Henri Hauser, né en 1866 et mort le 27 mai 1946, est un historien français, géographe, économiste et humaniste. Il a enseigné l’histoire économique dans de nombreuses universités, dont la Faculté des lettres de Paris de 1921 à 1936. Cet ouvrage sur l’expansion économique de l’Allemagne peut être considéré comme le prototype moderne de description de la guerre économique. Il fait office de miroir à l’ouvrage de Siegfried Herzog, le plan de guerre commerciale de l’Allemagne, rédigé aussi en 1915, mais traduit en français seulement en 1919, dont vous pouvez trouver la fiche de lecture en cliquant sur ce lien.
Articulé autour de trois parties, l’auteur décrit les principales étapes de la guerre économique livrée par l’Allemagne. Son ouvrage regorge de centaines d’exemples pratiques empruntés aux Chambres de Commerce françaises à l’étranger, qui sont autant d’exemples vivants des réalités économiques de terrain, et des différences de comportement entre la France et l’Allemagne. Il est d’une actualité brûlante, notamment sur l’art de la captation d’information en source ouverte (OSINT).
« L’Allemagne, déjà consciente de la défaite qui l’attend sur le terrain politique et militaire, compte prendre sa revanche ailleurs, sur le terrain économique. Le but de la guerre étant pour elle la conquête des marchés du monde, elle se trouverait être, môme vaincue en apparence, la véritable bénéficiaire de l’horrible conflit. »
« Guerre économique, conquête des marchés, ces mots, appliqués à l’Allemagne, sont tout autre chose que des métaphores. Plus que jamais nous avons le sentiment que l’Allemagne faisait la guerre en pleine paix, avec les moyens de la paix. Le dumping, les primes d’exportation, les bons d’importation, les tarifs soudés, les mesures relatives à l’émigration, etc., ces divers procédés étaient employés par elle non comme des procédés normaux d’activité économique, mais comme des moyens d’étouffer, d’écraser, de terroriser l’adversaire. Toutes les théories économiques ne sauraient prévaloir contre ces faits. Et tout ce qui se passe depuis la guerre, tout ce qui se prépare pour le lendemain de la guerre donne à nos affirmations une force nouvelle. »
Sur les 40 ans qui séparent 1870 de 1910, l’Allemagne s’est hissée au second rang des états marchands du monde, après l’Angleterre. Entre 1896 et 1901, l’Allemagne s’est mutée d’un format de type agraire au type industriel. Au début du XIXe siècle, les villes croissaient avec une rapidité tout américaine, et déjà 45 d’entre elles dépassaient le chiffre de 100 000 âmes pour nourrir les grands groupes industriels tels que Mannesman, Thyssen et Krupp.
« En présence de cette extraordinaire vitalité économique dont fait preuve l’Allemagne assiégée, on se prend à se demander si l’Allemagne vaincue ne va pas, au lendemain de l’inévitable défaite, reprendre méthodiquement sa tentative de conquête économique. Hypothèse troublante entre toutes, puisqu’au premier rang des causes de cette guerre terrible figurent et le désir qu’avait l’industrie allemande de déborder sur le globe et les procédés qu’elle employait pour s’assurer partout des positions dominantes. »
« Jamais ne s’est imposé a nous avec plus d’urgences le devoir de faire notre examen de conscience économique. Si nous nous refusons à rechercher pourquoi nos rivaux nous ont battus, et comment nous pourrons leur résister, c’est en vain que nos fils seront morts sur la Marne et sur l’Yser. »
Partie 1 — La nécessité de l’expansion
Toute la stratégie d’expansion économique de l’Allemagne est basée sur la nécessaire exportation. Comme l’écrit l’auteur, à la politique bismarckienne d’isolement économique, les hommes du « nouveau cours » avaient substitué celle des traités de commerce, la politique de l’expansion. Non seulement, pour reprendre les mots typiques des Allemands, l’Empire passait de l’Agrarstaat à l’Industriestaat ; mais il passait, avec une brusquerie extraordinaire, de l’économie nationale à l’économie mondiale.
Par-delà le descriptif incisif des particularités allemandes, l’auteur tire la sonnette d’alarme auprès des industriels et commerçants français, ainsi qu’au pouvoir politique en place, afin de les réveiller sur la rapidité de la croissance économique allemande. Nous avons rappelé que la formation de l’Allemagne comme nation et comme État économique avait coïncidé avec l’ère de la concentration industrielle. Elle devait donc recevoir fortement l’empreinte des temps nouveaux et ainsi porter l’ADN des nations modernes et industrielles, faisant passer les préoccupations d’exportation comme une nécessité absolue.
Très précis dans son descriptif de la société allemande, il remarque qu’en Allemagne, on a su très tôt faire pénétrer dans des couches très étendues la connaissance des idées scientifiques et des applications pratiques. Cent ans après, on retrouve ce même pragmatisme et cette volonté inamovible d’appliquer un concept à une nouvelle machine, de faire le pont entre l’ouvrier spécialisé et l’ingénieur, de garder présent dans la société les titres de « Doktor » ou « Professor » comme de véritables titres de noblesse. De formation initiale physicienne, ce n’est sans doute pas non plus une surprise que la chancelière Angela Merkel ait été élue chancelière en 2005. On imagine difficilement cette situation en France…
« En Allemagne, le professeur est une puissance. Décoré, titré, Geheimrat, Excellence, il fait partie de l’état-major social, il est un dépositaire de l’autorité impériale. Physicien, chimiste, physiologiste, économiste, géographe, il est l’auxiliaire obligé des services publics et des grandes industries. »
Malheureusement, le respect de la hiérarchie étouffe souvent l’esprit d’initiative et la créativité. C’est pour cela que comparativement, la France possède plus de scientifiques initiateurs de nouveautés techniques, mais c’est souvent l’Allemagne qui prend la relève quand il s’agit de gérer le passage à une industrialisation optimisée et sans faille…
Là encore, l’Allemagne a su trouver un équilibre des deux mondes entre les scientifiques universitaires, et les industriels. Il y a une véritable organisation scientifique du travail et des procédures au sein de chaque usine allemande :
« Si l’on demande à être présenté à l’un des chefs de cette prodigieuse usine, qui trouve-t-on assis dans un cabinet directorial ? Un professeur d’université, un de ces savants illustres que nous ne connaissons en France qu’à travers leur réputation scientifique, et qui ne dédaignent pas ici de consacrer une partie de leur temps — un temps grassement rétribué — à une entreprise industrielle. Il y aurait à en dire autant de la célèbre fabrique d’instruments d’optique d’iéna, née de la collaboration entre un ouvrier mécanicien qui avait suivi les cours des universités, Cari Zeiss, et un savant, le professeur Abbe. Dans son histoire même s’est affirmée l’union de la science et de l’industrie. »
L’industrie allemande se faisait honneur d’accueillir les nouveaux docteurs en chimie fraichement diplômés des universités allemandes, en leur offrant la possibilité de continuer leur recherche dans l’entreprise. En fait, près de la moitié des chercheurs de l’entreprise était affiliée à la poursuite de leur recherche, ce qui faisait que, sur 145 chimistes dans l’entreprise, 70 étaient occupés à des recherches :
« Ces 70 chercheurs, disait le chef d’entreprise, nous coûtent 350 000 francs par an ; les neuf dixièmes ne produisent rien, mais le dernier dixième peut nous trouver de quoi gagner quelques millions chaque année. Si les chimistes allemands n’ont à leur actif que peu de découvertes géniales, il n’est pas de jour où les légions de chimistes employés dans les usines allemandes n’ajoutent une nuance inédite à la gamme des couleurs, n’enrichissent d’un produit nouveau la liste des spécialités pharmaceutiques. »
L’industrie chimique allemande était si bien devenue la dominatrice du monde, que la guerre a failli arrêter, chez les ennemis de l’Allemagne et même chez les neutres, le fonctionnement des industries qui emploient des matières colorantes, des phénols, etc.
L’Allemagne, comme le souligne l’auteur, triomphe dans « l’application persévérante » et le « perfectionnement scientifique des méthodes ».
Un autre exemple incroyable émanant de l’industrie cinématographique :
« Des Français, soucieux de supprimer les incendies si fréquents dans les cinématographes, imaginent de remplacer, dans la fabrication des films, le nitrate par l’acétate de cellulose. Ne trouvant pas à placer leur procédé en France, ils vendent leur brevet à une maison allemande, et maintenant les communes françaises imposent aux entrepreneurs de spectacle l’usage du nouveau procédé. »
Alors que Chaptal est, en 1819 le premier en date des présidents de cette société dans son remarquable ouvrage De l’industrie française, annonçait que l’industrie allait être renouvelée par la science ; et les découvertes de Chevreul lui donnaient raison. Mais de cette tendance, de cette orientation de la science vers les applications pratiques, les Allemands en ont fait un système.
La production allemande tendait chaque jour un peu plus dans une surproduction qui ne devait son salut que dans une volonté de fer d’exporter dans le monde entier une grosse partie des éléments produits. L’Allemagne a organisé la surproduction, et la surproduction à son tour l’oblige à chercher un exutoire dans une exportation chaque jour plus considérable. En 1874, l’Allemagne exportait pour 2,350 millions de marks ; en 1900 ce chiffre avait presque doublé ; en 1913 il dépassait dix milliards. L’Allemagne était suspendue au marché mondial ! Marchant de succès en succès, poussée en avant par la main du pouvoir impérial, l’Allemagne industrielle est prise « d’une sorte de griserie ». Elle a vu la fortune sourire « à ses témérités et à ses audaces », elle a facilement triomphé des crises ; elle a fini par renoncer à toute prévoyance.
Partie 2 — Les principaux facteurs de l’expansion
La lutte économique est une guerre, comme les autres guerres, soumise elle aussi aux règles de Clausewitz. Dans cette guerre, comme dans les autres, il s’agit, par tous les moyens appropriés, d’écraser l’adversaire, de briser sa volonté de résistance, de lui imposer la volonté de l’agresseur. Il existe un Kriegsbrauch im Wirtschaftskriege, et ce code des usages de la guerre économique est particulièrement différent de la morale courante, de celle qui, à l’intérieur du pays, commande les rapports des commerçants entre eux. Couplée à une stratégie de guerre de l’information où l’on proclame régulièrement et de manière continue la supériorité de l’industrie allemande, cette guerre économique est des plus efficace.
Un des éléments prépondérants dans l’accompagnement de la croissance est la très grande disponibilité et efficacité du secteur financier allemand. En témoignent les statuts de certains établissements financiers qui indiquent clairement que le but de la société est l’exploitation des affaires de toutes sortes : banque proprement dite, opérations financières, crédit, émissions, affaires industrielles et immobilières. C’est une véritable boîte à outils qui s’offre aux entreprises en forte croissance.
Au-delà de cette caractéristique déjà prépondérante, il faut noter les avantages de la concentration bancaire, et la naissance de communautés d’intérêts, les « Interessengemeinschaften », qui vont ainsi concentrer dans une même activité des capitaux gigantesques. Grâce à ces alliances, aux filiales, aux commandites, les cinq ou six grandes banques directrices représentent une force énorme. Unies par une sorte de quasi-contrat, formant comme un syndicat tacite, elles peuvent s’élever au-dessus de la pure politique de dividendes, tenir compte des intérêts généraux, nationaux, adopter un plan industriel, diriger le placement des capitaux, les affaires coloniales, d’exportation, de canaux, de navigation, de câbles. Elles peuvent exercer un contrôle de la presse et de l’opinion, prévoir les crises et les atténuer, empêcher les paniques.
L’appétit des banques allemandes pour l’émission de papiers et d’obligations classiques ont également aidé considérablement le développement de l’industrie allemande. Les banques ont ainsi permis l’accroissement des affaires existantes, la transformation des entreprises privées en sociétés anonymes, les fusions de sociétés, par exemple ces combinaisons de forges et de houillères qui ont facilité l’application du procédé Thomas.
« Le commerçant français qui a besoin de crédit n’en obtiendra guère au-delà des garanties réelles — titres ou papier commercial — qu’il aura déposées en banque. Son rival allemand se tournera vers son banquier et lui offrira, en dehors ou à défaut de garanties réelles, des garanties personnelles, ses capacités, ses chances de réussite. Le banquier, avant de s’engager, étudie ce client possible, consulte un technicien sur la valeur de l’affaire, examine les livres du commerçant, se renseigne sur sa clientèle. Si l’enquête est favorable, il lui ouvre un crédit, petit d’abord, quelques milliers de marks. S’il a de l’argent liquide, il donne de l’argent. Sinon, il autorise son client à tirer une traite sur la banque elle-même. Dès qu’il lui a ouvert un crédit, le banquier suit le négociant, s’intéresse à son affaire, devient en réalité son commanditaire. S’il s’aperçoit que le client n’a pas la valeur qu’il lui avait attribuée, il s’en débarrasse. Sinon, il augmente son crédit d’année en année, toujours assuré contre les risques grâce à la production obligatoire de la comptabilité. »
Ce concept de crédit basé sur la performance de sa comptabilité réelle est appelé « Buchforderungskredit » et permet de coller au plus prêt à l’économie réelle, en forçant également la compréhension du banquier dans l’activité industrielle ainsi financée.
Afin de favoriser l’exportation des produits allemands, les banques ont amorcé dès 1884 la création de nombreuses banques d’outre-mer ce qui a considérablement amélioré la situation de la lettre de change allemande. Elles vont chaque fois appliquer une méthodologie précise avec une spécialisation qui deviendra une règle. Les banques choisissent des régions où le commerce allemand a déjà pénétré. Elles intéressent ou elles absorbent les sociétés déjà installées. La Deutsche Bank a donc joué un rôle éminent dans cette histoire de la diffusion des banques allemandes à l’étranger, avec notamment l’Amérique du Sud et une partie de l’Afrique. Mais c’est surtout par le procédé du groupement que les banques agissent puissamment à l’étranger et outre-mer. Leur plus remarquable création en ce genre est la fameuse Banca commerciale italiana, fondée en 1894 à Milan, grâce au concours de la Deutsche Bank, de la Disconto, de la Dresdner, de la Berliner Handelsgesellschaft, de la Schaafhausen. Grâce à une habile composition du conseil d’administration, la Banca commerciale se trouvait dans la dépendance étroite des grandes banques allemandes, et les publicistes italiens ont expliqué comment elle pompait peu à peu toutes les ressources financières, industrielles, commerciales, mêmes politiques du pays. La banque allemande était donc partout, même lorsqu’elle s’intitule « italienne » à Milan, « internationale » à Bruxelles, « anversoise » en Flandre ou « liégeoise » en pays wallon, même lorsqu’elle s’appelle Schweizerischer Bankverein ou Schweizerischer Creditanstalt.
Créer un tissu financier important dans le pays d’exportation est un point primordial pour permettre la mise en relation commerciale entre les deux pays. Un rapport consulaire de 1914 signale d’ailleurs l’absence de banques françaises comme une des causes de la stagnation du commerce à Rio de Janeiro, et ajoute : « Il existe à Rio trois banques allemandes qui soutiennent leurs compatriotes, leur facilitent les affaires et sont une aide précieuse pour le commerce allemand ». Au-delà de l’aspect commercial de ce maillage très dense dans les différents pays cibles, ce réseau constitue un formidable outil de renseignement économique. Forts de cette implantation, les établissements allemands gardent une part minoritaire dans le capital, mais conservent un état-major allemand dans les conseils d’administration. Ceci permet de réduire le capital investi tout en augmentant l’influence sur le tissu commercial du pays.
Cartels et exportation
L’usine allemande étant montée pour la surproduction afin de réduire ses coûts, doit ainsi exporter au maximum la tranche de production qui n’est pas absorbable par son marché intérieur. La surproduction continuant à jouer, cette tranche est destinée à devenir chaque jour plus épaisse. Mais, grâce au cartel, combiné avec la protection douanière, les usines sont maîtresses des prix sur le marché national — du moins dans la mesure où le cartel englobe la grosse majorité des producteurs. En ce cas, elles récupèrent sur le marché intérieur les pertes qu’elles subissent au-dehors. C’est ainsi que les cartels sont amenés à pratiquer cette politique de prix que l’on appelle le dumping, et qui consiste à établir pour le même produit deux prix ou deux échelles de prix : un prix relativement élevé sur le marché intérieur, des prix plus bas, variables suivant les cas, sur les marchés extérieurs. Afin de corriger parfois les excès de différence entre le prix intérieur et le prix à l’export, les cartels versaient des primes aux exportateurs afin d’aider une tranche de production allemande qui pouvait bénéficier à une autre industrie fabricant par exemple un produit fini à partir d’une matière première.
On pouvait avoir un tel étagement entre le producteur de houille, le laminoir de fer, et le fabricant de clous. Ainsi, le dumping à l’export permet de corriger ses propres excès et ce mécanisme transversal de cartels de cartels finissait par constituer l’industrie allemande elle-même. Même les grosses firmes autonomes, souvent membres de plusieurs cartels pour telles ou telles parts de leur production, traitent avec ces groupements, ajoutent à leur formidable puissance. À une guérilla économique se substitue l’action par masses, une véritable stratégie. Ainsi armés, les cartels vont d’abord se servir du dumping, donner comme objectif l’éviction, sur les marchés d’exportation, de la concurrence des autres nations productrices. Comment s’étonner, après cela, que, de 1895 à 1913, l’Allemagne ait presque complètement enlevé aux Américains le marché français des machines-outils et des machines, plus complètement encore les marchés suisse et italien ? Il ne suffit pas à l’exportateur allemand de battre, par le dumping, son concurrent sur un marché tiers. Ses ambitions vont plus loin. Il lui faut, sur ce marché, tuer l’industrie nationale elle-même si elle existe, l’étouffer d’avance si elle veut naître.
C’est ainsi qu’« à la suite de la crise de 1906, les compagnies françaises en étaient arrivées à absorber à elles seules le tiers de l’exportation allemande ». Les prix allemands sur le marché français, après acquittement des droits de douane et des frais de transport, restaient inférieurs aux prix français.
« Pourquoi, au début de la guerre, avons-nous manqué, pour la fabrication de nos explosifs, de produits essentiels comme l’acide phénique ? Parce qu’en temps de paix, dans les adjudications du ministère français de la Guerre, les Allemands offraient toujours des rabais énormes, descendaient au-dessous du prix de revient en France, et par suite emportaient les commandes. Découragés, nos industriels renonçaient à faire les frais d’installations coûteuses de récupération — et voilà comment l’industrie de l’acide phénique avait disparu en France. »
« L’industrie allemande brise ainsi toutes les forces qui peuvent lui faire concurrence, de façon à régner ensuite sur des ruines. Encore une fois, le dumping allemand n’est pas un procédé d’action économique ; c’est, en pleine paix et sous les aspects trompeurs de la paix, une mesure de guerre. »
L’objectif est donc sans cesse d’accroître la capacité de production de l’industrie allemande, et sa faculté d’invasion sur les marchés extérieurs.
Les transports
Cette intervention du bateau à côté de fer et mer nous révèle un autre moyen de pénétration du commerce allemand, le tarif soudé. Il est assez difficile d’être exactement renseigné sur ces tarifs combinés de fer et mer, que les Allemands considèrent comme un des secrets de leur force. Par une seule lettre de voiture, on peut expédier une marchandise de certaines gares allemandes à certaines gares de l’étranger, par un port déterminé, pour un prix unique et très réduit, comprenant le fret terrestre, le fret maritime et les frais de manutention. Il ne s’agit pas de réductions d’un taux uniforme, inversement proportionnelles à la distance. Le taux varie avec les circonstances. I1 s’agit à la fois de favoriser l’exportation des marchandises allemandes et les ports allemands d’exportation.
L’Allemagne a également tenté d’optimiser sa navigation fluviale et la création de ports intérieurs, tout cela en coopération avec le rail. Mais la cohabitation entre le rail et l’eau ne s’est pas fait sans luttes, mais elle a servi l’exportation puisque, pour combattre les canaux, le chemin de fer a constamment abaissé les tarifs des matières pondéreuses. De la guerre entre les deux modes de transport intérieur, Hambourg et Brême ont recueilli les bénéfices sous forme de tarifs différentiels. Et l’industrie allemande n’en a pas moins profité. Nous avons donc bien ici l’exemple d’une nation terrienne qui, par un effort volontaire, est devenue une nation maritime. Les Allemands sont d’ailleurs de grands contributeurs à la flotte maritime commerciale et au développement des lignes transatlantiques.
« De même que l’usine allemande produit en grand, non pour une clientèle donnée, mais pour une clientèle future possible, quitte à rechercher ensuite et à faire naître cette clientèle, de même la marine marchande n’attend pas, pour créer de nouvelles lignes, que le besoin s’en fasse sentir ; elle crée le besoin en s’organisant pour le satisfaire. »
Très tôt, le port de Hambourg, pourtant éloigné de plus de 100 kilomètres de la mer, aura une profondeur portée à 11 mètres. Les Allemands étaient même en train de faire des ports occidentaux, comme de Cherbourg, de simples escales, pour voyageurs en mal de mer, sur la route Hambourg-New York.
La flotte de guerre était surtout, en temps de paix, un moyen de promener, en des croisières fructueuses, le pavillon impérial sur des mers où naissaient des intérêts allemands.
Le rôle de l’État
Dans les autres pays d’Europe, la nation, la société civile a préexisté à l’État. Peu à peu, dans la nation, s’est distingué et développé un organe de centralisation et de commandement ; il a fini par absorber quelques-unes des fonctions que la société civile ne réussissait plus à remplir. Toute autre a été, depuis trois siècles, l’histoire de l’Allemagne. Cette expression géographique ne recouvrait pas une nation, et les Allemagnes, malgré de vagues aspirations, n’arrivaient pas à se condenser dans un État. C’est le seul État brandebourgeois prussien qui s’est imposée lentement à des populations dispersées et dissemblables, qui leur a seule donné l’unité. Elle s’est ensuite, par des procédés analogues, imposée à l’Allemagne entière. Ailleurs c’est la nation qui, par une différenciation organique, a créé l’État ; ici l’État a créé la nation à partir des peuples allemands. La Loi fondamentale écrite par les Allemands en 1990 précisera encore dans son préambule les « Allemands des Länder… » en listant explicitement chaque Land bien distinctement, avant de les regrouper dans le paragraphe suivant sous le chapeau « La présente Loi fondamentale vaut ainsi pour le peuple allemand tout entier. » L’État allemand a bien ici précédé la nation et demeure l’unique contributeur de la création de la nation.
On pourrait même aller plus loin en soulignant que le développement de l’industrie allemande a contribué massivement à la mise en place d’un État fort. Citant un auteur allemand qui écrit « C’est à notre industrie que l’Empire allemand d’aujourd’hui doit en partie sa naissance, en tous cas son maintien. Car c’est elle en première ligne qui réussit à nourrir l’excédent annuel de population ». L’Empire prussien déteint ainsi sur l’ensemble des États allemands, favorisé par sa prédominance industrielle précoce. Industrialisme et impérialisme vont de pair. L’État n’attend pas, pour distribuer du travail aux usines nationales, les périodes de suractivité où elles sont déjà hors d’haleine. Il leur assure le pain des mauvais jours. Consommateur, l’État est aussi un producteur : il exploite lui-même des mines qui lui appartiennent en propre, des mines fiscales. L’État n’est pas seulement un client de l’industrie, il est un véritable industriel.
Les industries d’exportation exigent de l’État une politique douanière efficace afin d’assurer son développement à l’étranger. Cette politique, de 1871 à 1914, a été dominée par un grand fait, l’existence du traité de Francfort.
Au cours des négociations de 1871, Pouyer-Quertier et Favre, alors ministre des Affaires étrangères de la Troisième République, considérèrent comme une victoire d’avoir imposé à Bismarck l’insertion dans le traité de la clause de la nation la plus favorisée. Bismarck aurait voulu redonner vigueur au traité entre la France et le Zollverein, qui expirait à la fin de 1877, et le prolonger jusqu’en 1881. Par l’article 11, nos plénipotentiaires préférèrent rendre perpétuelle la clause de la nation la plus favorisée, en la limitant à six nations, les seules qui se mesuraient alors dans la lice industrielle. Mais quand, en 1879, l’Allemagne entra dans une phase protectionniste, elle se trouva bénéficier à son tour pour son importation en France de toutes les concessions que nous faisions à l’un des Six, sans nous rien accorder en échange.
« Entre les intérêts agrariens et les intérêts industriels, le protectionnisme allemand essaie de tenir la balance, favorisant les uns et les autres, pourvu que ces diverses branches de l’activité nationale servent les plans impériaux de domination universelle. »
Partie 3 — La conquête des débouchés
L’auteur a essayé, dans les parties précédentes, d’analyser et de mesurer les forces qui ont assuré l’expansion économique de l’Allemagne. Il reste maintenant à décrire ces forces en action, à les voir non plus isolées les unes des autres, mais réunies dans une œuvre commune, à étudier leurs modes d’application et les résultats de leur effort.
L’étude systématique des débouchés par le Deutschtum
Aux sombres jours de 1849, lorsque le Hamburger Kolonisationsveirein créait les premières colonies sudbrésiliennes, il croyait résoudre simplement une question sociale d’ordre intérieur, lutter contre le paupérisme. Il ne se doutait pas qu’une véritable société allemande, avec des villages allemands, des écoles allemandes, des journaux allemands, allait naître et prospérer dans les États de Santa-Catarina et de Rio Grande do Sul. Ainsi, dès qu’elle fut en capacité d’exporter, l’Allemagne rencontra dans tous les coins du monde des clientèles toutes prêtes, parlant sa langue, habituées habituées à ses produits, toutes disposées à les vanter autour d’elles, bref des armées de consommateurs et de commis-voyageurs. Ainsi, des géographes de la ligue pangermaniste se livrèrent à une cartographie détaillée des grappes d’Allemands à travers le monde afin de les considérer par défaut comme la première source d’export, et le vecteur de contagion pour les populations environnantes. Des écoles furent mêmes crées afin de réveiller leur fibre nationaliste allemande ! Tandis qu’en France les vaillants fondateurs de notre Alliance française avaient toutes les peines du monde à faire pénétrer dans le cerveau de nos industriels et de nos commerçants cette vérité élémentaire que la diffusion de notre langue est une des conditions essentielles de notre expansion commerciale, en Allemagne les œuvres analogues, Deutscher Schulverein et consorts, devenaient tout de suite très fortes.
Cette restauration de la conscience allemande chez les millions d’Allemands du dehors a eu des conséquences commerciales incalculables. On pouvait même mesurer une corrélation entre le pourcentage d’Allemands présentant dans un pays et la part réalisée dans les produits d’importation ! Et les résultats sont là où se retrouvent les plus grandes communautés expatriées : 1 800 000 Allemands en Russie, 30 000 Allemands aux Pays-Bas, 70 000 Allemands en Belgique, 200 000 Allemands en France dont 50 000 à Paris (chiffres de 1909).
« Nous constatons seulement que sur ces 200 000 personnes un grand nombre devaient nécessairement préférer les produits allemands aux produits français, qu’elles formaient pour les industriels allemands une pépinière de représentants, qu’elles fournissaient aux commis-voyageurs venus d’Allemagne des auxiliaires, des intermédiaires de premier ordre. Les Allemands du dehors étaient d’excellents “indicateurs, sinon rabatteurs d’affaires. Ainsi, grâce aux mesures prises pour fortifier systématiquement chez les émigrés le sentiment du Deutschtum, « la perte » qu’avait subie l’Allemagne du fait de l’émigration se transformait en “une augmentation de puissance et de domination, et ce au point de vue des idées, de la civilisation et aussi au point de vue économique. »
L’Anglais pense empiriquement : c’est au cours de la vie, au contact de la réalité, que par une série d’expériences il acquiert, complète, rectifie, coordonne les notions qui lui sont utiles.
Le Français pense intuitivement : armé des idées qu’a déposées en lui la culture générale, il aperçoit très vite les rapports entre les choses, se contentant parfois des rapports superficiels ; il s’adapte très vite à une situation nouvelle et, par suite, se fie très facilement à cette merveilleuse faculté d’adaptation.
L’Allemand pense méthodiquement : les problèmes pratiques sont pour lui des problèmes scientifiques, à étudier et à résoudre comme tels.
« Étant donné un marché à conquérir, il procède comme l’État-major, comme « l’Académie de guerre » qui étudie une opération stratégique. Climat, productions, régimes politique, social, monétaire et douanier, organisation des transports ; psychologie des habitants, leurs goûts de simplicité ou de luxe, leur amour du solide ou du voyant ; leurs rapports avec leurs fournisseurs actuels et les moyens de supplanter ces fournisseurs, voilà les éléments du problème. Il faut les connaître à fond, les cataloguer, les mettre sur fiches, les comparer aux éléments analogues de problèmes déjà connus avant d’en essayer la solution. Le jour où l’on possédera les données essentielles, on pourra écrire à un négociant de ce pays pour lui faire des offres : on lui écrira dans sa langue, et dans le style commercial auquel ce pays est habitué ; on lui proposera des articles conformes à ses besoins et à ses goûts, on lui demandera le paiement en espèces, en chèques ou en traites, suivant les usages auxquels il a coutume de se plier, pour des dates qui lui sont commodes, comme devra lui être commode la date de livraison des marchandises. »
La première démarche, en Allemagne comme partout ailleurs, est de s’adresser aux agents de l’État et surtout au corps consulaire. L’État s’entoure de conseillers commerciaux analogues à nos conseillers du commerce extérieur. Sur les instances du Bund der Industriellen, il a fondé un bureau pour l’accroissement de l’exportation. Les consuls allemands restent longtemps en place, contrairement à la France. Par exemple à Saint-Pétersbourg, le consulat gérait un budget 20 fois supérieur au consulat français… Ajoutons que tous ces agents s’occupent des intérêts allemands avec un zèle que, chez les agents de n’importe quelle autre puissance, “on traiterait d’indiscret”, comme le souligne l’auteur. Plus directement encore l’Export Bureau de la Deutsche Export Bank s’occupe des affaires de ses clients, leur signale les débouchés, leur indique les opérations à tenter, envoie des voyageurs, organise des expositions. Là encore, la banque est un véritable partenaire actif de ses clients, et une source non négligeable de renseignements à jour pour aider l’industrie allemande dans son expansion.
Au-delà des structures de renseignement étatiques se greffent de nombreuses institutions privées très puissantes vivant de la vente de renseignement économique. La société Schimmelpfeng possédait une collection de fiches admirablement tenue en ce qui concerne notre pays et qui aurait, au cas d’une invasion allemande à Paris ou à Lyon, pu parfaitement renseigner sans retard le commandement allemand sur les forces contributives des notables. Les Allemands ont pu ainsi parfaitement s’adapter aux différents marchés locaux vers lesquels ils exportaient leurs produits, jusqu’à prévoir un financement à crédit totalement adapté au pays, là où les Français appliquaient par défaut les mêmes politiques d’achat à crédit partout dans le monde…
« Une maison allemande, pour la plus petite commande, prendra la peine de m’établir un devis détaillé. De même pour les appareils photographiques. Et si l’acheteur est à la Plata, le devis sera en espagnol, et en pesos ; en russe, et en roubles, si la demande vient de Vladivostok. »
De par la puissance de leur réseau de transport, les Allemands établissaient des devis précis, avec l’ensemble des coûts associés au transport, aux frais de douanes, et assurances… Là où l’acheteur de produits français devaient se lancer dans d’innombrables calculs pour connaître l’ensemble des charges qu’il devait au final acquitter.
L’adaptation du produit aux clients étrangers était également un élément clef du succès des produits allemands à l’export. Au lieu d’imposer un type spécifique aux clients, les Allemands adaptaient leurs produits aux usses et coutumes de chaque pays, grandement aidés par les renseignements collectés en amont du processus de vente : c’était le cas pour les Russes afin de leur fournir des mouchoirs rectangulaires, ou aux Marocains qui voulaient des sucres de petites tailles, que les Français s’acharnaient à tenter de vendre avec des formats européens…
« Quoi que veuille le client, répond un membre de la Chambre de commerce de Paris, ils l’exécutent textuellement sans chercher à en discuter l’opportunité… Nous voulons, le plus souvent, imposer notre choix malgré les usages et les besoins. »
L’auteur conclut son chapitre par la phrase :
« Je vous le dis en vérité : il n’y a nul miracle au fond des succès des commerçants allemands. Étudier la clientèle, s’appliquer à satisfaire, à deviner les désirs de cette clientèle, ce sont là leurs sortilèges. »
La pénétration commerciale
C’est ici qu’entre en scène cet être multiple, omniprésent, insinuant et redoutable : le commis voyageur allemand.
« Deux ouvriers allemands travaillent six mois, avec beaucoup d’habileté, dans une fabrique florentine d’outils de charpentier et forgeron, puis ils disparaissent. Six mois après, l’Allemagne jette à vil prix les mêmes outils sur le marché italien… Les deux ouvriers modèles étaient deux ingénieurs.”
Une autre grosse force de la maison d’exportation, ce sont ses filiales d’outremer : succursales créées de toutes pièces, maisons édifiées par des jeunes gens que la firme avait envoyés là-bas, maisons indigènes que la firme s’est associées ou qu’elle a, par une « fusion », absorbées. Ces filiales lui rendent un triple service : suivant l’expression de M. Vouters, elles « observent, renseignent et vendent ».
On retrouve ici une notion sur laquelle nous avons déjà insisté, la et catalogues. Valeur commerciale du prestige. Propagande, réclame, publicité sont pour les Allemands des éléments essentiels du succès. Commis — voyageurs, représentants, commissionnaires, maisons d’exportation trouvent le terrain préparé par la plus intensive des réclames. Le procédé le plus courant, c’est le prospectus et le catalogue. Prospectus et catalogues en langue du pays, comme les devis et les factures, “avec poids, mesures et prix compris par tous”.
À côté de cette publicité purement commerciale, la presse, “dont ils savent se servir pour exalter leur supériorité et leur degré de civilisation”. Au début des hostilités de la Grande Guerre, on comptait hors d’Europe 168 journaux allemands. Cette presse allemande à l’étranger vante les produits allemands, tantôt en langue allemande — par exemple dans les grosses communautés des Deutsch — Amerikaner — tantôt en langue du pays.
La pénétration industrielle
Les Allemands ont inventé — ou systématiquement employé — un autre moyen encore, plus subtil, plus dangereux, moins visible, plus inaperçu de ceux-là mêmes contre qui il est dirigé : la pénétration industrielle.
Lorsqu’un obstacle se dresse devant l’exportation des produits allemands — barrières douanières, législation sur les marques, distances considérables — et que l’obstacle est décidément trop haut pour que les méthodes habituelles, tarifs différentiels, dumping, etc., permettent de le franchir, l’usine allemande elle-même passe la frontière et va s’installer dans le pays étranger.
L’auteur reprend les concepts cléf traditionnellement employés par les Allemands dans la direction de sociétés : Ils investissement beaucoup plus dans le capital-action qui donne des droits de vote que dans le capital-obligation qui n’en donne aucun, mais qui permet d’avoir des effets de levier sur l’investissement global. De même dans les administrateurs nommés, il suffit que les Allemands se retrouvent en paquet plus gros que les autres pris individuellement, et soient toujours extrêmement rigoureux et disciplinés dans les stratégies de votes, pour emporter très souvent les décisions avec un minimum de capital bloqué. « Les actions allemandes forment une armée disciplinée ; les autres, non. »
« Comme pour les banques filiales, un artifice de comptabilité permet de diminuer le dividende des usines filiales — . Double ou triple avantage : on paie moins d’impôts au fisc local, on se garantit contre un mouvement possible de l’opinion publique qui s’inquiéterait de voir passer à l’étranger les bénéfices d’une industrie dite nationale ; et on peut majorer, proportionnellement, les dividendes de l’usine mère. Peu importe à l’actionnaire allemand de la Società italiana Siemens-Schuckert de Milan de se contenter d’un maigre dividende, si, grâce aux transports d’argent qui se font sous une autre rubrique d’un pays à l’autre, il voit grossir le dividende de ses actions des Siemens-Schuckert Werke de Berlin. »
Une autre source de bénéfices directs, c’est l’exploitation des brevets. Ces innombrables brevets allemands dont nous avons dit l’importance deviennent des articles d’exportation”. Tout auteur d’une invention la lance à l’étranger, partout où la législation locale lui en garantit la propriété. « C’est une des spécialités de l’art de l’ingénieur, écrit un ingénieur, que l’organisation dans tous les pays du monde d’installations industrielles ayant pour objet l’exploitation d’une licence venue d’Allemagne. Beaucoup de millions y rentrent sous forme de redevances à des propriétaires de brevets.
De même dans la chaîne de fabrication, l’Allemagne impose l’utilisation, par chaque intermédiaire, de sous-produits d’origine allemande. Par contrat, l’emploi des matériaux de la maison-mère (ou, si elle ne les fabrique pas elle-même, de maisons amies) est imposé aux filiales ; celles-ci sont tenues de l’imposer à leurs installateurs et même, en pratique, à leurs clients publics ou privés.
« Telle usine Siemens d’Espagne fabrique bien en Espagne « les dynamos, mais les électro-aimants, les fils, etc., viennent de Berlin. Contrairement aux apparences, l’usine exportée devient un instrument d’exportation. »
« Pourquoi tant d’usines allemandes de matières colorantes ou de produits pharmaceutiques en France ? Parce que nos douanes taxent les produits fabriqués d’un droit proportionnellement supérieur à celui des matières premières et des produits semi-ouvrés. »
« Pourquoi tant d’usines de construction mécanique en Italie — ? Parce que les machines paient des droits très supérieurs aux pièces détachées. La grande maison allemande envoie ses pièces à la filiale ; celle-ci ne devra fabriquer que celles de ces pièces qui, en raison du métal dont elles sont faites, paient des taxes plus élevées. Pour le reste, son rôle industriel se réduit à un travail de montage. »
Plus facilement encore que les usines d’Allemagne, les usines allemandes du dehors, masquées en usines françaises, participent aux adjudications publiques de l’État, et découragent les producteurs locaux. C’est un moyen élégant de conquérir des marchés locaux, privés comme publics, sous le prétexte que l’usine de fabrication du produit fini est « en France ».
Conclusion
Lévy-Bruhl, art. cité : « L’essor extraordinaire de l’industrie allemande comportait pour ses voisins, et pour le monde, plutôt un danger de guerre qu’une garantie de paix. Il n’y a pas là de paradoxe… »
« La patrie de Gramme n’a rien à envier à celle de Siemens, et l’on a maintes fois démontré que le triomphe de l’organisation allemande avait coïncidé avec une baisse en Allemagne de l’esprit vraiment créateur. N’éteignons pas la flamme divine. »
« En France, le côté esthétique des choses est partout en évidence : dans les décors des rues, dans la nature des monuments publics, dans les devantures de magasins, dans les vêtements des gens, dans la disposition des fleurs, etc. Beauté aussi bien dans l’insignifiant que dans l’important ! Le chef a ses inspirations comme le musicien ; les créations de la modiste sont aussi sérieuses que celles du sculpteur ; l’ébéniste a autant de respect pour les meubles anciens que l’architecte pour les monuments historiques. Chacun est considéré artiste, même dans les moindres détails de son métier. »
« Si l’on s’inspire de cette politique, non seulement la France retrouvera la place à laquelle lui donnent droit sa position sur trois mers, les richesses de son sol, les qualités de ses habitants, son histoire, mais nous aurons rendus à chaque nation, aux petites comme aux grandes, le moyen de développer librement les ressources qu’elles tiennent de la nature et de leur génie. »
Sources de l’ouvrage consultables en ligne :
https://ia800205.us.archive.org/2/items/lesmthodesalle00hausuoft/lesmthodesalle00hausuoft.pdf
https://www.forgottenbooks.com/de/readbook/LesMethodesAllemandesdExpansionEconomique_10373364#6
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