (Likert à 14/20). Ce phénomène signale une société de plus en plus procédurière, où la confiance dans la médiation politique s’est amoindrie au profit du recours systématique à la justice.

La confiance citoyenne dans le gouvernement s’élevait à 45 % en 2000 (Likert 8/20) face à une moyenne OCDE de 49 %. En 2025, cette confiance recule à 34 % (Likert France 14/20), alors que la moyenne OCDE n’a baissé que légèrement (39 %). La France figure donc parmi les pays européens où la défiance envers l’État et les contre-pouvoirs est la plus marquée.

Le classement RSF positionnait la France au 11e rang mondial à l’aube du XXIe siècle (Likert 6/20). En 2025, elle occupe la 21e place (Likert 10/20), alors que l’Allemagne est 10e et la Norvège 1re. Cette régression témoigne d’une pression accrue sur les médias et d’un environnement informationnel plus hostile, affecté par la désinformation et les polarisations numériques.

La France détenait un score de 75 (Transparency International), 12e mondiale (Likert 6/20) en 2000. En 2025, elle chute à 67 (25e mondiale, Likert 12/20), derrière les leaders scandinaves et l’Allemagne. Le rapport de Transparency International et les documents de l’OCDE pointent le retard français dans la réforme de l’indépendance du ministère public, le manque de transparence, et une multiplication des conflits d’intérêts et des affaires de corruption impliquant de hauts fonctionnaires.


2- Disparités socio-économiques


Indicateur de risque : Disparités socio-économiques (vue globale)

Indicateur de risque : Disparités socio-économiques (vue détaillée)


Au fil des réformes et des crises successives, la question des disparités socio-économiques s’est imposée comme l’un des enjeux majeurs de la société française contemporaine. Le paysage s’est densifié d’inégalités persistantes, traversant le temps sans que la croissance économique ou les politiques publiques ne parviennent pas à résorber durablement les fractures qui séparent les différentes catégories de la population.

L’évolution des revenus offre une première lecture de cette réalité contrastée. Selon l’INSEE, en 2024, 9,1 millions de Français vivaient sous le seuil de pauvreté, soit près de 14 % de la population. Ce seuil, fixé à 1120 euros mensuels, demeure un marqueur fort de la fragilité des ménages, et son évolution témoigne d’une accentuation de la précarité depuis la crise sanitaire de 2020, qui a fait bondir le taux de pauvreté de plus de 1 point en deux ans. A contrario, le revenu moyen des 10 % les plus aisés a progressé de 8,2 % entre 2015 et 2024, creusant la distance avec les plus vulnérables, dont le pouvoir d’achat a stagné ou régressé.

L’accès à l’emploi, autre indicateur structurant, amplifie ces écarts : le taux de chômage national, qui s’établit à 7,5 % au premier trimestre 2025, dissimule une hétérogénéité territoriale marquée. Dans certains bassins d’emploi du Nord, de l’Est ou d’outre-mer, il excède 15 %, tandis que l’Île-de-France et l’arc atlantique bénéficient d’une dynamique historiquement plus favorable. Les jeunes actifs (15-24 ans) connaissent un taux de chômage deux fois supérieur à la moyenne nationale (16 % en 2024), tandis que la précarisation du travail se reflète dans la progression des CDD et des contrats d’intérim.

Les disparités d’accès au logement révèlent un autre pôle d’inégalités. Près de 4,2 millions de personnes sont concernées par le mal-logement ou le logement indigne en 2025, en hausse de 6 % par rapport à 2017. Le prix moyen au mètre carré s’envole dans les grands centres urbains (+15 % à Paris en 5 ans), reléguant les ménages modestes en périphérie ou dans des habitats dégradés, tandis que le taux d’effort consacré au logement dépasse fréquemment 40 % du revenu pour les classes populaires.

La fracture sociale s’accentue également dans l’accès aux soins et à la santé. En 2025, 13 % de la population française vit en situation de privation matérielle et sociale, et près d’un tiers déclare ne pas pouvoir faire face à une dépense imprévue de 1000 euros. Les territoires ruraux et certaines zones périurbaines deviennent des « déserts médicaux » : le ratio de médecins par habitant y a chuté à 8 pour 10 000, contre 22 à Paris ou Lyon. Cette inégalité d’accès compromet durablement le principe républicain d’égalité devant la santé. La France périphérique, concept cher aux travaux du géographe Christophe Guilluy, prend ici toute sa réalité.

La dimension éducative confirme et amplifie ces écarts. Le rapport ministériel de 2025 souligne que le taux de décrochage scolaire atteint 8 % dans les quartiers populaires, soit le double de la moyenne nationale. La reproduction sociale, mesurée par le taux de jeunes issus de milieux modestes accédant à l’enseignement supérieur reste faible par rapport à la plupart des partenaires européens, accentuant l’inégalité des chances dès le plus jeune âge.

Enfin, le patrimoine, notion clé des disparités socio-économiques, concentre les écarts : 10 % des ménages détiennent plus de 50 % de la richesse nationale, et les 1 % les plus riches disposent d’un patrimoine net moyen de 5,3 millions d’euros, alors que la médiane française se situe autour de 120000 euros. Ce différentiel s’est accru depuis 2019, malgré les efforts de redistribution et de réforme fiscale.

L’ensemble de ces chiffres met en lumière une aggravation récente et structurelle des disparités socio-économiques : progression du taux de pauvreté, creusement de l’écart de patrimoine, accentuation des difficultés d’accès au logement, à l’emploi et à la santé, ainsi que la confirmation de l’inégalité des chances scolaires. Face à cette complexité, la France s’interroge sur l’efficacité de ses dispositifs de régulation et la nécessité de repenser, dans un contexte de mutation économique, le modèle de solidarité qui fonde son projet démocratique.


3- Tensions ethniques et religieuses


Indicateur de risque : Tensions ethniques et religieuses (vue globale)

Indicateur de risque : Tensions ethniques et religieuses 
(vue détaillée)


Durant la dernière décennie, la société française s’est trouvée confrontée à une recrudescence notable des tensions ethniques et religieuses, révélatrices de vulnérabilités profondes et de mutations du paysage identitaire national. Si la France demeure marquée par une tradition de sécularisation, le pluralisme religieux et l’importance croissante de la diversité culturelle et migratoire ont accentué certains clivages, souvent exacerbés par le recul sécuritaire vécu par les Français, le contexte international et les crises successives.

Entre 2015 et 2025, la France a subi 294 victimes d’attentats islamistes, faisant d’elle le pays européen le plus touché par ce fléau. L’onde de choc de ces événements, des attaques de Charlie Hebdo et du Bataclan jusqu’à la décapitation de Samuel Paty en 2020, a nourri une polarisation brutale du débat public et une vigilance accrue envers le fait religieux, notamment l’islam. Les réponses sociétales à ces tragédies ont engendré des mobilisations spectaculaires : près de 4 millions de personnes ont manifesté dans toute la France après les attentats de janvier 2015, révélant la puissance du sentiment républicain mais aussi la persistance de lignes de fracture entre univers laïque et communautés religieuses perçues comme minoritaires.

Le relevé statistique des actes antireligieux dénote d’importantes fluctuations. Les actes antimusulmans, qui avaient triplé en 2015 (429 faits recensés contre 133 en 2014), ont ensuite régressé, pour atteindre 242 faits en 2023. Les actes antisémites, en baisse jusqu’en 2022 (808 faits en 2015, 432 en 2022), ont quadruplé en 2023 pour s’établir à 1676 signalements, et la tendance reste inquiétante : 887 faits antisémites au premier semestre 2024. Cette explosion récente s’inscrit dans le contexte international de la guerre à Gaza et la résurgence de conflits importés sur le territoire national. Il faut également noter que les statistiques officielles françaises ne distinguent plus, depuis la loi de 2017 sur l’égalité et la citoyenneté, la motivation raciste visant un groupe donné, qu’il s’agisse d’actes « anti-Blancs » ou contre des Français autochtones, des actes contre des personnes perçues comme appartenant à une minorité. Les infractions « à caractère raciste » regroupent ainsi les atteintes motivées par l’origine, l’ethnie, la religion, etc., sans pouvoir préciser, dans les données publiques, la répartition exacte par communauté ciblée.

Au premier semestre 2025, la France enregistre une hausse continue des actes antichrétiens, confirmant une dynamique structurelle déjà observée durant la dernière décennie. Selon les statistiques du ministère de l’Intérieur, 322 actes antichrétiens avaient été recensés entre janvier 2025 et mai 2025, soit une augmentation de 13 % par rapport à la même période en 2024 ; sur l’ensemble de l’année précédente, près de 1000 faits ont été comptabilisés, ce qui représente plus de 40 % de tous les actes antireligieux du pays et place la France au premier rang en Europe pour ce phénomène. La quasi-totalité de ces actes (84 à 90 %) concerne des atteintes aux biens : dégradations, incendies (en hausse de 30% en 2024), vols d’objets cultuels, profanations de sépultures et intrusion dans les églises. Ces faits s’expliquent par différents motifs : vandalisme délibéré, vol lucratif (notamment d’ostensoirs, de calices et d’autres objets précieux), dégradations à caractère idéologique ou symbolique (tags, inscriptions haineuses, profanations sacrilèges).

Si les attaques contre les personnes demeurent minoritaires (environ 10 à 15 % des faits), leur progression retient l’attention des observateurs : 51 plaintes pour atteintes aux personnes (agressions, menaces, insultes) ont été déposées sur les cinq premiers mois de 2025, soit un quasi-doublement (+96 %) par rapport à 2024. Plusieurs cas d’agression de prêtres ou de fidèles, parfois lors de processions (ex : Beaucaire et Lisieux, Vendredi saint 2025), illustrent cette montée de la violence ciblée.Les services du renseignement territorial et les observatoires européens confirment que cette tendance n’est pas propre à la France, même si la densité exceptionnelle du patrimoine chrétien la rend statistiquement plus exposée. Cette résurgence d’actes antichrétiens, si elle n’atteint pas le niveau de violences physiques ou de menaces qui caractérise actuellement l’antisémitisme ou la christianophobie dans d’autres régions du monde, n’en est pas moins un indicateur préoccupant du climat de tension sociétale et de la vulnérabilité des symboles religieux chrétiens dans l’espace public français.

Le racisme et la xénophobie constituent également des marqueurs forts de la période : 8500 crimes ou délits racistes ou xénophobes ont été enregistrés en 2024, soit une augmentation de 32 % depuis 2023. Au total, les infractions liées à la haine raciale, xénophobe ou antireligieuse progressent de 11 % en un an (9350 en 2024 contre 8428 en 2023), et les violences physiques à caractère raciste de 23 %. Le nombre d’actes racistes recensés est passé de 159 en 2000 à 1221 en 2023, illustrant la multiplication des faits déclarés et la sensibilisation accrue à ces enjeux.

Au-delà des faits déclarés, la discrimination ethnique ou religieuse structure de nombreux pans du quotidien. Selon OpinionWay, plus de 80 % des Français considèrent encore la « race » ou l’origine comme l’une des premières causes de discrimination sur le territoire, devant l’apparence physique, le handicap ou l’âge (sans doute également parce que les discriminations liées au handicap ou à l'âge sont très peu présentes dans la sphère médiatique). La question religieuse demeure également centrale : 79 % des personnes interrogées jugent que la religion est un facteur de discrimination significatif.

Le paysage religieux français a continué d’évoluer, avec une forte progression de l’irréligion. 51 % de la population de 18 à 59 ans déclare n’avoir aucune religion en 2020, contre 45 % dix ans plus tôt. Le catholicisme demeure la première religion (29 %), devant l’islam (10 %) et les autres confessions chrétiennes (9 %). La pratique religieuse, excepté chez les musulmans, bouddhistes et juifs (20-34 % de pratiquants réguliers), est en net déclin : seuls 8 % des catholiques fréquentent régulièrement un lieu de culte. Au terme de cette décennie, l’effritement marqué de la pratique religieuse en France, où désormais plus de la moitié des 18-59 ans déclarent n’adhérer à aucune religion, traduit un processus de sécularisation accentué et une distanciation progressive vis-à-vis des institutions traditionnelles. Ce recul ne signifie pas pour autant la disparition de la quête spirituelle : privés de repères collectifs, de nombreux Français explorent de nouveaux chemins, parfois plus individuels et moins encadrés, ce qui favorise l’essor des mouvements alternatifs, du développement personnel et, hélas, l’augmentation des dérives sectaires — signalée par une hausse de près de 30 % des signalements sur la dernière décennie. Face à l’effacement des rites et de la transmission communautaire classique, la quête de sens et d’accomplissement spirituel se réinvente dans des formes plus éclatées, illustrant une vitalité souterraine mais aussi une fragilité nouvelle de la recherche existentielle dans un paysage religieux en recomposition.

Parallèlement, la part de musulmans dans la population est passée de 1,3 % en 1999 à 6 % en 2018 et l’affiliation religieuse des minorités (notamment juive, musulmane, protestante et bouddhiste) se stabilise autour de 12 %. Concernant l’origine ethnique, la présence étrangère en situation régulière a augmenté de 3,9 % entre 2023 et 2024, totalisant près de 31 865 demandes de séjour.

La décennie écoulée s’est donc caractérisée par la montée en puissance du débat identitaire et une polarisation forte du discours public. La théorie du « grand remplacement », autrefois cantonnée à la frange extrême droite, s’est diffusée dans le champ politique et médiatique, favorisant un sentiment d’insécurité culturelle et de crainte envers la diversité démographique. La pratique du « wokisme », les discours sur la laïcité et les revendications communautaires ont occupé une place centrale dans le débat français, au risque d’accentuer les divisions et de marginaliser la réflexion de fond, tant des décideurs que de la population.

L’analyse statistique et sociologique de la décennie 2015-2025 met en lumière une aggravation des tensions ethniques et religieuses : multiplication des actes haineux (+32 % pour les crimes racistes en 2024), explosion des faits antisémites (+400 % en 2023), progression des actes antimusulmans, et perception persistante des discriminations raciales et religieuses par plus de 80 % des Français. Face à ces chiffres alarmants, la société française se doit de mobiliser son arsenal institutionnel et promouvoir des politiques de dialogue et de justice, seule voie permettant d’éviter la chronicisation d’une fracture nationale qui menace sa cohésion et son avenir démocratique, et donc sa stabilité.


4- Faiblesses psychologiques


Indicateur de risque : Faiblesses psychologiques (vue globale)

Indicateur de risque : Faiblesses psychologiques
(vue détaillée)


La santé mentale des Français, érigée en grande cause nationale en 2025 par le Gouvernement, ne cesse d’inquiéter par la multiplication des signaux faibles, désormais largement documentés par les statistiques officielles et les enquêtes spécialisées. Les chiffres dressent un état des lieux inquiétant, qui interroge tous les pans de la société française, et qui contribuent à une manipulation facilité par cette faiblesse psychologique : il ne s'agit en rien de pathologiser l'état de santé des Français, mais de conscientiser la population sur des endoctrinements possibles (sensibilité à la propagande, manipulation de masse, instrumentalisation des foules, etc.)

11 % des Français sont touchés par des syndromes dépressifs, près du double de la moyenne européenne (6 %). Au total, ce sont 13 millions de personnes qui présentent chaque année un trouble psychique, soit près de 1 Français sur 5. Parmi eux, 53 % déclarent avoir connu au moins un épisode de souffrance psychique au cours des douze derniers mois, traduisant un malaise profond et diffus. La période post-CIVID est là pour témoigner d’une aggravation de la situation, principalement chez les plus jeunes. 

La jeunesse française apparaît ainsi particulièrement vulnérable face à cette crise silencieuse. 20,8 % des 18-24 ans sont concernés par la dépression en 2021, contre 11,7 % en 2017, soit quasiment un doublement en quatre ans. Les pensées suicidaires gagnent du terrain : 18 % des jeunes de 17 ans ont déjà songé au suicide, contre 11 % en 2017. Plus alarmant encore, le taux de suicide chez les femmes de moins de 25 ans a doublé entre 2015 et 2022 ; de même, les hospitalisations pour automutilations chez les jeunes femmes de moins de 24 ans ont augmenté de 71 % en médecine-chirurgie-obstétrique et de 130 % en psychiatrie depuis la pandémie.

La politique de confinement menée en France durant la pandémie de Covid-19 a eu un impact majeur sur la santé psychologique de la population, et tout particulièrement sur celle des jeunes. Si cette mesure exceptionnelle visait à protéger la collectivité face à l’urgence sanitaire, de nombreuses études nationales et internationales ont mis en lumière ses effets délétères sur le bien-être mental.

Dès la première période de confinement au printemps 2020, plusieurs enquêtes, comme celles de Santé publique France et de l’INSERM, ont signalé une augmentation significative des troubles anxieux et dépressifs, ainsi qu'un sentiment de solitude accru chez les 15–29 ans. Entre avril 2020 et juin 2021, la prévalence des syndromes dépressifs chez les jeunes a doublé, passant de 11 % à près de 22 %. En 2021, une enquête IFOP signalait qu’un quart des 18–24 ans présentait un risque élevé de dépression, contre 9 % chez les plus de 55 ans. Le nombre de passages aux urgences pour motifs psychiatriques, d’appels aux lignes d’écoute et de prescription d’anxiolytiques a explosé dans cette tranche d’âge. Selon les dernières analyses de l’INSERM et de la DREES, les jeunes ont été particulièrement exposés au risque d’idées suicidaires, d’automutilation, ainsi qu’à la hausse des consommations de psychotropes ou de produits addictifs.

Chez les étudiants, le confinement s’est traduit, selon l’Observatoire de la vie étudiante, par un sentiment de mal-être généralisé, une baisse de motivation et des troubles du sommeil aggravés. Les inégalités sociales se sont accentuées, les jeunes issus des milieux modestes étant les plus touchés par la précarité psychologique et les difficultés de recours aux soins. Selon Santé publique France, en 2022, 35 % des moins de 25 ans considéraient avoir une santé mentale « médiocre ou mauvaise », un chiffre sans précédent en France contemporaine.

L'ensemble des travaux convergent pour établir un lien direct et robuste entre la politique de confinement et la forte détérioration psychologique observée chez les jeunes Français. Ce constat, partagé par la plupart des spécialistes, souligne la nécessité de politiques de prévention, de soutien et de réparation spécifiques à destination des plus jeunes, afin de réparer durablement les séquelles d’une crise inédite dans l’histoire récente du pays.

Au travail, les tensions psychologiques s’intensifient : 44 % des salariés se déclarent en état de détresse psychologique. Nous avons d’ailleurs détaillé un article très complet sur le sujet des risques psychosociaux, que le lecteur pourra consulter en suivant ce lien, afin d’avoir plus d’information sur ce point particulier. Les maladies psychiques reconnues d’origine professionnelle affichent une hausse de +25 % en 2023, tandis que le coût du stress au travail est estimé entre 2 et 3 milliards d’euros par an. Les cas de burn-out s’envolent : selon plusieurs études, plus de 2,5 à 3,2 millions de Français seraient susceptibles de développer un burn-out. Pourtant, 75 % des personnes estiment difficile de parler librement de leur santé mentale et les délais pour consulter un professionnel s’allongent dramatiquement. La France est également le plus mauvais élève en Europe en nombre de décès liés aux accidents de travail, avec une moyenne française de 3,3 décès pour 100 000 employés contre 1,8 en Europe !

Autre indicateur révélateur : la solitude gagne du terrain. 12 % des Français, soit environ 8,6 millions de personnes, se trouvent en situation d’isolement relationnel, et 31 % se déclarent « souvent seuls » en 2024 contre 25 % en 2018. Ce repli touche davantage les jeunes actifs (25-39 ans : plus d’un sur trois) et les personnes aux faibles revenus (17 % d’isolement contre 7 % chez les hauts revenus).

La précarisation financière renforce le malaise : 13,0 % de la population vit en situation de privation matérielle et sociale en 2024, soit plus de 8,6 millions de personnes, un chiffre qui reste supérieur à la moyenne des années précédentes. 9,1 millions de personnes vivent sous le seuil de pauvreté en 2022, et près d’un tiers des Français déclarent ne pas pouvoir faire face à une dépense imprévue de 1 000 €.

Parallèlement, les violences conjugales explosent : 271 000 victimes enregistrées en 2023 (+10 % en un an). Le nombre de cas recensés a doublé depuis 2016, soulignant une aggravation inquiétante du phénomène. Les comportements addictifs se diffusent : même si la consommation globale d’alcool diminue, les hospitalisations liées à l’alcool ont augmenté de 4,1 % en 2023 (595 326 séjours hospitaliers). Chez les 18-24 ans, 24 % déclarent consommer de l’alcool à l’excès ; 46,3 % ont expérimenté le cannabis et 3,5 % en font un usage quotidien.

Tous ces indicateurs convergent vers une crise de la santé mentale protéiforme et persistante. Depuis septembre 2020, le niveau de santé mentale des Français n’a jamais retrouvé son niveau prépandémique, avec une « dégradation structurelle » qui s’enracine dans toutes les strates de la société. Le système de soin — dont les professionnels eux-mêmes se disent en souffrance — peine à répondre à cette inflation de besoins non pourvus.

Un autre indicateur particulièrement préoccupant de la fragilité psychologique française réside dans l’augmentation persistante de la consommation de psychotropes et de substances illicites. La France figure parmi les pays de l’OCDE où la prescription d’anxiolytiques et de benzodiazépines demeure la plus élevée. En 2023, plus de 13 millions de boîtes d’anxiolytiques (principalement des benzodiazépines) ont été délivrées, avec une hausse de 6 % par rapport à 2019, reflétant une tendance accentuée depuis la crise sanitaire. Près de 9 % des Français consomment régulièrement des anxiolytiques, souvent en automédication ou sur prescription renouvelée, alors que les recommandations internationales insistent sur leur usage limité dans le temps. Cette dépendance aux psychotropes marque la difficulté d’accès à des alternatives thérapeutiques et la montée du recours aux médicaments pour faire face au stress quotidien.

Parallèlement, la consommation de drogues illicites s’inscrit dans une dynamique toujours soutenue. En 2025, 46,3 % des jeunes de 18 à 24 ans ont expérimenté le cannabis, et 3,5 % déclarent en faire un usage quotidien. La prévalence du cannabis dans la population générale s’élève à 11 % d’usagers dans l’année, tandis que la dépendance déclarée aux drogues illicites ou à l’alcool concerne plus d’un jeune sur dix. En ce qui concerne les autres substances, la cocaïne confirme sa diffusion grandissante : près de 2,7 % des Français en ont consommé au moins une fois, et la progression des prises ponctuelles augmente de 18 % sur deux ans. Les opioïdes, bien que moins répandus, font l’objet d’une surveillance accrue, avec une hausse des interventions pour incidents liés à la prise non médicale.

Ces statistiques sur l’usage des anxiolytiques, des benzodiazépines et des drogues, loin d’être anecdotiques, illustrent la difficulté croissante de la population à surmonter le mal-être sans recours massif à des substances psychotropes, qu’elles soient légales ou illégales. Elles renvoient à une réalité sociosanitaire complexe : le besoin de stratégies plus holistiques d’accompagnement, pour enrayer une crise où la réponse chimique supplante trop souvent la prise en charge psychologique de fond. 

En somme, la France traverse un moment critique où les chiffres, plus que les discours, révèlent l’étendue d’un malaise psychique collectif longtemps sous-estimé. Il urge de prendre la mesure de ces signaux faibles : ils ne font plus que frémir, ils menacent désormais de devenir les grondements désormais évidents d’une crise nationale.


Partie 2 - Facteurs exogènes



Dans les différents facteurs exogènes propices à l’avènement d’une insurrection, le colonel Roger Trinquier décrit des facteurs directement hérités des mécanismes d’influence et de déstabilisation de la Guerre froide. Il s’agit de facteurs liés à l’action d’agents subversifs externes (groupes plus ou moins autonomes ou bien liés à des organisations de taille diverse), ainsi qu’aux actions pilotées d’États ennemis. Nous nous proposons ici de faire un bilan de ses différents facteurs dans la France de 2025.

En 2025, la France se trouve à l’avant-poste d’une ère nouvelle où les facteurs exogènes de risque — agents subversifs externes et actions pilotées par des États ennemis — constituent un péril grandissant, désormais central dans l’analyse nationale de la sécurité et de la stabilité politique. Les dernières synthèses publiées de la DGSE, de la DRSD et de la DRM, relayées dans la presse spécialisée et les dossiers parlementaires, dressent un tableau d’une vulnérabilité dont l’ampleur et la sophistication n’ont d’égales que la détermination des puissances et groupes hostiles opérants contre les intérêts stratégiques français.

Nous nous proposons ici d'étudier ses deux sous-catégories de facteurs de risque, en ne déclinant pas d'indicateur-clé spécifique à ce stade, car les données publiques sont clairement insuffisantes, et certaines informations restent classifiées pour des raisons évidentes de sécurité nationale.


Indicateurs de catégorie de risques exogènes (vue globale)

Indicateurs de catégorie de risques exogènes
(vue détaillée)


1- Agents subversifs externes


Du côté des agents subversifs externes, le constat est sans nuance. Dès 2020, les services de renseignement ont observé une montée en puissance continue des réseaux d’influence transnationaux : en cinq ans, le nombre de structures subversives actives sur le sol français a crû de 120 %. Selon la DRSD, l’hétérogénéité des menaces ne laisse plus aucun secteur indemne : groupes d’extrême gauche et d’extrême droite opérant au carrefour de plateformes numériques et de contre-cultures internationales, ramifications de mouvances islamistes radicales, nouvelles constellations d’ultragauches et cyberdélinquance organisée. À cela s’ajoute le pivot décisif opéré par le numérique : on estime à près de 30 000 le nombre de comptes francophones relayant sans relâche mots d’ordre séditieux, désinformation et appels à la radicalisation sur plateformes chiffrées, selon les évaluations croisées de la DRSD et de la DGSE. Ces agents ne se bornent plus à l’activisme souterrain : ils s’immiscent dans le tissu social, le monde associatif et parviennent même, par de multiples stratagèmes, à cibler les milieux économiques innovants, comme en témoignent les plus de 110 incidents d’espionnage industriel et scientifique recensés pour la seule année 2024. 

2- Actions pilotées d'Etats ennemis


À ce premier axe lourd s’ajoute la stratégie offensive des États dits « ennemis », voire des États dits « voyous » dont l’ambition ne vise plus seulement des objectifs militaires mais l’intimité même du débat démocratique et des infrastructures civiles françaises. Selon la DRM et la DGSE, la France est désormais classée parmi les trois cibles privilégiées en Europe pour les attaques hybrides : en 2024, plus de 300 incidents cyber, manipulations médiatiques ou actes de sabotage informationnel ont été formellement imputés à des puissances telles que la Russie, la Chine, l’Iran ou la Turquie. Les opérations menées dépassent la seule attaque informatique : elles visent à saper la confiance dans la représentation nationale, à exacerber les fractures sociétales et à paralyser l’action publique. Les attaques contre l’Hôpital Necker ou les systèmes du ministère des Armées, attribuées à des groupes comme APT28 ou Mustang Panda, ont démontré l’étendue des capacités offensives rivales. 

En parallèle, la DRM, appuyée par la DRSD et la DGSE, détaille la multiplication des campagnes de désinformation : plus de deux cents opérations de ce type ont été identifiées en un an, déstabilisant l’opinion lors des crises des retraites, des émeutes urbaines ou encore de la résurgence de formes d’antisémitisme. Plus insidieux encore, les services dévoilent des manœuvres financières — transferts chiffrés, ONG de façade, réseaux d’influence — visant à radicaliser certains mouvements sociaux, ainsi qu’une poussée des tentatives de recrutement d’agents au sein même de l’appareil d’État, dans l’éducation, l’administration ou la recherche, augmentant les risques de fuite et de paralysie stratégique. 

Ce panorama impose une double leçon : la menace exogène ne se limite plus à des actes isolés de violence ou d’intrusion, elle s’organise selon des stratégies hybrides et coordonnées, qui entremêlent espionnage, sabotage, infiltration sociale, guerre cognitive et logistique clandestine. En 2025, la France, société ouverte et économiquement avancée, découvre la massivité d’un chantier sécuritaire inédit : sa résilience face aux menées subversives et hostiles dépend désormais, non seulement de ses forces de police ou de renseignement, mais aussi de la vigilance de ses institutions, de la robustesse de ses mécanismes démocratiques, et du lien de confiance qu’elle saura restaurer entre la nation et sa gouvernance. /// De par les facteurs endogènes décrits précédemment, on voit ici clairement que la population est d’autant plus vulnérable et instable que ces facteurs endogènes sont présents. L’action combinée d’actes malveillants, de désinformation et d’intoxication informationnelle conduit à un terreau fertile insurrectionnel hautement risqué sur le moyen terme.



Partie 3 - Risque d'insurrection : Proposition d'un modèle quantitatif


À l’orée de 2025, la France se distingue, dans le paysage occidental, par un niveau de risque globalement supérieur à la moyenne OCDE sur la majorité des facteurs structurels, sociaux et institutionnels alimentant la menace d’une rupture démocratique ou d’une insurrection majeure. La photographie de la situation en 2025 et l’évolution de ces différents facteurs depuis l’an 2000 a montré une détérioration générale avec un fort impact sur la population française. 

Nous proposons ici d’utiliser des indicateurs issus d’études internationales, qui permettent ainsi d’avoir un avis le plus neutre possible, et un point de comparaison entre la situation de la France et celles des autres pays de l’OCDE. De ce classement français relatif aux autres pays occidentaux, nous normalisons via une échelle de Likert graduée de 1 à 20, correspond ainsi à une note de risque sur cet indicateur clé. Bien entendu, cette proposition de modèle n’est pas figée, et peut être adaptée, voire affinée. Elle représente cependant un point de départ pour une réflexion et un débat nécessaire à l’avenir du pays.

1. Faiblesse institutionnelle
La moyenne des scores Likert pour cette catégorie s’établit à 11 (sur 20) en France, contre une moyenne OCDE de 8. Plusieurs indicateurs viennent consolider ce constat : la qualité de la gouvernance est cotée 10, la stabilité politique et la défiance citoyenne atteignent 14, l’efficacité administrative 8 et le sentiment d’impunité judiciaire 12. La défiance à l’égard des institutions a connu une progression alarmante de 67 % des Français exprimant leur scepticisme envers la classe politique, soit presque dix points de plus que la moyenne OCDE (58 %).

2. Disparités socio-économiques
Avec une note moyenne de 12 en France, significativement supérieure à la moyenne OCDE (9), les disparités économiques et sociales constituent un foyer majeur de vulnérabilité. Le taux de pauvreté progresse à 14 % (versus 12,6 % OCDE), la privation matérielle touche 13 % des ménages, contre moins de 8 % en Europe du Nord. Les déserts médicaux s’accentuent, le décrochage scolaire atteint 8 % dans les quartiers populaires, et le mal-logement concerne 4,2 millions de personnes, soit une hausse continue et préoccupante. Si le chômage global s’améliore (7,5 % contre 9,1 % en 2000), il demeure élevé pour les jeunes (16 %).

3. Tensions ethniques et religieuses
La France enregistre une moyenne de 14 sur cette sous-catégorie — huit points de plus qu’en 2000 et supérieur à la moyenne occidentale (11). Les crimes racistes et xénophobes augmentent de 32 % en un an, tandis que les actes antisémites ont été multipliés par quatre en 2023 (1 676 faits). Les actes antimusulmans, bien qu’en légère diminution depuis le pic de 2015, restent élevés (242 faits en 2023), ce qui témoigne de la persistance des tensions identitaires et du défi républicain de cohésion nationale.

4. Faiblesses psychologiques
La moyenne de la catégorie atteint 15, ce qui place la France parmi les pays occidentaux les plus exposés. Les syndromes dépressifs frappent 11 % de la population, un record européen, tandis que le burn-out touche 44 % des salariés. La consommation d’anxiolytiques et de psychotropes a plus que doublé en vingt-cinq ans : 13 millions de boîtes/an contre 6 millions en 2000, et l’expérimentation du cannabis chez les jeunes a explosé à 46 %, faisant de la France un pays leader en Europe. L’isolement social progresse à 12 % de la population.

5. Menaces externes : agents subversifs et États hostiles
La moyenne combinée des scores atteint 16,5 — signe distinctif d’une surexposition de l’État français, de par son positionnement géopolitique. Les signalements d’activisme subversif externe ont augmenté de 120 % depuis 2020, et le pays a subi plus de 300 attaques hybrides ou cyber offensives en 2024, soit une fréquence nettement supérieure à celle de la plupart des partenaires européens, à l’exception des États-Unis.

L’ensemble de ces moyennes place la France à un niveau de risque intermédiaire haut, fréquemment supérieur aux scores moyens du monde occidental. La progression des indicateurs dans chaque sous-catégorie, l’empilement des vulnérabilités et la capacité des menaces extérieures à amplifier les failles internes rendent le contexte hexagonal particulièrement instable au regard des standards européens et nord-américains. Au-delà des valeurs absolues de chaque indicateur, c’est la tendance relative à une détérioration chronique et généralisée qui demeure préoccupante. Alors que gouverner, c’est prévoir, les vingt prochaines années qui se décident programmatiquement aujourd’hui seront décisives pour l’avenir du pays.


Partie 4 - Evolution entre 2000 et 2025 des facteurs de risque insurrectionnel


Indicateur d'évolution des facteurs de risque insurrectionnel sur la période 2000-2025 
(vue globale)


Indicateur d'évolution des facteurs de risque insurrectionnel
sur la période 2000-2025 
(vue détaillée)


L’examen longitudinal des chiffres révèle une aggravation quasi systématique des facteurs de risque au cours des vingt-cinq dernières années, avec des accélérations parfois spectaculaires depuis la crise sanitaire de 2020.

Les faiblesses institutionnelles : érosion et défiance
En 2000, la France se montrait robuste sur le plan institutionnel : la qualité de gouvernance cotait à 7/20, la défiance était contenue à 42 %, l’efficacité administrative à un niveau supérieur à la moyenne OCDE. En 2025, la défiance a explosé à 67 %, la gouvernance perd près de 20 % de son score, et le taux de dossiers judiciaires non résolus a quasiment doublé, traduisant un sentiment d’impunité persistant. Les institutions peinent à remplir leur rôle régulateur, ce qui alimente la colère et l’inquiétude citoyenne.

Disparités socio-économiques : fracture aggravée
La progression du taux de pauvreté de 11 % à 14 %, la privation matérielle de 8 % à 13 %, et la stagnation du Gini, traduisent un creusement des écarts. La précarité se durcit, particulièrement après 2008 et 2020, tandis que le mal-logement et la fracture sanitaire connaissent une détérioration marquée (déserts médicaux : ratio rural de 12/10 000 à 8/10 000 habitants).

Tensions ethniques et religieuses : multiplication des faits
Les actes racistes sont passés de 159 faits en 2000 à plus de 1200 faits en 2025, et les actes antisémites ont plus que doublé (717 à 1 676). Les actes anti-musulmans ont été multipliés par cinq. Cette trajectoire, accélérée par les soubresauts géopolitiques et les crises migratoires, témoigne d’une polarisation croissante de la société, où les minorités, en particulier jeunes et femmes, sont surexposées à la discrimination.

Faiblesses psychologiques : explosion de la détresse
En vingt-cinq ans, la prévalence de la dépression est passée de 7 % à 11 %, et celle du burn-out de moins de 15 % à 44 %. La consommation d’anxiolytiques est passée de 6 à 13 millions de boîtes/an, la solitude de 7 % à 12 %. L’expérimentation du cannabis chez les jeunes a bondi de 22 % à 46 %, et l’addiction aux opioïdes, ainsi que la part des Français ayant déjà pensé au suicide, affichent une augmentation nette. Ces chiffres soulignent une détérioration forte de la santé mentale collective, portée par des mutations sociétales, économiques et culturelles majeures.

Menaces externes : escalade et hybridation
Les dernières années ont vu une explosion des signalements d’activisme subversif (+120 % depuis 2020) et des opérations hostiles d’États tiers (cyber, désinformation, influence directe : >300 attaques/an en 2024). Alors que l’exposition en 2000 était marginale, la France se positionne aujourd’hui parmi les cibles prioritaires en Europe.


Conclusion


Le niveau de risque en 2025 résulte d’une convergence de fragilités institutionnelles, socio-économiques, ethniques, psychologiques et de menaces exogènes, illustrée par une montée régulière et inquiétante des scores quantitatifs. La France, anciennement dans la moyenne des sociétés occidentales sur tous les critères, se retrouve au seuil supérieur du risque sur la plupart des indicateurs, souvent en détérioration accélérée depuis 2000. L’addition de ces vulnérabilités, confirmée par des chiffres robustes et internationalement comparés, appelle, d’un point de vue politique, à une mobilisation urgente des gouvernances publiques : sans inflexion stratégique, les signaux d’alerte pourraient basculer en déflagration sociale, dont la progression actuelle ne saurait être ignorée. Le risque insurrectionnel, serait dans ce cas, la conclusion la plus probable, engendrant une incertitude forte sur l'évolution de la France, et sur sa place dans le monde au XXIe siècle.

La lecture du modèle multifactoriel élaboré tout au long de cette session invite bien entendu à une analyse nuancée et stratégique : le risque social en France ne se résume ni à un niveau absolu ni à une simple addition de fragilités, mais à la dynamique, la configuration et la vitesse d’accumulation de facteurs institutionnels, socio-économiques, psychologiques, identitaires et exogènes.

La question de savoir si le niveau absolu ou son évolution relative importe le plus est centrale. 

Une société peut présenter, à un moment donné, de nombreux facteurs de tension sans pour autant basculer dans l’insurrection. Ce qui devient critique, c’est la trajectoire : lorsque plusieurs indicateurs clefs (fragilités institutionnelles, précarité sociale, défiance politique, tensions ethnoreligieuses, détresse psychologique, influence hostile externe) s’aggravent simultanément, le potentiel de rupture s’accroît et la résilience collective diminue. C’est donc l’évolution relative, la coïncidence temporelle et l’accélération des facteurs de risque qui constituent l’alerte majeure, davantage que le niveau statique du risque à lui seul.

Les recherches en sociologie, en science politique et en gestion des crises montrent que l’insurrection ne découle pas d’un seuil fixe, mais d’un effet de cumul, d’un sentiment d’impasse partagée, et d’un manque de signaux de résolution émanant des institutions. La capacité à anticiper et à limiter l’escalade passe par trois leviers essentiels :
  • 1. Détection et veille multidimensionnelle : Appliquer une analyse régulière et croisée de tous les facteurs du modèle, avec des outils de scoring dynamique, pour repérer précocement les inflexions ou les ruptures dans la progression des indicateurs.
  • 2. Renforcement des amortisseurs institutionnels et sociaux : Cela suppose de restaurer la confiance citoyenne, de réduire la judiciarisation au profit du dialogue social, de rénover l’efficience administrative et la capacité de l’État à absorber les chocs – mais aussi de soutenir le tissu local, l’éducation et la santé mentale.
  • 3. Prévention et régulation des facteurs exogènes : Lutter contre les ingérences, la désinformation et les opérations hostiles étrangères, par la coordination des services, la cybersécurité, et une stratégie diplomatique ferme. Renforcer aussi la résilience cognitive et informationnelle de la société face aux manipulations.
En somme, la stratégie de prévention du risque d’insurrection en France doit privilégier la vigilance sur la trajectoire des risques, l’action sur les causes structurelles du mal-être collectif et l’organisation d’un système d’alerte et de réponse rapide, capable de désamorcer les processus de cristallisation avant qu’ils ne deviennent irréversibles. C’est la dynamique ascendante, le déclenchement simultané et l’absence de régulation qui font le lit du basculement ; ce sont sur eux que doit porter l’effort des gouvernances publique et civique.

Nous encourageons les lecteurs à réfléchir sur ce modèle de risque, à la soumettre à leur esprit critique, et à faire toute suggestion constructive à l'auteur. Sur demande, la feuille Excel qui a servi d'outil analytique et d'illustration à cet article peut être partagée sur demande, en prenant contact directement avec l'auteur de cet article.


Sources


1. Faiblesse institutionnelle  
  • Banque mondiale, Voice & Accountability, Worldwide Governance Indicators [1][2][3]
  • OCDE, Panorama des administrations publiques, Government at a Glance, Better Life Index [1][2][4][5][6][7][8]
  • IMF, Article IV Consultation France [9]
  • Coface, Analyse économique des risques [10]
  • Sénat, Judiciarisation vie publique [11]
  • Crédit Agricole, Scénario stabilité politique [12]
  • Statista, Indépendance justice [13] 
  • L’Express, Classement RSF Presse [14]
  • Transparency International, Indice de perception de la corruption [15][16][17][18][19][20][21]
  • SciencesPo CEVIPOF, Crise des vocations municipales, démissions maires [22][23][24][25]
  • Banque des Territoires, Démissions maires [25][26][27][28][29][30][31]

2. Disparités socio-économiques
  • INSEE, Statistiques pauvreté, privation matérielle, chômage, mal-logement [7][32][33][34][35]
  • Fondation Abbé Pierre, Rapport mal-logement [34]
  • DREES, Situation sanitaire et accès soins [35][36]
  • Centre Inffo, Baromètre bien-être au travail [37]
  • France Stratégie, Indicateurs [4]

3. Tensions ethniques et religieuses
  • CNCDH, Rapport sur la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la xénophobie [38][39][40]
  • Ministère de l’Intérieur, Statistiques crimes racistes, antireligieux, anti-Blancs [41][42][43]
  • SciencesPo, Crise de vocation chez les maires [23][24][22][25]
  • Usbek et Rica, Évolution du racisme [44]
  • Wikipedia, Racisme antiblanc [45]
  • INED, Études sociologiques/racisme [45]
  • La Croix, Démission maires et tensions politiques [29]
  • Cerises La Coopérative, La décennie qui a fracturé la France [46]
  • AMF-Cevipof, Démocratie de proximité [25]
  • StatCan, Victimisation Premières Nations (comparatif international) [47]
  • SciencesPo CEVIPOF, Discriminations structurelles [24]

4. Faiblesses psychologiques  
  • Statista, Troubles santé mentale [ 48][49][50]
  • Santé publique France, Baromètre santé mentale [51][52][53][54][55][56][57][58][59][60][61][62]
  • OFDT, Addictions France [54][55][63]
  • Fondation France, Étude solitudes [57][62][64]
  • Vaincre le burn-out, Statistiques professionnels [49][50][59][61]

5. Menaces externes/subversion/États hostiles  
  • OCDE, Global Anti-Corruption & Integrity Forum [21]
  • OCDE, Governance responses to disinformation [65]
  • Verfassungsblog, Criminalisation recherche juges [66]
  • SciencesPo, Anti-corruption, public integrity [20]
  • Brookings Institution, Instabilité France [67] 
  • INSS, Macron et fragilité politique 2025 [68]
  • OECD Economic Surveys: France [7][69]
Toutes ces sources réunies couvrent l’ensemble des risques institutionnels, sociaux, psychologiques, identitaires et géopolitiques, et permettent de fonder une approche comparative, multidimensionnelle et scientifiquement étayée du contexte français en 2025, ainsi que sa comparaison avec 2000 pour en saisir son évolution relative.

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