Ce pays de 27 millions d'habitants parmi les plus pauvres au monde avec près de 55% de la population vivant sous le seuil de pauvreté, déchiré par la guerre, subit actuellement une crise sanitaire sans précédant avec plus de 200.000 cas de choléra et près de 2.000 morts liés à la maladie (données AFP du 22 juin 2017). Dans un article du Comité International de la Croix-Rouge datant du 18 Juillet 2017, les chiffres deviennent même beaucoup plus alarmant: plus de 330.000 personnes sont suspectées d'avoir contracté la maladie et plus de 1.700 personnes en sont mortes. «L'épidémie fait environ 7 000 nouveaux cas chaque jour», a déclaré le 10 juillet 2017 Robert Mardini, directeur régional du CICR pour le Proche et Moyen-Orient.
Une nouvelle mise à jour sur le site internet de SKY NEWS fait état le 26 août 2017 de près de 2.000 morts liées au choléra et une épidémie atteignant désormais près d'un demi-million de personnes.
Nous vous proposons de vous présenter ce pays dans le contexte de la géopolitique du Moyen-Orient.
Yémen: un pays ou la France brille par son silence politique et diplomatique...
Un peu d'histoire...
Pays situé à la pointe sud-ouest de la péninsule d'Arabie, il a comme frontière l'Arabie Saoudite et Oman. D'un point de vue maritime, il fait face à Djibouti en possédant la rive Est du Golf d'Aden, passage obligé pour atteindre plus au nord le canal de Suez. Malgré une étymologie liée à la notion de prospérité, le pays a du mal à porter son surnom "d’Arabie heureuse". C'est un pays avec une structure tribale très forte, dont la capitale est Sanaa.
Sanaa, située à 2000 m d'altitude, avec les montagnes de Mocha en arrière plan |
L’actuelle nation yéménite est née en 1990 de la réunion de la République démocratique et populaire du Yémen (Yémen du Sud) et de la République arabe du Yémen (Yémen du Nord). Cette réunion pas si âgée n'est toujours pas la garantie d'une stabilité entre la population majoritaire sunnite et la minorité chiite massée près de la frontière saoudo-yéménite, principalement dans les montagnes de l'Ouest du pays. Ces chiites sont presque tous d’obédience zaydites, c'est-à-dire qu'ils vénèrent jusqu'au 5ième Imam.
En 1994 se produit une première guerre civile ou le Yémen du Sud a tenté de faire sécession avant de rapidement retomber sous le contrôle de Sanaa.
Dans le nord du pays, dans le gouvernorat de Saada, à la frontière avec l'Arabie Saoudite, les chiites zaydites entrent en conflit avec le pouvoir central de Sanaa. Le Yémen est majoritairement sunnite, mais compte une forte minorité chiite : 40% de la population. Ces derniers estiment être mis à l'écart de la vie politique et économique du pays. S'en suivent des manifestations et des heurts avec le pouvoir central qui dénonce une rébellion. La police tue des dizaines de contestataires et en arrête des centaines.
En 2004 entre en conflit une nouvelle fois les chiites houthites avec le pouvoir sunnite de Sanaa. Leur fief, le gouvernorat de Saada se trouve au nord du pays, à la frontière avec l'Arabie Saoudite. Cette dénomination issue du nom du fondateur du mouvement Hussein Badr al-Houthi, tué par les forces gouvernementales en septembre 2004. Depuis cette date, le mouvement est repris par le frère du fondateur, Abdel Malek al-Houti.
Abdel Malek al-Houti - Source: Reuters |
"Dieu est grand
Mort aux Etats-Unis
Mort à Israël
Malédictions sur les juifs
Victoire pour l'Islam"
Malgré le fait que le président Saleh soit également chiite, les houthistes se battent pour plus d'autonomie et contre le pouvoir central de Sanaa qu'ils trouvent inféodé à l'Arabie Saoudite et aux Etats Unis. Ce conflit n'est donc pas totalement confessionnel mais encré dans une logique tribale et de politique régionale.
Le Printemps arabe yéménite débute en Janvier 2011 ou les milices houthistes rejoignent les manifestations contre le président Saleh localisées à Sanaa, qui tente d'établir des accords de transitions avec les manifestants.
Malgré les annonces du président Ali Abdallah Saleh concernant l'organisation anticipée d'élections et une révision de la Constitution, les manifestations ne faiblissent pas et se terminent souvent par une répression sanglante. Il faut l'intervention des Etats-Unis et des pays du Golfe pour négocier le départ du président Saleh.
Ce dernier accepte de céder le pouvoir dans le cadre d'un accord de transition. En février 2012, le vice-président Abd-Rabbo Mansour Hadi prend la tête du pays puis remporte les élections organisées dans la foulée. Seul candidat en lice, il remporte 99,8% des suffrages, pour un mandat transitoire de 2 ans. A part cela, le président Mansour Hadi est un personnage relativement faible et sans appareil politique.
En janvier 2014, l'instance chargée du dialogue national préconise de transformer le pays en Etat fédéral composé de six provinces. Le projet prévoit que le gouvernorat de Saada, fief des rebelles chiites, soit intégré à un territoire plus vaste au sud, la province de Azal. Mais les Houthistes refusent: ils demandaient une région qui leur soit propre avec un accès à la Mer Rouge.
Dès l'été 2014, les rebelles reprennent leur offensive et étendent leur influence vers le sud. En septembre, ils entrent dans la capitale Sanaa. Débordé en septembre 2014 par le mouvement chiite houthiste, venu de l'extrême nord du pays, et par certains éléments de l'armée (la capitale Sanaa tombe le 21 Septembre 2014), il est contraint à la démission en janvier 2015, après que les rebelles aient assiégé le palais présidentiel. En mars, ils contrôlent Taëz, plus au sud. La troisième ville du pays. Dans un premier temps, le président Hadi fuit à Aden qui devient de facto la capitale temporaire du Yémen, et finit par quitter le pays pour se réfugier en Arabie Saoudite en mars 2015.
Pour réussir cette étonnante progressions, les houthistes se sont alliés à l'ex-président Saleh qui gardait dans ses partisans une partie de l'armée; c'est une alliance entre anciens ennemis destinée à déstabiliser le président Hadi.
Pendant cette période, Al Qaïda dans la Péninsule Arabique (AQPA) profite du chaos pour étendre son influence territoriale dans le pays. AQPA est née en 2009 de la fusion des branches saoudienne et yéménites d'Al Qaïda.
Au mépris de la souveraineté de son propre pays, le président Mansour Hadi appelle à une intervention militaire étrangère des monarchies sunnites du Golfe afin de contrer les milices houthistes baptisées Ansarullah ("les partisans de Dieu").
Ansarullah est soupçonné d’être directement soutenu par l'Iran. L’implication iranienne est cependant probablement surestimée. Téhéran n’a a priori ni sponsorisé, ni même soutenu financièrement les houthistes la plupart du temps.
Le 26 mars 2015, face à cette situation insoutenable de son point de vue, l'Arabie Saoudite entreprend son premier raid aérien à la tête de la coalition. Son but est de rétablir le président Hadi sunnite, et reconnu par la communauté internationale.
Le 6 août 2016, l’envoyé spécial du secrétaire général des Nations unies, Ismaïl Ould Cheikh Ahmed a annoncé la fin du cycle de pourparlers de paix sur le Yémen. Ces négociations avaient débuté le 21 avril 2016, après deux premières sessions en Suisse. Malgré la longueur de ce troisième round et la grande variété des questions et des propositions avancées par les délégations, aucun accord n’a été conclu.
Ces trois dernières années, un grand nombre de fonctionnaires de rang moyen, militaires ou civils, qui s’étaient engagés à améliorer les conditions de vie déplorables de la population, ont été menacés et beaucoup ont été assassinés. Qui est derrière ces assassinats ? Ceux qui veulent voir le pays sombrer encore plus dans l’anarchie, le chaos et l’agitation. Cela inclut Al-Qaida et l’OEI, mais aussi Saleh dont la politique, depuis qu’il a été obligé de renoncer à la présidence en 2012 a été « après moi le déluge ».
Et il a démontré, malheureusement avec succès, que sans lui le pays s’effondrerait.
La carte montre bien le partage entre la population majoritairement sunnite et détenant actuellement tout le pouvoir politique du pays, avec la présidence d'Ali Abdallah Saleh de 1977 à 2012 puis avec le président Abd Rabbo Mansour Hadi.
Ne faisant pas partie officiellement des Pays du Golf, le Yémen n'appartient pas au Conseil de Coopération du Golf. C'est d'ailleurs une des raisons qui a du faciliter la création d'une coalition pan-arabique regroupant l'Arabie Saoudite, l'Egypte, le Soudan, le Qatar, Bahreïn, Koweït, la Jordanie et les Emirats Arabes Unis et le Maroc. A partir de mars 2015, cette coalition dirigée par l'Arabie Saoudite (et probablement soutenue en arrière plan par les Etats Unis) lancent de nombreuses frappes aériennes contre les positions rebelles chiites houthis. Si de nombreux spécialistes occidentaux estiment que le Yémen paye finalement une guerre froide fratricide entre l'Arabie Saoudite sunnite supportant le gouvernement yéménite, et l'Iran chiite armant les milices houthistes, il ne faut pas négliger au delà de cette vision religieuse les intérêts géopolitiques des grandes puissances occidentales.
De plus, si l'Arabie Saoudite laisse faire la rébellion chiite des houthistes, il y a un danger que cette dernière prenne le contrôle du détroit de Bad el Manded, point de passage obligé pour tous les pétroliers souhaitant remonter la Mer Rouge. Avec le détroit d'Ormuz, l'Iran contrôlerait donc directement ou indirectement les deux passages stratégiques de cette route maritime empruntées par 50% du trafic mondial des pétroliers.
Le conflit actuel a eu pour conséquence un effondrement de l’économie locale. Alors que le pays était un petit exportateur de pétrole, dont provenaient 65% des ressources de l’Etat, celui-ci ne peut plus compter sur les revenus du pétrole, la production ayant été suspendue en raison de la dégradation de la situation sécuritaire. Le transfert de la banque centrale de Sanaa à Aden, à l’initiative du président Hadi, a fragilisé davantage la situation économique du pays.
Le Yémen occupe une position géostratégique forte. C'est un pays charnière, qui, si le port d'Aden se développe, pourrait jouer un rôle majeur dans le trafic maritime entre Canal de Suez/Mer Rouge d'une part, Afrique, Golfe persique et Océan Indien d'autre part.
La proximité de Djibouti, où la présence de la France est forte et les ressortissants yéménites nombreux, milite pour une intégration régionale de la coopération française et la prise en compte de son environnement le plus proche. La coopération franco-yéménite paraît ainsi complémentaire de la présence française à Djibouti.
Enfin, le Yémen est le seul pays de la péninsule arabique qui n'ait pas fait de ses relations avec les États-Unis la clef de voûte de sa diplomatie. Une présence française croissante au Yémen favoriserait ainsi un rééquilibrage des influences occidentales dans la région
Le Yémen compte environ 200 tribus réparties sur tout son territoire et qui représente une partie essentielle de son organisation. Le pays est donc piloté à la fois par la charia et la loi tribale: cette organisation clanique islamo-tribale est essentielle à appréhender pour comprendre les courants qui animent le pays. Comme venant surcharger cette loi, les zones contrôlées par AQPA n'hésitent pas à pratiquer la lapidation des femmes soupçonnées d'adultère.
La protection des mineurs est totalement inexistante, et le mariage des fillettes est encore répandu. En février 2009, le parlement a adopté une loi fixant l'âge minimum du mariage à 17 ans, mais, selon les organisations locales de défense des droits des femmes, elle a été rejetée par la Commission de codification de la charia islamique au motif qu'elle était contraire à l'islam.
Selon le centre international de recherche sur les femmes (International Centre for Research on Women, ICRW), basé à Washington DC, un peu moins de la moitié des filles yéménites, 48 pour cent pour être exact, sont mariées avant l'âge de 18 ans. Aux termes de la Convention des Nations unies sur les droits de l'enfant, elles sont considérées comme mineures.
D'après une étude inédite sur le mariage précoce menée en 2007 par le Centre de recherche et d'étude de l'université de Sanaa sur la situation des femmes, jusqu'à la moitié des filles de moins de 15 ans sont mariées dans certains gouvernorats.
Les mauvaises conditions d’hygiène dans lesquelles vit actuellement la population yéménite sont à l’origine de la réapparition de nouvelles épidémies (choléra et poliomyélite notamment). L’ONU et ses agences humanitaires tentent d’aider. Mais selon leurs propres chiffres, il ne touchent que 11,6 millions de personnes, alors que 21,2 millions sont dans le besoin.
http://www.securitycouncilreport.org/atf/cf/%7B65BFCF9B-6D27-4E9C-8CD3-CF6E4FF96FF9%7D/s_2015_125.pdf
http://www.mondialisation.ca/le-yemen-catastrophe-humanitaire-et-destruction-du-patrimoine-mondial/5488538
En 2009 ce conflit prend une dimension internationale avec l'entrée en jeu de l'Arabie Saoudite qui souhaite stabiliser sa frontière avec le Yémen. L'Arabie Saoudite redoute également l'émergence d'un mouvement chiite pro-iranien à la porte de sa frontière sud.
Le président Ali Abdullah Saleh et Nicolas Sarkozy le 12 Octobre 2010 à Paris |
Malgré les annonces du président Ali Abdallah Saleh concernant l'organisation anticipée d'élections et une révision de la Constitution, les manifestations ne faiblissent pas et se terminent souvent par une répression sanglante. Il faut l'intervention des Etats-Unis et des pays du Golfe pour négocier le départ du président Saleh.
Ce dernier accepte de céder le pouvoir dans le cadre d'un accord de transition. En février 2012, le vice-président Abd-Rabbo Mansour Hadi prend la tête du pays puis remporte les élections organisées dans la foulée. Seul candidat en lice, il remporte 99,8% des suffrages, pour un mandat transitoire de 2 ans. A part cela, le président Mansour Hadi est un personnage relativement faible et sans appareil politique.
En janvier 2014, l'instance chargée du dialogue national préconise de transformer le pays en Etat fédéral composé de six provinces. Le projet prévoit que le gouvernorat de Saada, fief des rebelles chiites, soit intégré à un territoire plus vaste au sud, la province de Azal. Mais les Houthistes refusent: ils demandaient une région qui leur soit propre avec un accès à la Mer Rouge.
Les 7 provinces du Yémen avec le gouvernerat de Saada faisant partie intégrante de la province de Azal - Source: Le dessous des cartes (2016) |
Pour réussir cette étonnante progressions, les houthistes se sont alliés à l'ex-président Saleh qui gardait dans ses partisans une partie de l'armée; c'est une alliance entre anciens ennemis destinée à déstabiliser le président Hadi.
Le président Abd-Rabbo Mansour Hadi |
Au mépris de la souveraineté de son propre pays, le président Mansour Hadi appelle à une intervention militaire étrangère des monarchies sunnites du Golfe afin de contrer les milices houthistes baptisées Ansarullah ("les partisans de Dieu").
Ansarullah est soupçonné d’être directement soutenu par l'Iran. L’implication iranienne est cependant probablement surestimée. Téhéran n’a a priori ni sponsorisé, ni même soutenu financièrement les houthistes la plupart du temps.
Le 26 mars 2015, face à cette situation insoutenable de son point de vue, l'Arabie Saoudite entreprend son premier raid aérien à la tête de la coalition. Son but est de rétablir le président Hadi sunnite, et reconnu par la communauté internationale.
Le 6 août 2016, l’envoyé spécial du secrétaire général des Nations unies, Ismaïl Ould Cheikh Ahmed a annoncé la fin du cycle de pourparlers de paix sur le Yémen. Ces négociations avaient débuté le 21 avril 2016, après deux premières sessions en Suisse. Malgré la longueur de ce troisième round et la grande variété des questions et des propositions avancées par les délégations, aucun accord n’a été conclu.
Ces trois dernières années, un grand nombre de fonctionnaires de rang moyen, militaires ou civils, qui s’étaient engagés à améliorer les conditions de vie déplorables de la population, ont été menacés et beaucoup ont été assassinés. Qui est derrière ces assassinats ? Ceux qui veulent voir le pays sombrer encore plus dans l’anarchie, le chaos et l’agitation. Cela inclut Al-Qaida et l’OEI, mais aussi Saleh dont la politique, depuis qu’il a été obligé de renoncer à la présidence en 2012 a été « après moi le déluge ».
Et il a démontré, malheureusement avec succès, que sans lui le pays s’effondrerait.
Contexte géopolitique et religieux
La carte montre bien le partage entre la population majoritairement sunnite et détenant actuellement tout le pouvoir politique du pays, avec la présidence d'Ali Abdallah Saleh de 1977 à 2012 puis avec le président Abd Rabbo Mansour Hadi.
Carte du Moyen-Orient représentant les populations majoritairement sunnite et chiite |
De plus, si l'Arabie Saoudite laisse faire la rébellion chiite des houthistes, il y a un danger que cette dernière prenne le contrôle du détroit de Bad el Manded, point de passage obligé pour tous les pétroliers souhaitant remonter la Mer Rouge. Avec le détroit d'Ormuz, l'Iran contrôlerait donc directement ou indirectement les deux passages stratégiques de cette route maritime empruntées par 50% du trafic mondial des pétroliers.
Le conflit actuel a eu pour conséquence un effondrement de l’économie locale. Alors que le pays était un petit exportateur de pétrole, dont provenaient 65% des ressources de l’Etat, celui-ci ne peut plus compter sur les revenus du pétrole, la production ayant été suspendue en raison de la dégradation de la situation sécuritaire. Le transfert de la banque centrale de Sanaa à Aden, à l’initiative du président Hadi, a fragilisé davantage la situation économique du pays.
Le Yémen occupe une position géostratégique forte. C'est un pays charnière, qui, si le port d'Aden se développe, pourrait jouer un rôle majeur dans le trafic maritime entre Canal de Suez/Mer Rouge d'une part, Afrique, Golfe persique et Océan Indien d'autre part.
La proximité de Djibouti, où la présence de la France est forte et les ressortissants yéménites nombreux, milite pour une intégration régionale de la coopération française et la prise en compte de son environnement le plus proche. La coopération franco-yéménite paraît ainsi complémentaire de la présence française à Djibouti.
Enfin, le Yémen est le seul pays de la péninsule arabique qui n'ait pas fait de ses relations avec les États-Unis la clef de voûte de sa diplomatie. Une présence française croissante au Yémen favoriserait ainsi un rééquilibrage des influences occidentales dans la région
Le Yémen est une république islamiste ou la charia domine la vie politique
Le Yémen compte environ 200 tribus réparties sur tout son territoire et qui représente une partie essentielle de son organisation. Le pays est donc piloté à la fois par la charia et la loi tribale: cette organisation clanique islamo-tribale est essentielle à appréhender pour comprendre les courants qui animent le pays. Comme venant surcharger cette loi, les zones contrôlées par AQPA n'hésitent pas à pratiquer la lapidation des femmes soupçonnées d'adultère.
La protection des mineurs est totalement inexistante, et le mariage des fillettes est encore répandu. En février 2009, le parlement a adopté une loi fixant l'âge minimum du mariage à 17 ans, mais, selon les organisations locales de défense des droits des femmes, elle a été rejetée par la Commission de codification de la charia islamique au motif qu'elle était contraire à l'islam.
Selon le centre international de recherche sur les femmes (International Centre for Research on Women, ICRW), basé à Washington DC, un peu moins de la moitié des filles yéménites, 48 pour cent pour être exact, sont mariées avant l'âge de 18 ans. Aux termes de la Convention des Nations unies sur les droits de l'enfant, elles sont considérées comme mineures.
D'après une étude inédite sur le mariage précoce menée en 2007 par le Centre de recherche et d'étude de l'université de Sanaa sur la situation des femmes, jusqu'à la moitié des filles de moins de 15 ans sont mariées dans certains gouvernorats.
Crise sanitaire avec l'épidémie de choléra et la famine: quelle positionnement diplomatique pour la France?
Les mauvaises conditions d’hygiène dans lesquelles vit actuellement la population yéménite sont à l’origine de la réapparition de nouvelles épidémies (choléra et poliomyélite notamment). L’ONU et ses agences humanitaires tentent d’aider. Mais selon leurs propres chiffres, il ne touchent que 11,6 millions de personnes, alors que 21,2 millions sont dans le besoin.
Le coût prohibitif du transport des marchandises par bateau et par route est un obstacle supplémentaire. Dans ce contexte, l’annonce d’une famine imminente n’est pas surprenante. La pénurie d’eau est encore plus grande que celle de nourriture, le diesel étant essentiel pour une grande partie du pompage de l’eau.
En plus des combats, les risques d’assassinat et d’enlèvement restent très élevés. Al Qaïda dans la Péninsule Arabique (AQPA) est largement implanté dans le pays. L’organisation dit cibler particulièrement les Français et recourt régulièrement à l’assassinat ou à l’enlèvement. Ainsi, plus de deux cents étrangers ont été enlevés durant les quinze dernières années et une dizaine sont encore détenus.
L'aggravation de la crise sanitaire au Yémen coïncide avec l'arrivée d'Emmanuel Macron à l'Elysée. L'attitude qu'il adoptera vis-à-vis de la coalition menée par l'Arabie saoudite sera un test de sa diplomatie. La France va-t-elle enfin réagir, ou va-t-elle se laisser emporter par la mécanique de soumission de notre politique étrangère à nos ventes d'armes, notamment à l'Arabie Saoudite?
Conclusion
Dans ce conflit aux multiples acteurs, la France comme le Royaume-Uni soutiennent la coalition arabe qui ne respecte aucunement le droit humanitaire. Elle est responsable de la majeure partie des bombardements, ainsi que du siège responsable de la hausse spectaculaire de la malnutrition, notamment des enfants (500.000 enfants en état de malnutrition sévère).
D'un point de vue géopolitique, l'Arabie Saoudite n'a aucune envie de voir sa frontière Sud avec le Yémen devenir instable à cause de la minorité chiite soutenue par l'Iran. L'Arabie Saoudite se retrouve dans une position d'impunité politique face aux pays occidentaux, pour qui le pays représente un des plus gros clients actuels dans le monde en ce qui concerne l'achat d'armes. Parmi les principaux fournisseurs d'armes de l'Arabie Saoudite, nous retrouvons les Etats Unis et la Grande Bretagne. C'est finalement une guerre du pays arabe le plus riche de la péninsule arabique, vers le pays arabe le plus pauvre, le Yémen.
Source: Stockholm International Research Institute (Février 2016) |
En conséquence de quoi, sous prétexte du clivage sunnite-chiite, le Yémen se retrouve le théâtre d'un conflit désastreux affrontant Arabie Saoudite et Iran sur le plan de l'idéologie religieuse, mais entretenu indirectement par des intérêts occidentaux, tant au niveau des grands clients acheteurs d'armement qu'au niveau énergétique.
La France a ici un rôle important à jouer dans ce conflit, n'ayant pas l'Arabie Saoudite comme principal client de ses ventes d'armes. Néanmoins, le prince héritier d'Arabie Saoudite, Mohammed Ben Salman, fils du roi Salman qui l'a désigné comme son successeur le 21 juin 2017, est d'un caractère plus belligérant et fougueux que son vieux père malade.
La diplomatie française devra faire tout son possible pour réduire la dangerosité de ce conflit dans une région du monde particulièrement sensible en ce moment.
Sources
http://www.mondialisation.ca/le-yemen-catastrophe-humanitaire-et-destruction-du-patrimoine-mondial/5488538
Livre : Etat du monde arabe (Mathieu Guidère) – 2015
C'est tellement compliqué entre les différentes factions que cela aurait nécessité un graphique: entre les chiites zaydites, les chiites houthites, Sanaa, Saada...
RépondreSupprimerLe président Saleh est-il avec les sunnites de Sanaa ? Mais alors pourquoi est-il chiite ?
Par ailleurs, adepte du ménagement des clients potentiels, Jean-Yves Le Drian étant toujours dans le gouvernement (maintenant aux affaires étrangères), il est fort à parier que la politique de ventes d'armes de la France ne change pas.
Une bonne émission à (ré)écouter: https://www.franceinter.fr/emissions/la-marche-de-l-histoire/la-marche-de-l-histoire-21-decembre-2016
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