Le HUMINT, ou Human Intelligence, est une méthode de collecte d’informations qui repose sur des interactions humaines directes. Elle implique des agents ou des sources humaines pour recueillir des données à partir de conversations, d’entretiens, ou d’observations.
Le HUMINT est souvent utilisé pour obtenir des informations qualitatives et détaillées, difficiles à acquérir par d’autres moyens qui font appel à des sources techniques. Elle est cruciale dans le renseignement militaire, économique et diplomatique, permettant de comprendre les intentions et les motivations des acteurs clés. En raison de sa nature personnelle, HUMINT peut fournir des détails précieux et nuancés sur des situations complexes.
Cet article propose une revue consolidée des techniques utilisées afin de mieux les détecter quand on les subit, et de mieux les appréhender quand on veut les utiliser, soit-même.
Les moyens de contrôle mental sur un individu
Tous les services de renseignement utilisent pour le recrutement de leurs sources la méthode générique connue sous l’acronyme anglo-saxon MICE (Money, Interest, Constraint, Ego), mais la méthode dont rêvent tous les services de renseignement du monde reste la capacité de s’assurer du contrôle mental des individus, et ce, à leur insu pour les retourner, les recruter ou encore s’assurer de leur loyauté.
Cette arme de manipulation mentale doit dans l’idéal être capable :
- d’atteindre le maximum d’individus en un temps le plus court possible
- de ne pas avoir d’impact sur les troupes amies ou alliées
- de laisser le potentiel de production intact
- d’interdire l’opposition de contre-mesures
L’approche de l’école de Nancy allait permettre à Émile Couée d’énoncer que la suggestion agit à la condition d’avoir été transformée en autosuggestion, c’est-à-dire acceptée. La suggestion s’adresse à la partie inconsciente de notre être et agit ainsi sans avoir un lien explicite pour la conscience de l’individu.
La suggestion est l’essence même de la guerre psychologique, alors que la persuasion est la base de la guerre idéologique.
Au-delà des recherches liées aux techniques d’hypnose, les grandes agences internationales de renseignement se lancèrent pendant la Guerre froide à des études sur différents psychotropes pour aider des prisonniers à parler. En 1952, une équipe de l’US Navy commença à expérimenter le fameux sérum de vérité, connu sous le nom scientifique de Pentothal.
Le passage de messages subliminaux notamment par l’insertion d’images subliminales dans une vidéo est également une technique qui a été utilisée pour influencer les individus. On se souvient des élections présidentielles de 1988 qui ont vu François Mitterrand réélu. Le journal « Quotidien de Paris » reproche à ce dernier d’avoir bénéficié d’images subliminales contenues dans le générique du journal d’Antenne 2. Vladimir Volkoff dans son ouvrage « Petite histoire de la désinformation » précise que pendant la campagne électorale de 1988, le générique des informations d’Antenne 2 a fait passer 2949 fois une image du président Mitterrand, candidat, et cette image n’était pas visible à l’œil nu, sauf si on ralentissait la projection. Cependant, le procès intenté pour « manipulation électorale » a été perdu, car l’image durait plus d’un vingt-cinquième de seconde, ce qui exclut la qualification de subliminale. Les scientifiques restent très divisés quant à la réelle influence que possèdent ces images sur le cerveau.
En France, c’est en 1992 que le CSA interdit l’utilisation des images subliminales, avec le décret n° 92-280 du 27 mars 1992, article 10 : « La publicité ne doit pas utiliser des techniques subliminales entendues comme visant à atteindre le subconscient du téléspectateur par l’exposition très brève d’images en vue de la promotion d’un produit, d’une cause ou d’une idée. »
Aux termes de l’article 9 du décret n° 92-280 du 27 mars 1992 modifié, la publicité clandestine est interdite. « Constitue une publicité clandestine la présentation verbale ou visuelle de marchandises, de services, du nom, de la marque ou des activités d’un producteur de marchandises ou d’un prestataire de services dans des programmes, lorsque cette présentation est faite dans un but publicitaire. » En application de l’article 10 dudit décret, « la publicité ne doit pas utiliser des techniques subliminales » entendues comme visant à atteindre le subconscient du téléspectateur par l’exposition très brève d’images.
Il reste néanmoins très difficile de mesurer les effets de ces images subliminales sur le cerveau récepteur de ces signaux. Il est important de noter que, bien que cette interdiction existe d’un point de vue légal, les sanctions sont rarement appliquées dans la pratique. De plus, la définition précise de ce qui constitue une « technique subliminale » reste sujette à interprétation, ce qui peut rendre l’application de la loi complexe dans certains cas.
Savoir-faire et savoir-être
Travailler sur la hiérarchie des besoins et les projeter à travers une relation sociale ou intime est essentiel pour la création de liens avec une nouvelle personne. Abraham Maslow a construit une pyramide des besoins en fonction d’une hiérarchie bien spécifique. Il distingue :
- Les besoins physiologiques : boire, manger, dormir, se vêtir
- Les besoins de sécurité : emploi, financier, affectif
- Les besoins affectifs : être aimer, aimer, materner
- Les besoins de considération : être reconnu comme épouse/époux, femme/homme, professionnel
- Les besoins d’appartenance à un groupe ou à une personne
- Les besoins de se connaître, de se comprendre
- Les besoins esthétiques
- Les besoins d’imaginaire, d’évasion
Le niveau de vocabulaire, et plus particulièrement le registre spécifique à une classe sociale peut trahir une personne provenant d’une origine différente. Le choix de chaque terme doit se faire avec la plus grande prudence, et l’on peut facilement expérimenter, à son insu, le principe psychologique de l’attirance par la ressemblance langagière. Être attentif à la langue permet de déceler une origine, une catégorie sociale, et permettra ensuite de savoir quel type de langage conviendra mieux à l’épanouissement de la relation.
N’oublions jamais que l’on contrôle plus difficilement nos gestes et expressions que nos paroles. Entre les mots et les messages silencieux émis par le corps, ces derniers sont plus significatifs. Les mots ne représentent que 7 % du message global.
Enfin, il faut savoir reconnaître un sourire sincère d’un sourire forcé. Le sourire forcé est asymétrique ; il est plus appuyé à gauche chez un droitier, et d’une durée plus longue. En outre, il est plus long à naître et se termine différemment d’un sourire naturel.
La communication biaisée
L’art de la communication est la capacité d’obtenir de l’autre d’une manière acceptable ce que l’on désire. Les chercheurs ont défini quatre types fondamentaux de communications verbales et chaque catégorie répond à un besoin particulier :
- La communication phatique : elle est utilisée pour faire connaissance et nouer les relations. En linguistique, la fonction phatique d’un énoncé est le rôle que joue cet énoncé dans l’interaction sociale entre le locuteur et le récepteur, par opposition à l’information effectivement contenue dans le message. Un énoncé phatique sert souvent à assurer que la communication « passe » bien, par exemple lorsqu’un orateur demande : « Vous me suivez ? ». La notion de fonction phatique a été définie par Roman Jakobson comme l’une des six grandes fonctions du langage.
- La communication cathartique : la communication cathartique est un concept qui se réfère à l’utilisation de la communication pour libérer des émotions négatives ou réprimer des sentiments, souvent par le biais d’une expression ouverte et honnête.
- La communication informative : la communication informative est un type de communication dont l’objectif principal est de transmettre des informations, des connaissances, ou des données à un public cible. Elle vise à éduquer, à informer, ou à expliquer des concepts, des faits, ou des idées de manière claire et précise.
- La communication persuasive : la communication persuasive est un type de communication dont l’objectif principal est d’influencer les pensées, les attitudes, ou les comportements des destinataires. Elle vise à convaincre ou à persuader le public cible d’adopter une certaine position, d’accepter une idée, ou de prendre une action spécifique.
Les chercheurs Kleinke et Tully ont établi qu’une personne très diserte est perçue comme dominante, tandis qu’une personne peu loquace paraît sympathique. Dans toute forme de communication visuelle, le paralangage (message oral et non verbal) revêt un rôle très important. La façon dont un message est émis peut donner au mot des significations différentes.
Il faut faire la distinction entre communication et communication biaisée, qui tend à influencer l’interlocuteur. La persuasion est une tentative délibérée pour modifier l’attitude et le comportement de l’autre. Le principe de la persuasion vise à partir d’un certain nombre de données à aboutir à une conclusion unique. Pour avoir une chance de voir une proposition plus facilement acceptée, il faut impérativement veiller à ce qu’elle n’aille pas à l’encontre des sentiments, des affects ni du cadre de référence de l’interlocuteur.
Tout semble indiquer que le cerveau ne dispose que d’une énergie limitée, aussi si l’on active une zone, l’énergie de l’autre diminue proportionnellement. Un individu pris isolément se comporte plus de façon corticale et son thalamus est moins influencé. S’il est dans un groupe d’individus, le phénomène est inversé, et cela est d’autant plus vrai que le groupe est grand. C’est pourquoi dans une foule, l’affectif l’emporte sur le rationnel. La persuasion est une stimulation qui concerne à la fois les deux zones (corticale et thalamique), mais en proportion variable. Le message doit être formulé sur le registre intellectuel et affectif. Tout l’art de celui qui souhaite persuader son interlocuteur consiste à mobiliser les besoins de l’autre ainsi que ses désirs sur le plan affectif, tout en délivrant des arguments rationnels qui lui permettront de s’autojustifier sur le plan intellectuel.
Profils prédisposant à un recrutement
Des profils prédisposants sont toujours intéressants dans le sens ou l’on peut faire levier sur les faiblesses de leur profil psychologique. Un intellectuel ou un HP sera vite frustré d’une situation professionnelle qu’il n’estime pas à la hauteur de son talent. Il faudra ici jouer sur son ego et le valoriser de manière adéquate. Le profil du faible sera quant à lui plus facilement manipulable en lui promettant une appartenance à une organisation qu’il assimile à une récompense. De plus, il n’aura pas le recul pour bien comprendre pour qui il travaille et quels intérêts il sert. De manière générale, réussir à surfer sur l’insatisfaction des individus est une manière puissante et habile de manipulation efficace. C’est également le dénominateur commun de nombreux profils dans notre société actuelle : il faut juste trouver l’effet de levier adéquat pour optimiser le processus.
Qu’il s’agissent de profils tels que le marginal, le rebelle, l’insatisfait, l’immature, l’adolescent, le héros, le faible ou l’intellectuel, la détection du point de faiblesse permet un meilleur recrutement. Enfin, le fait que nous soyons dans une société très individualiste favorise la solitude et le manque de relations sociales, créant parfois des frustrations additionnelles. Il convient de les exploiter de la meilleure manière. Suivant l’âge de la personne, il faudra adopter une approche différente liée à son vécu et aux frustrations éventuellement accumulées, mais jouer également avec l’ennui possiblement développé au fil des années…
« Toutes les choses vivantes sont mues par des désirs sans fin., et la vie est souffrance, sauf quand le désir est satisfait et qu’il devient ennui. »
Frederik Schoppenhauer
Dans tous les cas, on voit ici les grandes lignes des faiblesses humaines qui peuvent être facilement exploitées pour du renseignement et/ou de l’intelligence économique. Il est important de sensibiliser les employés des entreprises, et surtout des OIV (opérateur d’importance vitale), afin d’éviter que certains se fassent bêtement piéger par une approche étrangère en quête de documents pouvant servir une entreprise concurrente.
On ne peut que conseiller la lecture du livre de Kevin Mitnick sur « L’art de la supercherie ». Dans cet ouvrage, Kevin Mitnick propose de découvrir des scénarios réalistes d’arnaques et d’escroqueries, tous basés sur l’art de la persuasion et de la manipulation. L’auteur démontre que l’homme doit être au centre de la politique de protection des données : aucun pare-feu ou protocole de chiffrement ne sera jamais assez efficace pour arrêter des individus déterminés à pénétrer un réseau ou à obtenir une information confidentielle. L’élément humain est donc la clé, mais aussi le principal point faible des systèmes de sécurité : un personnel peu ou mal informé, ou qui ne respecte pas les consignes, constituera une cible privilégiée pour tout hacker digne de ce nom. Raconté à la fois du point de vue de l’attaquant et de la victime, cet ouvrage explique pourquoi certaines attaques par impostures réussissent, et indique comment elles auraient pu être déjouées.
Comment tendre ses filets
Il est important de flatter de manière appropriée une personne afin d’établir un bon contact initial. Cette remarque est particulièrement vraie envers les sans-grades, les obscurs qui ne sont guère habitués à cette forme de respect de la personne humaine, et qui souvent, disons-le, font l’objet de dénigrement ou de condescendance d’une partie de la classe supérieure. On se rappelle la fameuse citation « Les gens qui réussissent et les gens qui ne sont rien », petite phrase malheureuse prononcée par Emmanuel Macron le 29 juin 2017, lors d’un discours dans le cadre de l’inauguration du campus de start-up Station F à Paris, et qui choqua un grand nombre de responsables politiques ainsi qu’une partie de l’opinion publique.
Dans le cas de manipulation, quelle que soit la technique spécifiquement choisie, la dissonance cognitive est toujours à privilégier. En effet, chez tout individu, il existe un besoin de cohérence et, s’il s’avère impossible, l’équilibre psychologique de la personne est rompu. Cette technique permet en effet de servir une volonté de manipulation et d’empiègage via un processus souvent lent, mais continu qui consiste à enfermer lentement une personne dans un piège. On parle de la technique du pied dans la porte, ou de la politique des petits pas, souvent utilisée en politique publique pour faire passer des réformes difficiles : on commence par des petites avancées imperceptibles et on modifie de manière continue la loi ou la norme pour asphyxier un adversaire, une entreprise ou une population.
Cette stratégie a été scientifiquement prouvée dans un papier de Freeman & Fraser de 1966 sous le titre « The foot-in-the-door technique ». Le principe général de cette technique est donc simple : « quand une personne a été amenée à se soumettre à une petite requête, elle est plus susceptible de se soumettre à une requête plus importante » (Freedman et Fraser, 1966, p. 195). D’après Kiesler (1972), le degré d’engagement augmente avec chacun des cinq facteurs suivants : le caractère explicite de l’acte (public ou non ambigu), l’importance de l’acte pour le sujet, le degré d’irrévocabilité de l’acte, le nombre d’actes réalisés, et enfin le sentiment de liberté du sujet. Ce dernier est certainement le facteur d’engagement le plus important. La plupart des théoriciens en font, d’ailleurs, une condition nécessaire à l’engagement.
À l’acronyme anglo-saxon MICE (Money, Interest, Compromission, Ego), les Français préfèrent l’acronyme plus nuancé SANSOUCIS (Solitude, Argent, Nouveauté, Sexe, Orgueil, Utilité, Contrainte, Idéologie, Suffisance).
Plusieurs techniques de manipulation peuvent être ainsi appliquées :
- Principe de réciprocité : obligation psychologique de retourner l’ascenseur, suite à un cadeau (produit ou service) qui peut s’avérer empoisonné
- Principe de cohérence ou de concordance : exploiter une conviction personnelle déjà existante (religieuse, politique, sociale, sociétale, etc.) et orienter la demande dans un sens qui serve implicitement cette conviction
- Principe de l’interdit : franchir un interdit pour rendre sa vie plus colorée et excitante, exploitation de la crise de la quarantaine, d’une frustration chronique, etc.
- Sentiment associatif : intégrer une personne dans un cercle et faire levier sur son autorenforcement idéologique
- Argument d’autorité : Flatter l’ego par un titre, une médaille, une récompense
- Principe de rareté : Une aubaine qui n’apparait qu’une seule fois dans sa vie peut réussir à convaincre une personne
- Argent : Cela peut prendre la forme d’une rémunération ou d’un avantage en nature
- Sentiment de culpabilité : utilisation d’image forte pour impacter l’affect de la personne. Cela peut être des photos d’enfants malades, de femmes violées ou tuées lors de conflits armés, etc.
- Sexe et vices divers : direct ou sur les descendants/ascendants de la personne
- Chantage : construction de scénarios de compromission par le sexe ou la corruption
- Amoralité : recrutement et manipulation de propres membres de sa famille
- Pression : cela peut soit être une pression de masse ou une pression individuelle. Dans les pressions de masse, on peut citer l’apparition de nouveaux vecteurs de pression environnementaux ou sociétaux.
La prise en compte du tropisme culturel de chacun
Que l’on soit religieux ou non, il est nécessaire de comprendre la croyance ou la non-croyance de l’autre, car la conviction de faire faire quelque chose à autrui peut prendre des formes très spécifiques suivant la personne. C’est un sujet vaste qui ne peut être développé dans le cadre de cet article, mais il faut bien garder cette composante à l’esprit. Dans le passé, des sources ont été manipulées en appuyant délibérément sur certains leviers de croyance. Le terrorisme islamiste manipule bien ses candidats au suicide en leur promettant 60 vierges après avoir quitté le monde des vivants.
La langue elle-même est issue d’une culture bien spécifique et il n’existe aucunement de bijection parfaite entre une langue et une autre. Le vocabulaire, les concepts, voire même la notion de temps peut varier énormément d’une culture à l’autre. Pour certaines peuplades, le passé est devant eux, sinon comment en avoir la connaissance visuelle à travers les souvenirs. Si le passé était en arrière, comment en aurait-il une telle connaissance photographique ? Tout ceci pour bien démontrer qu’au-delà d’une pure connaissance technique et académique d’une langue, rien ne remplace l’immersion culturelle, seule à même de faire comprendre à l’autre le relief de sa pensée.
Même le niveau sonore de la langue parlée peut avoir une signification culturelle : une voix élevée pourra en Occident trahir une mauvaise éducation ; à l’inverse, une voix chuchotée pourra être interprétée comme une conversation secrète, tandis que la plupart des peuples extravertis sont indifférents aux oreilles étrangères alentour. Ils s’expriment comme s’ils n’avaient rien à cacher, ce qui est bonheur pour qui prête une oreille indiscrète.
Selon l’anthropologue Edward Hall, il existe trois critères définissant une culture : le formel, l’informel et le technique. Selon la culture étudiée, un critère spécifique devient prépondérant puis suivi du second et enfin du troisième. Les Américains sont d’abord techniques, puis formels et le critère informel arrive en troisième position. Une intervention armée dans un pays peut régler facilement une situation (critère technique), ensuite l’esprit pionnier de destinée manifeste perdure (critère formel) et enfin de manière mineure la vision sur le passé ou le long terme reste peu important (critère informel). A contrario, dans une culture à dominante informelle, on pourra facilement rencontrer des pratiques de marchandage, de bakchich et la relation au temps et à l’espace sera toute relative. Pour les Russes ou les moyen-orientaux, la notion à l’espace est relative et l’espace public est à tous : ils n’hésiteront pas à couper des files d’attente ou à forcer un passage sur un trottoir ou dans une foule s’ils veulent se déplacer.
Il arrive parfois qu’au sein d’une même culture, des conflits intérieurs existent, permettant ainsi une exploitation facile de la part d’une personne manipulatrice. C’est dans l’exploitation de certaines incohérences que l’on peut amener une personne à une meilleure coopération. Dans tous les cas, c’est via une exploitation de besoins latents non satisfaits que l’on arrivera à influencer un individu, même dans des cas complexes d’expressions culturelles très différentes.
Notre cerveau ne stocke pas les mots, mais les images qui y sont associées. Il est essentiel de garder se détail à l’esprit.
La programmation neurolinguistique (PNL)
La PNL apparaît dans les années 70 aux États-Unis sous l’impulsion de John Grinder et Richard Bandler. Elle tend à être un procédé de communication reproductible et répondant aux besoins de communication avec autrui et influencer une personne pour la motiver à atteindre un objectif.
Les concepts de base de la PNL :
- Il existe un inconscient que l’on peut exploiter
- Il existe un pont entre notre conscient et notre inconscient et notre esprit peut provoquer un signal pour invoquer un souvenir
- Esprit et corps sont indissociables : toute perception sensorielle déclenche immédiatement un affect émotionnel
- Il existe un paralangage inconscient
- Tout comportement extérieur ou intérieur a un sens. S’il y a dissonance, c’est le message comportement qui prévaut.
- Le comportement d’une personne peut être évalué pour être apprécié par rapport au contexte. En se plaçant dans un cadre plus large, on évite les stéréotypes.
- Le sens du message est donné par la réponse qu’il déclenche : dans toute communication, il y a une interaction entre les individus en présence, et rien n’indique que le récepteur a compris correctement le message. Chaque récepteur interprète le message de l’émetteur en fonction de sa propre matrice de décodage, construite sur la base de son expérience, son passé, son éducation et ses convictions.
La PNL tente de détecter toute incohérence entre le verbal et le gestuel afin d’analyser la véritable volonté de la personne. Des auteurs avancent que le gestuel a quatre fois plus d’impact que le verbal !
Dans une conversation, la durée des regards représenterait 60 % du temps, et la durée des regards réciproques seulement 33 % du temps. Les mouvements oculaires sont donc importants à analyser et représentent des phases de la pensée de la personne.
- Les yeux en haut à gauche marquent un visuel construit (construction d’un discours — donc potentiellement mensonge)
- Les yeux en haut à droite marquent un visuel remémoré (appel aux souvenirs et à la mémoire)
Dans une conversation entre deux individus, il est donc essentiel de garder une synchronisation au niveau comportemental, verbal et culturel. Afin d’établir un contact, il sera donc privilégier d’adopter la technique du miroir indirect (reproduction d’un signal de l’autre via un autre canal) afin de créer une certaine proximité communicationnelle.
Voici plusieurs techniques permettant de créer une proximité inconsciente chez les individus :
- L’ancrage : permet de marquer chez la personne les sentiments agréables associés à la rencontre. Les hommes politiques y ont souvent recours dans leur communication.
- Le langage : le langage interne représente une pensée, un raisonnement alors que le langage externe représente la communication avec autrui
- L’omission : attention sur certaines expériences et exclusion d’autres
- La généralisation : utilisation de l’expérience passée pour la transposer dans une conversation et ainsi bénéficier d’un parallèle sans pouvoir autant connaître le sujet courant
- Le métaprogramme : ensemble des registres préférés chez une personne : Il peut s’agir des lieux, des personnes, des choses, des actions
- La prise de décision :
Il faut garder à l’esprit qu’il est pratiquement impossible de déstabiliser une certitude. À la base de toute croyance profonde, il y a un jugement de valeur. Le croyant ne choque donc que les membres qui n’appartiennent pas à cette ligne de pensée. Il ne faut pas remettre en cause de vieux schémas enracinés. Au contraire, il est préférable d’utiliser la conviction de l’autre comme un puissant levier. Les leviers de haine sont souvent utilisés dans les méthodes d’endoctrinement des intégristes. Ils constituent un solide point de départ pour emmener la personne là où le recruteur le souhaite.
Plutôt que de trop complexifier les variables qualifiant un individu, on peut se concentrer sur la fameuse méthode DISC qui décompose les personnes en quatre grands systèmes de pensée :

Le fonceur
Caractéristiques clés : direct et décisif. Il peut être demandant et avoir du franc-parler. Vous saurez que vous parlez avec un fonceur à cause du contact visuel, de son comportement confiant et de son sens des affaires.
Comment travailler avec le fonceur : il ne tourne pas autour du pot. Le fonceur veut que son expérience d’achat soit efficace et s’attend à des réponses spécifiques. Vous devez rester sur vos gardes, mais si vous pouvez répondre rapidement et précisément aux questions en éliminant le plus de tracas possible pendant le processus d’achat, vous ne devriez pas avoir de problèmes à changer les fonceurs en clients fidèles.
L’analytique
Caractéristiques clés : minutieux, esprit critique et prudent. Ils sont systématiques dans leur démarche d’achat et ils arrivent généralement dans le parc préparés avec des questions puisqu’ils auront effectué plus de recherches que les consommateurs moyens. Les analytiques vous demanderont pourquoi vous faites certaines choses et mettront l’accent sur les étapes importantes dans le processus d’achat.
Comment travailler avec l’analytique : puisque les analytiques valorisent l’information et « doivent avoir toutes les réponses en main » la décision peut être plus longue à prendre. Soyez prêt à répondre à leurs questions et essayez de ne pas les presser. Les analytiques préfèrent examiner en profondeur leur achat avant de prendre une décision, et ils sont du type à reculer si vous les poussez trop. Soyez patient, gardez-les informés et vous gagnerez la vente.
L’aimable
Caractéristiques clés : être calme et équilibré est la devise des aimables. Ils ont tendance à être faciles à vivre et prévenants. Les aimables valorisent l’amitié, le respect et l’entraide. Lorsqu’une personne marche dans le parc et que dans un délai de cinq minutes vous avez déjà l’impression de parler avec un vieil ami, vous savez que vous parlez à un aimable.
Comment travailler avec l’aimable : les aimables sont réfléchis dans leurs actions, cela peut donc prendre un certain temps avant qu’ils prennent une décision. Ils n’aiment pas se sentir pressés, alors vaut mieux démontrer de la patience et du respect. Ils sont assez sociables, un simple sourire et une petite conversation peuvent mener loin. Une fois que vous avez l’aimable dans votre camp, vous avez plus de chances de gagner un client à vie.
L’expressif
Caractéristiques clés : enthousiaste et accessible. Créatif et sociable. Ils peuvent être impulsifs et plus émotifs que les autres autres types de personnalité. Les expressifs sont généralement très amusants à côtoyer et ils sont énergétiques.
Comment travailler avec l’expressif : il n’y a aucun doute, vous serez heureux de vendre aux expressifs. Leur personnalité amicale et chaleureuse en fait des personnes agréables avec qui travailler. Ces personnes ne prennent pas en considération les faits autant que les autres et se fient à leur intuition pour prendre des décisions. Ils peuvent également être impulsifs et changer d’idées souvent. Soyez flexible et attentif à la façon de les garder engagés pendant le processus d’achat.
PNL et Analyse transactionnelle
L’analyse transactionnelle, dont on peut situer l’introduction en France aux environs des années 1971-1972, a connu un succès grandissant dans les années 1980 à 1990. Elle a fait, depuis, son apparition dans les manuels scolaires. Elle a été inventée par Éric Berne (1910-1970), médecin, psychiatre et psychanalyste. Il s’agit d’une approche de la personnalité et de la relation humaine ; c’est une théorie dotée de concepts et de méthodes spécifiques. Elle est active au sens où elle associe le patient au travail thérapeutique en utilisant pour cela des méthodes qui fondent précisément sa spécificité.
L’analyse transactionnelle permet de comprendre l’état émotionnel de l’interlocuteur aussi bien que le sien, et pourrait ainsi s’adapter en fonction de la situation, ou de la personne avec qui nous interagissons. C’est une formidable technique pour influer sur le cours d’une conversation, soit en l’entretenant, soit en la coupant.
Le principe de base de l’AT est que chaque individu oscille entre trois états du Moi :
- Le Parent (P) : reproduction d’un comportement parental issu d’une figure parentale de notre enfance
- L’adulte (A) : résolution de problème et façon rationnelle de gestion de nos ressources émotionnelles
- L’enfant (E) : agissement comme un enfant ; réaction émotionnelle forte, spontanéité, intuition, créativité
Il y a une part de parent, d’adulte et d’enfant dans chaque comportement. À la différence d’autres approches, l’analyse transactionnelle n’est pas un concept théorique. Par l’observation directe, l’individu pourra reconnaître et identifier l’état du Moi de son interlocuteur.
Chacun des états du Moi listé ci-dessus se subdivise en deux sous-états de la manière suivante :
L’analyse transactionnelle permet à tout opérationnel de se concilier les personnes ciblées. La transaction est dite simple quand deux personnes communiquent en échangeant un propos banal. Il y a une suite de stimulus (S) et de réponse (R). Il peut donc y avoir un échange transactionnel entre l’état adulte du Moi de la personne avec le même état Adulte du Moi de l’autre personne. Bien entendu, il se peut que la personne en état adulte fasse appel à un état Enfant du Moi de l’autre personne : cela se déroule par exemple quand on cherche à déclencher un état émotionnel fort chez l’autre. La femme qui reçoit un compliment répond assez souvent par l’état Enfant Adapté. L’homme qui désire faire preuve d’autorité, d’analyse, privilégie l’état A.
Chaque transaction correspond à un niveau social et à un niveau psychologique, mais dans une transaction cachée (ou à double sens) les deux divergent : il y a incongruité. Elle peut porter un double message par le biais de sous-entendus ou de double signification. Un exemple d’échange entre un manipulateur et sa cible sur la base d’une transaction A -> A, mais qui recèle une transaction cachée visant à stimuler l’enfant. « Cette proposition vous conviendrait à merveille, mais je crains qu’elle ne soit trop risquée pour vous ». L’enfant provoqué risque de se prendre au jeu et de répondre « Pas de problème. »
Les différents types de manipulateurs
La manipulation psychologique, un phénomène complexe et multiforme, se manifeste à travers divers profils de manipulateurs, chacun employant des techniques spécifiques pour influencer et contrôler autrui. Parmi ces profils, on distingue notamment le harceleur, le gourou, le pervers narcissique, le tricheur, le séducteur, le killer et l’arriviste. Ces catégories, bien que distinctes, peuvent parfois se chevaucher, partageant certaines caractéristiques communes telles que le manque d’empathie, la recherche de contrôle et l’exploitation des vulnérabilités d’autrui.
Le harceleur
Le persécuteur procède de la volonté délibérée de nuire pour contraindre le persécuté ou lui rendre la vie impossible. Le persécuteur vampirise les énergies de sa victime de diverses manières. Ils harcellent leurs victimes pour échapper au sentiment d’échec dont ils souffrent en silence. Le harceleur est d’abord et avant tout un jaloux, envieux parfois, exclusif toujours et surtout cupide jusqu’au délire concupiscent.
Le gourou
La plupart des gourous sont des charlatans qui pratiquent l’imposture avec un art tellement consommé qu’on croit qu’ils connaissent les paroles de la chanson. Les gourous sont généralement des hommes frustrés, mais autodidactes qui parviennent à codifier leurs délires et à ériger leur propre mythomanie en religion. C’est à la suite d’échecs mal vécus qu’ils puissent l’énergie nécessaire et suffisante pour endosser l’habit de gourou et ainsi tenter de soigner leur blessure narcissique. Le gourou exploite souvent l’effet Barnum pour séduire ses adeptes, fournissant des analyses vagues et générales applicables à tous.
Le pervers
Il existe de nombreuses définitions du pervers : une des définitions possibles est la jouissance dans la destruction. Lorsque ce comportement de destruction est associé à un sentiment de toute-puissance, cela définit le pervers narcissique. Il s’agit souvent de combinaison de comportements machiavéliques et narcissiques. Il utilise souvent les injonctions paradoxales sur sa victime. Son ego disproportionné lui interdit toute remise en question, et au final, il se nourrit de la souffrance de l’autre, qui masque sa propre détresse cachée.
Le tricheur
Le tricheur est caractérisé par une infidélité chronique et une absence de remords. Il considère la triche comme légitime et ne ressent pas de culpabilité. Ses traits distinctifs incluent un charme inné et une grande sociabilité pour séduire facilement et rapidement un cercle restreint (typiquement lors d’une négociation). Il peut également avoir une tendance à rejeter la responsabilité de ses actes sur les autres, une obsession pour son apparence physique, une capacité à mentir de façon élaborée et crédible, et un langage corporel évasif quand il est confronté à ses opposants.
Le séducteur
La manipulation subtile permettant la captation d’information prend souvent la forme d’une certaine séduction de son interlocuteur. Il sait être à l’écoute de son interlocuteur pour son propre intérêt, pour ensuite le flatter sans gêne ni retenue, le valoriser. Il fait rire et trouve de bons mots, démontrant ainsi une intelligence situationnelle importante. Il ne supporte pas de perdre la partie et peut devenir votre pire ennemi : l’échec est pour lui insupportable. Chez les femmes, les séductrices veulent plaire à tout prix, dans une forme d’immédiateté : on parle parfois de personnalité histrionique.
Le killer
Le killer, présente souvent des traits psychopathiques marqués tels qu’une conduite prédatrice et une recherche de sensations fortes, une absence totale de remords et d’empathie envers les autres, un besoin de contrôle et de domination sur ses victimes, une grande capacité de manipulation et de dissimulation, et enfin une tendance à la préméditation et à la planification minutieuse de ses actes. Dans des scenarios complexes et extrêmement construits de processus commerciaux ou de M&A, ces profils peuvent être de redoutables adversaires.
L’arriviste
L’arriviste se caractérise par un égocentrisme exacerbé et une jalousie pathologique, une tendance à culpabiliser les autres et à se victimiser, une capacité à semer la zizanie et diviser pour mieux régner, un discours logique en apparence, mais subordonné à des actes contradictoires. Il a souvent une efficacité redoutable pour atteindre ses buts aux dépens d’autrui. L’arriviste et le killer sont des types de profils qui partagent une propension à la manipulation et un manque d’empathie, mais se distinguent par leurs motivations et modes opératoires spécifiques. Ils peuvent être intelligemment utilisés de manière extrêmement efficiente, à condition d’être placés dans un environnement professionnel ultra-contrôlé.
Conclusion
Les partisans et les opposants au renseignement sont en désaccord sur la nécessité de cette activité. L’histoire du renseignement est une succession de faits individuels et collectifs imaginés. Le renseignement économique est également un sujet qui prend ses sources dans le renseignement humain, à travers lequel, des acteurs clefs de l’économie et de l’industrie, interagissent avec leur environnement, sans être particulièrement préparés à être tamponnés par des agents formés pour leur soutirer des informations cruciales dans la guerre économique que se livrent les États.
Il existe en chacun de nous une aspiration fondamentale à surmonter nos contradictions intérieures. Quand l’insatisfaction grandit à l’égard des engagements et de l’idéologie professée, l’individu peut en venir à revoir, à changer de point de vue, s’il considère son implication comme peu gratifiante ou peu satisfaisante. À l’extrême, cela peut donner lieu à la trahison, quand l’individu est savamment approché, manipulé, et encouragé à suivre cette voie via l’utilisation de différentes techniques présentées dans cet article, et en appuyant sur les bons leviers de persuasion.
L’objet de cet article était de brosser l’ensemble des éléments liés au facteur humain, et les différentes techniques qui peuvent être appliquées par certains manipulateurs, en vue de soutirer des informations personnelles ou professionnelles. Il est donc important que chacun ait une image précise de ces techniques afin de pouvoir les détecter facilement quand elles sont mises en œuvre. Nous ne pouvons que répéter que le facteur humain est très souvent le maillon faible dans la sureté économique d’une entreprise, et qu’il est de la responsabilité de toutes et tous de garder une vigilance maximale et continue. Les billets édités par la DGSI dans la
section contre-espionnage sont une source très pédagogique et de qualité qui peut être consultée régulièrement. Les
rapports du SGDSN sont également intéressants à consulter et lire régulièrement pour s’assurer de la mise à jour de ses connaissances sur les dernières évolutions observées.
Sources
Caupenne, Christophe, Petit guide de
contre-manipulation, Éditions Fayard/Mazarine, Paris, 2017, 256 p.
Desmaretz, Gérard, Le renseignement humain : infiltration, recrutement, empiègeage, manipulation, trahison, Chiron, Paris, 2005, 303 p.
Dufourcq-Brana Maya, Pascual Alexandre, Gueguen Nicolas
Déclaration de liberté et pied-dans-la-porte
Dans Revue internationale de psychologie sociale 2006/3-4 (Tome 19), pages 173 à 187
Freedman, J. L., & Fraser, S. C. (1966). Compliance without pressure: The foot-in-the-door technique. Journal of Personality and Social Psychology, 4(2), 195—202. https://doi.org/10.1037/h0023552
Hall, Edward, La dimension cachée, Éditions Points, Paris, 2014 (réédition), 256 p.
Mitnick K.D., Simon W.L, L’art de la supercherie, Paris : Campus Press, 2003, 384 p.
Volkoff, Vladimir, Petite histoire de la désinformation, Éditions du Rocher, Paris, 1999, 289 p.
Paragraphe sur les images subliminales de François Mitterrand, pages 185-187
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire