Nombre total de pages vues

mardi 28 septembre 2021

Fiche de lecture - Viktor Kravchenko - J'ai choisi la liberté - 1946

Viktor Kravchenko est historiquement l’un des premiers gros transfuges de l’URSS. Ancien apparatchik du pouvoir soviétique, l’auteur fuit la dictature stalinienne en 1944 alors qu’il se trouvait temporairement détaché à Washington pour le compte de son gouvernement.

En février 1946, il publie un ouvrage autobiographique retentissant de 800 pages nommé « I chose Freedom » qui se vendra très rapidement à plus de deux millions d’exemplaires aux États-Unis. En France, l’ouvrage sortira en 1947 sous le titre traduit littéralement « J’ai choisi la liberté » et sera à l’origine d’un procès en diffamation intenté par Kravchenko deux années plus tard contre la revue communiste Les lettres françaises

L’ouvrage de Kravchenko bénéficiera de 22 traductions dans le monde.

Ce document, unique en son genre, est un véritable témoignage des exactions du régime soviétique, et il engendre dans une France où le Parti communiste est puissant, une réaction épidermique. Une terrible guerre de l’information s’opère alors, entre propagande et intoxication politiques.

Cet ouvrage fera l’objet dans la France de 1949 d’un procès retentissant dont nous rappellerons les faits dans un article dédié. Nous analyserons les mécanismes de désinformation, de manipulation et de propagande propres à cette époque tout juste sortie de la Seconde Guerre mondiale, et pas encore tout à fait entrée dans la Guerre froide. Cette période d’après-guerre si politiquement clivante offre un terreau d’étude particulièrement riche qu’il nous est nécessaire de garder à l’esprit, car l’histoire a souvent la fâcheuse tendance à se rappeler à nous ! 



Le lundi 3 avril 1944, ce fonctionnaire, membre de la Commission d’achat soviétique de Washington, donne un interview au journal Le New York Times qui publiera le lendemain, un article dont le nom annonçait la « Démission d’un fonctionnaire soviétique. » Avant de venir aux États unis où il est arrivé quelques mois auparavant, il dirigeait un grand consortium industriel à Moscou et avait été au préalable attaché en qualité de chef de la section des munitions, du Soviet des commissaires du peuple de la République socialiste soviétique fédérée de Russie, et membre du Parti communiste russe depuis 1929. 

Ce livre retrace donc son parcours unique et sa fuite vers le monde libre. Cet article propose donc de donner aux lecteurs une fiche de lecture détaillée de son contenu et des clés de décodage des mécanismes de propagande utilisée par le stalinisme.

Sa genèse politique en Ukraine, entre Dnipropetrovsk et Kharkov


Souvent harassé par le poids sur ses épaules lié à sa responsabilité en tant que haut fonctionnaire soviétique, Viktor Andreïevitch Kravchenko redoute toute faute professionnelle qui serait l’objet d’une sanction ultime immédiate. Néanmoins, sa situation financièrement privilégiée le met mal à l’aise face à l’extrême pauvreté des paysans soviétiques. L’évasion du système soviétique est présentée dès le début comme un objectif à terme.
« L’évasion, je le savais, était pour moi le seul moyen d’expier toutes les horreurs dont je me sentais coupable, en tant que membre des classes dirigeantes de mon pays. »
Il a été élevé dès l’âge de 5 ans par son grand-père, qui s’était battu pendant la guerre russo-turque de 1878 et avait pris sa retraite comme sous-officier après de longues années de service. Une fois son père sorti de prison, il retourna vers l’âge de 9 ans au sein de sa famille et la révolution de 1917 renversa le Tsar en place pour le remplacer par une situation chaotique où des forces contraires agissaient pour la prise de pouvoir.

Il résume d’ailleurs la situation politique du pays à cette belle citation :
« Un slogan quelconque, si séduisant soit-il, ne permet jamais de prévoir ce que sera la véritable politique d’un parti après son accession au pouvoir. »
Une fois la révolution de 1917 entamée, l’auteur parle pour la première fois de la police secrète soviétique, la Tchéka, toute récente et déjà redoutée par l’ensemble de la population… Après la grande disette de 1921, la guerre civile était à peu près terminée, et les Soviets possédaient maintenant un pouvoir que personne ne songeait à leur disputer. Conjointement à la famine, le typhus épidémique s’installera et fera des millions de morts en Russie et en Ukraine. La Révolution avait pour le moment un goût bien amer pour la population ! On raconte même dans les pires moments de la famine des cas où des paysans mangeaient même leurs morts. Ce détail sordide de cannibalisme est mentionné plusieurs fois dans l’ouvrage.

À 17 ans, il décide de devenir mineur. Une fois dans la mine il fait une rencontre intellectuelle du nom de Lazarev, qui le repère immédiatement dans le flot d’ouvriers prolétaires incultes. Il réussit même à le convaincre d’entrer au Parti communiste soviétique et le voit monter dans cette élite soviétique des dirigeants du système. Kravchenko fait dorénavant partie du komsomol, nom courant de l’organisation de la jeunesse communiste du Parti communiste de l’Union soviétique, fondé en 1918 qui disparut à la chute de l’URSS en 1991.

La mort de Lénine survient le 21 janvier 1924. L’émotion et le chagrin qu’elle déclencha en Union soviétique furent aussi sincères que profonds. Quelques jours après le décès de Lénine, on put lire dans les journaux locaux le texte du serment, prémonitoire de sa future politique, prononcé par Joseph Staline devant le cercueil de Lénine, au milieu de la place Rouge à Moscou :
« Il n’est pas vrai que nous ne pouvons être séduits que par ce qui est beau et gai. Le tragique et le laid peuvent également s’emparer de notre imagination et de nos sens. »
Au moment où le héros, auteur du livre, décide de s’inscrire au Parti communiste de l’Union soviétique, il échange longuement avec son père ancien révolutionnaire ayant combattu les forces du tsar, qui lui donne un seul conseil :
« Ne juge pas de l’utilité de ton rôle en fonction des emplois que tu rempliras, mais en fonction des conditions d’existence de ces gens du peuple. Demande-toi toujours si grâce à toi, ils vivent mieux plus heureux et plus libres. Si tu te trouves un jour en contact véritable avec les masses, viens-leur en aide et je t’en serai à jamais reconnaissant. Ne vis pas de slogan et juge les politiciens sur leurs actes et non sur leurs belles phrases. »
L’auteur devient membre du Parti communiste soviétique en 1929. Petit à petit, une série de procès mélodramatiques commencent à se multiplier en Union soviétique. Kravchenko fait mention du procès de Chakhty, tenu du 18 mai au 15 juillet 1928, qui fut le premier grand procès-spectacle truqué en Union soviétique, depuis le procès des socialistes révolutionnaires en 1922. La police secrète arrêta un groupe d’ingénieurs dans la ville de Chakhty, près de Rostov-sur-le-Don, les accusant de conspirer avec les anciens propriétaires des mines de charbon afin de saboter l’économie soviétique. Ce fut la première accusation de sabotage contre les « ennemis de classe » en Union soviétique. Cette accusation de conspirationnisme allait devenir la marque de fabrique des Grandes Purges staliniennes des années 1930.

Élève brillant, l’auteur est choisi par le Parti pour reprendre ses études et devenir ingénieur. Il explique sur plusieurs chapitres sa nouvelle vie d’étudiant puis son retour à Kharkov. Ayant été repéré par les instances du Parti, Kravchenko devient pupille de l’État et bénéficie d’une petite bourse lui permettant d’étudier et d’améliorer sa formation intellectuelle initiale. Comme toutes les familles paysannes, il subit les nouvelles méthodes de collectivisation des terres opérée par le Parti communiste qui ne fournissent malheureusement pas les résultats escomptés initialement. De nombreuses famines avaient lieu dans les campagnes et l’on déplorait de nombreux morts tout au long des années qui suivirent les premières collectivisations. Les mauvais résultats de la planification bolchevik étaient de plus en plus difficiles à cacher à la population générale, mais les autorités sévissaient pour tenter d’éradiquer tout commentaire hostile à cette politique.
« De temps à autre, on procédait, parmi les étudiants, à l’arrestation de propagateurs de rumeurs. Les autorités déployaient plus d’énergie encore pour contrôler l’attitude politique des étudiants que pour diriger leurs études proprement dites. »
Un maillage très dense de surveillance était réalisé au sein de l’université et des institutions politiques. Une division spéciale entretenait des agents secrets dans tous les services de l’institut et jusque dans les cellules du Parti communiste. Il y avait ainsi des espions qui espionnaient les espions et tout cela formait un inextricable réseau de filet aux mailles enchevêtrées qui se déployaient toujours plus loin et qui engendraient une terreur amplement motivée et sciemment entretenue par le pouvoir du Kremlin. La pyramide des surveillances amoncelée s’élevait jusqu’au sommet c’est-à-dire jusqu’au comité central du Parti communiste à Moscou, et jusqu’au Politburo dirigé par Staline.

L’auteur décrit même page 112 une anecdote concernant un professeur de mécanique de l’université qui n’était pas membre du Parti communiste et qui devenait de facto suspicieux aux yeux des dirigeants. Le gouvernement alla jusqu’à enquêter sur le professeur en envoyant un espion devenir l’amant de sa femme.
« Au sein du parti, il avait un nom, ce mécanisme secret de surveillance et de délation qui supprimait à tout jamais le vieux mur de la vie privée : on l’appelait la démocratie. »
À la suite d’un audit dans une usine en Ukraine, l’auteur est invité à présenter son rapport à Moscou auprès du commissaire politique. Il rencontre à cette occasion Nicolas Boukharine. On le remercie pour toutes ses critiques constructives sur l’organisation de la construction de cette usine et on le notifie pour la première fois qu’il sera probablement amené à voyager à l’étranger et notamment aux États-Unis.
Il sera envoyé une nouvelle fois en mission dans un village afin d’organiser la collectivisation des terres. À la session de janvier 1933 du comité central du Parti communiste, Staline annonça que la collectivisation de la culture venait d’être victorieusement terminée alors qu’au même moment, Kravchenko découvre avec horreur la déportation des paysans qui refusaient la collectivisation de leurs terres et de leur ferme.
« Les autorités supérieures de Moscou étaient enfin tombées d’accord pour fournir aux masses angoissées une explication du phénomène, et la consolation officielle, exposée par de hauts fonctionnaires dans les meetings régionaux, transmise par des fonctionnaires de moindre importance dans les meetings locaux, fut apportée jusqu’aux plus humbles cellules du Parti par des commis voyageurs, agitateurs spécialistes. »
Après la victoire d’Hitler en Allemagne en 1933, l’explication officielle du coup de force nazi fut assez mal accueillie par l’ensemble des communistes. Un obscur malaise commençait même à s’étendre dans les rangs des fidèles du Parti. Ainsi préparait-on le terrain pour la grande purge du Parti qui allait éliminer tous les inquiets, tous les tièdes, et tous ceux qui étaient las de tant de souffrances et de tant de sang versé… d’ailleurs, toutes les publications qui allaient à l’encontre du parti étaient dénommées systématiquement « rumeurs antisoviétiques » et sanctionnées par l’emprisonnement et les travaux forcés dans l’Extrême-Orient russe. 

Non sans rappeler les terribles lignes de l’écrivain russe Varlam Chalamov avec ses récits sur la Kolyma, Kravchenko partage avec le lecteur de nombreuses pages sur les camps de travaux forcés dans le froid polaire de Sibérie orientale.

La famine en Ukraine était tellement aiguë que les pauvres paysans n’avaient plus rien à manger, ni pain, ni viande, ni poisson. Parfois il mangeait quelques pommes de terre cuites dans l’eau ; certains étaient même rendus à manger les écorces des arbres, une fois que les chiens, les chats, les rats avaient tous été dévorés dans les villages. Certains mangeaient même le fumier de cheval, qui contenait quelques graines non digérées… L’auteur découvre petit à petit que la police politique, la Guépéou, cette toute puissante organisation était au fond le véritable gouvernement parallèle de l’Union soviétique.
« De plus c’était le même gouvernement qui achetait le grain et vendait les chaussures ; dans les deux cas, c’était lui qui fixait les prix, et il avait soin de le faire au mieux de ses propres intérêts. La population se trouvait donc soumise à un régime d’exploitation multiple dont la police secrète et les bureaucrates du parti n’avaient aucun scrupule à accroître encore les rigueurs inhumaines. »
Arrive un chapitre que l’auteur nomme « ma première purge ». 

Cette période représente pour lui, après une analyse rétrospective, l’époque certaine à laquelle remonte sa véritable rupture intellectuelle avec le Parti communiste. Des centaines de commissions de purge étaient alors mises en place par le pouvoir stalinien sur l’ensemble du territoire. Aucun communiste n’était informé à l’avance des charges qui avaient été retenues contre lui, et l’incertitude dans laquelle il demeurait plongé jusqu’au bout, n’était pas l’élément le moins angoissant du drame. En définitive, chaque accusé se préparait à toutes les surprises possibles puis on passait en revue son propre passé en se demandant avec terreur d’où pouvait venir le danger et par quel ami intime la dénonciation avait pu été initiée…
« La presse et la radio donnaient des extraits de ces débats innombrables et spectaculaires que l’on groupait froidement sous l’étiquette habituelle : la démocratie du Parti ! »
Les procès duraient une bonne partie de la soirée tout au long de la semaine et on pouvait être exclu du parti pour des causes aussi anodines qu’une signature trotskiste réalisée vingt ans auparavant à la fin d’un article, ou bien un mariage religieux, ou encore des sympathies lointaines pour des personnes déviationnistes. L’exclusion du parti impliquait une solitude quasi immédiate et de nombreuses personnes se suicidaient ou finissaient en dépression, malades, seules socialement. La mort sociale impliquait la mort physique.

Lors de cette théâtralisation de procès politique, les personnes dans l’assistance répétaient d’ailleurs l’incompatibilité entre nationalisme et communisme. On peut donc être condamné aussi facilement dès que l’on émet une cause nationaliste ou que l’on parle ukrainien en Ukraine ! Au début de 1934, à Moscou, on dénombre un total de 200 000 expulsions du Parti ! 

L’auteur s’éprend d’une jeune femme mariée nommée Eliéna. Il découvre après plusieurs mois qu’elle se livrait à l’espionnage sous couvert d’une activité quelconque et qu’elle était un agent de la Guépéou. Son histoire malheureuse inclut l’arrestation de son mari qui n’avait rien fait et qui avait été déporté dans un goulag de Sibérie. Elle avait donc été obligée par la police politique de devenir un agent du renseignement bolchevik à la solde de la Guépéou. C’est souvent la méthode appliquée par défaut pour ainsi créer un maillage de délateurs toujours plus dense, travaillant pour la Guépéou, et pénétrant chaque famille, chaque village, chaque immeuble !

Kirov, les grandes purges staliniennes et la naissance du NKVD


L’assassinat de Kirov en décembre 1934 fut une nouvelle raison pour Staline de procéder à de vastes purges dans tout le pays. La machine à propagande fonctionnait plus activement que jamais et les assassinats sommaires se succédaient partout. L’âme russe ne pouvait que subir une dictature toujours plus terrible et totalitaire.
« Affaiblis par vingt années de guerre, de révolutions, de privations et de persécutions systématiques, abrutis de slogans politiques, égarés par les mensonges qu’on leur prodiguait sans arrêt, et complètement privés de tout contact avec les autres nations, les Russes ne pouvaient rien faire d’autre que souffrir et se taire. Mais il importe de noter qu’ils n’approuvèrent jamais les méthodes terroristes de leurs gouvernants. »
L’auteur se retrouve une nouvelle fois présenté devant un comité pour évaluer sa carte du parti et évaluer son potentiel déviationnisme. Cette nouvelle épreuve, contrairement à la précédente, n’est plus rendue publique, mais la confrontation se fait totalement en privé au sein des bureaux de la Police politique. Néanmoins, Kravchenko put repartir sans avoir été vraiment inquiété de cet interrogatoire.

Grâce à ses compétences personnelles et à ses nombreuses années passées à l’université d’État, Kravchenko devient finalement ingénieur après avoir brillamment présenté son projet industriel devant une commission d’évaluation. Il fut rapidement affecté aux nouveaux combinats métallurgiques ukrainiens de Nikopol, qui devaient commencer à fonctionner en avril 1935. Il est intéressant de noter que l’auteur mentionne son nouveau salaire et ses avantages en nature : il était payé environ 10 fois le salaire minimum d’une femme de ménage et il avait comme avantages une grande maison de 5 pièces, un jardin, des domestiques, ainsi qu’une voiture et deux chevaux. Il faisait partie d’une dizaine de privilégiés au sein de cette structure industrielle. Son salaire était d’environ 2000 roubles par mois.
En 1934, la Guépéou est rebaptisée : ce n’était plus un département politique d’État, mais un commissariat aux affaires intérieures, soit en abrégé NKVD. Il existe un passage étrange dans l’ouvrage où l’auteur explique la visite de sa mère à l’usine et sa surprenante volonté de faire un audit complet des installations, de la cafétéria de l’usine, ainsi que du niveau sanitaire dans lequel vivent les ouvriers. Elle remonte l’intégralité de ses observations auprès de son fils et lui demande immédiatement d’agir afin d’améliorer la qualité de vie des ouvriers. Kravchenko explique également la visite d’ingénieurs américains et allemands au sein de l’usine afin qu’ils puissent installer leurs machines importées en Russie. Il explique les manœuvres du NKVD qui envoyait des interprètes, souvent représentées par de jeunes femmes fort charmantes, occuper les ingénieurs étrangers. Tout cela permettait de prendre des photographies des ébats ainsi provoqués et permettre d’éviter à ces hommes de critiquer le régime soviétique une fois rentrés dans leur mère patrie !

Invention du Stakhanovisme


En septembre 1935 un miracle se produisit dans la région houillère du bassin de Donetsk. Un ouvrier mineur nommé Stakhanov avait réussi à extraire à lui tout seul en six heures, 102 tonnes de charbon d’un seul coup, c’est-à-dire 14 fois plus que la production ordinaire d’un ouvrier normal. Il s’agissait là d’un miracle plutôt profane et passablement suspect. Pour tout ingénieur, la fraude sautait bien entendu aux yeux : Stakhanov avait certainement profité de conditions de travail exceptionnelles et on lui avait sûrement donné des outils spéciaux et des facilités de toutes sortes pour qu’il puisse établir ce record sans précédent.

C’était un miracle fabriqué sur commande pour complaire au Kremlin et lui permettre de lancer sa nouvelle religion, celle de la célérité. Tous les points de cette religion nouvelle étaient ainsi réunis, les incrédules étaient voués au diable de l’excommunication dans les goulags, et on se chargerait de les présenter à lui sans plus attendre ! Quant aux techniciens qui oseraient formuler des objections pratiques à l’encontre de cette merveille du labeur humain, ce ne pouvait être que des défaitistes et des ennemis du stakhanovisme. 

Ce nouveau type de propagande permettait de remonter significativement les objectifs pour chaque mineur et ainsi forcer une cadence bien supérieure à ce qui était initialement établi comme une moyenne à simplement obtenir. Les ingénieurs devaient ainsi former de nouvelles équipes stakhanovistes qui serviraient à stimuler les traînards et les lambins. Tous ceux qui refusaient de suivre cet objectif étaient traités de saboteurs et leur jugement n’attendait pas longtemps. Sur toute l’étendue de l’immense territoire soviétique, la vague accélératrice stakhanoviste déferla dans l’habituelle atmosphère de terreur et d’exactions. Des meetings étaient organisés régulièrement afin de définir les slogans du jour et insister sur la meilleure manière qu’il soit pour accepter les nouvelles normes et rendements en vigueur.

L’auteur décrit une nouvelle visite de son père qui vint à l’usine réaliser le même audit opéré dans un chapitre antérieur par sa mère. On peut sérieusement douter de cette narration et de la réalité qui l’entoure, tant la chose semble construite comme une conscience extérieure venant lui expliciter des informations qu’il connaissait déjà, mais se refusait à admettre. Ainsi, son vieux père, ancien révolutionnaire ayant souhaité l’abolition impérialiste, devient une sorte de conscience morale extérieure à lui-même. 


L’ouvrage décrit également la super purge de la fin d’année 1936 et l’arrestation des vieux bolcheviks historiques du cercle restreint léniniste, à savoir Zinoviev et Kamenev. Au total, la purge ravagea l’Union soviétique en faisant une dizaine de millions de victimes dont on ne parla jamais et dont le sort fut très vite réglé par le peloton d’exécution, la déportation ou les travaux forcés.
« C’est alors, en novembre 1936, tandis que la vague de sang déferlait sur le pays entier, que la presse [...], au milieu des hurlements d’angoisse qui retentissaient de toutes parts, annonçait officiellement l’adoption de la nouvelle constitution, la plus “démocratique du monde”. »
Vint maintenant le tour de Kravchenko d’être purgé en novembre 1936. Il passe devant une nouvelle commission, genre de tribunal des Soviets, et subit de nombreuses attaques, y compris celle bien rodée par les bolcheviks, de saboteur. Finalement, le comité propose de nommer une commission qui enquêtera en détail sur ces accusations et devant laquelle le camarade Kravchenko sera enjoint à faire la preuve de tout ce qu’il avance pour sa défense. Après des accusations graves portées à l’encontre du passé de son père soi-disant menchevik, également soupçonné de sabotage pour avoir acheté du matériel coûteux pour l’usine qu’il dirigeait, Kravchenko réussit à présenter des preuves de son innocence. Il retrouve finalement sa carte du Parti. Néanmoins le NKVD lui inflige un blâme qui devait ternir son passé, et les disparitions étranges des personnes jugées coupables se multiplient, quand les exécutions politiques ne deviennent pas officielles :
« l’assassinat officiel du malheureux Golubenko avait donc une signification particulièrement grave : c’était un acte de guerre commis par Staline, qui n’hésitait pas à verser autant de sang qu’il le fallait pour conquérir définitivement un pouvoir illimité. »
« Let fonctionnaires soviétiques, tant qu’ils ne sont pas arrêtés, sont consciencieusement protégés, car c’est le NKVD qui a le monopole de l’assassinat en ce qui les concerne, et le NKVD ne tolère aucune concurrence sur ce point. »
Kravchenko tente de rencontrer son réseau à Kharkov et Moscou afin de trouver une aide quelconque suffisamment haut placée pour l’assister dans sa bataille avec le NKVD. Malheureusement, il ne trouve personne pour l’aider dans sa situation. Il revient après plusieurs jours dans sa maison qu’il trouve fermer à clé. Il venait d’apprendre qu’il avait perdu son poste, sa maison, et l’intégralité de ses avantages...

Pendant presque un an, Kravchenko rapporte des faits de torture psychologique au sein du bureau du NKVD. Chaque nuit il était convoqué entre 23 h et minuit pour un interrogatoire qui pouvait durer jusqu’au petit matin, tout cela dans le but ultime de lui faire signer des aveux de sabotage ou de dénoncer d’autres collègues pour des faits toujours aussi inventés. Cette stratégie de proche en proche permettait ainsi de construire par récurrence, de nouvelles preuves à charge inventées de toutes pièces par la police secrète pour accuser de nouvelles personnes.

Politiquement, le 12 décembre 1937 était la date à laquelle la population russe a exercé triomphalement le droit qu’on lui avait donné de choisir au scrutin secret les membres du Soviet suprême. Les bolcheviks appelaient cela des élections démocratiques ! À la commission de contrôle de Moscou, Kravchenko est totalement blanchi de son blâme initialement voté par le NKVD et le Comité urbain de Nikopol. Une fois lavé temporairement des soupçons qu’on avait fait porter sur lui, il rencontre Lazare Kaganovitch pour un nouveau poste afin de quitter définitivement Nikopol.
Kravchenko est muté dans la ville de Taganrog dans la province de Rostov. Malheureusement pour lui, cette nouvelle expérience professionnelle fut de très courte durée et le comité central du Parti communiste décida de l’envoyer dans l’Oural à la tête d’une des plus grosses usines de l’URSS. Il dut bien sûr accepter malgré le fait que cet endroit détestable se trouvait à plus de 2500 km de sa ville natale ukrainienne. Là encore, il y découvre un endoctrinement généralisé du pouvoir, touchant jusqu’au plus bas sa pyramide répressive :
« Je remarquai que le garde, qui se mit au garde-à-vous au moment où nous entrâmes, lisait une livraison de « l’histoire du Parti » qui paraissait régulièrement dans la Pravda, et je me souviens de l’étonnement que j’éprouvai à voir cet homme, qui vivait dans l’atroce odeur du stalinisme pratique, en étudier si consciencieusement la théorie. »
À partir de 1937, Staline entreprend la rédaction d’une « Nouvelle histoire du Parti » communiste. Ce document extraordinaire révise, sans l’ombre d’explications, un demi-siècle d’histoire russe. On faisait délibérément table rase de l’histoire proprement dite. On falsifiait la majeure partie des événements historiques et on en créait de nouveaux de toute pièce. Cet ouvrage était rempli d’un tel cynisme qu’il racontait une réalité burlesque sur la base d’aveux spontanés des saboteurs et la propagande d’État transpirait à chacune des pages. Staline finit par faire brûler l’ensemble des ouvrages historiques, déporta l’ensemble de l’intelligence qui connaissait l’histoire véritable et commença des conférences forcées afin d’éduquer les gens qui restaient libres de cette nouvelle doxa du parti. La boucle était bouclée. Kravchenko fut même forcé de faire une conférence sur une période de cette nouvelle histoire à des membres du parti. Dans cette théâtralisation de l’histoire, il était conscient de ne dire que des mensonges, et son auditoire ne faisait qu’applaudir un discours qu’ils connaissaient tous comme étant un tissu de mensonges… 

Afin de compléter le mécanisme de propagande, le parti fournissait une description des pays étrangers capitalistes qui décrivait des actes récurrents de violence envers le prolétariat. Des articles également issus de la presse étrangère étaient lus et montraient combien les pays de l’ouest méprisaient le peuple russe et son parti prolétarien. Issu de la propagande, ces articles faisaient forte impression en Russie : on les tenait pour authentique, précis, et irréfutables. 

Un livret de travail avait même été établi pour les ouvriers afin de définir avec précision leur passé au travail. Ainsi pour tout ouvrier qui souhaitait quitter son usine afin de trouver une meilleure opportunité ailleurs, il devait porter avec lui l’intégralité du poids de son passé et des réprimandes, des retards, des mauvaises actions politiques qu’il avait pu effectuer avec son ancien employeur. Il devenait ainsi impossible à un ouvrier qui souhaitait quitter son usine de trouver un autre emploi ailleurs où qu’il puisse aller dans le pays.

Une nouvelle mission pour Kravchenko se dessine juste avant le début de la Seconde Guerre mondiale. Il est nommé directeur d’une usine métallurgique en Sibérie afin de garantir sa construction et sa mise en production future. Malgré cette promotion, l’auteur fait toujours face aux sollicitudes nocturnes du NKVD, et certains agents « provocateurs » continuent de faire office dans des discussions politiques où ils tentèrent d’emmener Kravchenko dans la confession d’opinions fallacieuses.

Dans ce nouvel épisode de sa vie, lors de la construction de cette usine en Sibérie près de Novossibirsk, Kravchenko apprend que d’anciens directeurs de l’usine avaient été arrêtés pour conspiration. Ils avaient été condamnés pour avoir organisé une imprimerie clandestine, et distribué des tracts antistaliniens. Cette histoire avait été entièrement inventée et l’imprimerie clandestine avait mêm été construite par le NKVD elle-même dans le seul et unique but de créer des preuves conspirationnistes, et d’arrêter les personnes impliquées dans l’affaire !

L’heure de la guerre


Les prémices de la guerre commençaient à se faire connaître. Des incidents réguliers existaient à la frontière entre la Russie et le Japon et les accords de Munich n’avaient que trop brièvement calmé la situation. La connaissance du pacte germano-soviétique signé entre Hitler et Staline le 23 août 1939 fit l’effet d’une bombe auprès de la majorité des communistes. En effet pour chaque communiste, les nazis n’avaient théoriquement comme seul ennemi véritable que le régime soviétique.
« Lorsque je lisais ou j’écoutais la propagande antihitlérienne, je ne pouvais m’empêcher de me demander à part moi en quoi ce qu’on nous racontait différait de nos atrocités soviétiques ; pourtant je me refusais à accueillir la nouvelle d’un pacte qui laissait à Hitler toute liberté de faire la guerre à la Pologne et au reste de l’Europe. »
Les communistes avaient sans cesse écouté de la part des dirigeants soviétiques que le fascisme était le stade ultime du capitalisme et qu’il représentait tout simplement son stade final et son ultime agonie. Il fallut toute la force de la propagande soviétique pour réduire à néant tous les éléments antifascistes qui existaient dans la société de l’URSS. On en vint à interdire la littérature antifasciste et à réhabiliter l’Allemagne nazie pour ne se concentrer que sur les capitalismes de France, d’Angleterre et des États-Unis ! La plus légère critique à l’adresse de l’Allemagne, le moindre mot de sympathie pour les victimes de Hitler, était considéré comme une nouvelle manifestation de l’esprit contre-révolutionnaire. 
« Les fauteurs de guerre français, anglais et norvégien, nous déclarait-on, n’avaient que ce qu’ils méritaient et la propagande soviétique initialement antifasciste se transforma au profit d’une propagande antiimpérialiste uniquement dirigée contre les Anglais et les Américains. […] ce ne fut qu’après la défaite de la France que des doutes s’élevèrent à cet égard et que l’effort de guerre fut repris et intensifié chez nous. »
« Toute organisation soviétique est un repère d’inimitiés personnelles, de cliques rivales, de jalousies féroces. Il est presque inévitable qu’il en soit ainsi dans une atmosphère où le savoir-faire politique et l’influence constituent des facteurs décisifs de succès. »
Kravchenko est inquiété une troisième fois par le NKVD, et inculpé par le Commissariat aux métaux ferreux. Il est traduit devant un tribunal du peuple sous l’inculpation de malversations. Les juges condamnèrent l’accusé à deux ans de prison en lui accordant toutefois le droit de faire appel dans les 7 jours. Après plusieurs mois de procédure en appel, l’accusé a sa peine commuée à une année de travail obligatoire à effectuer dans l’entreprise qui l’employait.

À la déclaration de la guerre, l’auteur de l’ouvrage sert comme capitaine dans l’Armée rouge. 
Le 22 juin 1941, l’Allemagne bombarde l’Union soviétique dans la plus grande surprise et panique de ses dirigeants totalement sous le choc et la surprise. Malgré un certain nombre d’informations fournies par les pays de l’ouest, personne en Russie n’avait cru possible une trahison de Hitler, car les pays communistes, Staline et ses collaborateurs ne croyaient en rien à une attaque nazie sur le territoire russe : c’était comme s’ils étaient intoxiqués par leur propre propagande. Les citoyens soviétiques d’origine allemande, et aussi lointaine que fut cette origine furent alors presque tous arrêtés ; toute la population de la République allemande de la Volga qui comptait presque 500 000 hommes furent chassés de la région malgré le fait qu’ils résidaient là depuis l’époque de la grande Catherine de Russie. Ils furent dispersés en Sibérie et au Kazakhstan. Puis vint le tour des Polonais et des Baltes...

Rapidement après l’entrée en guerre de l’Allemagne sur le territoire soviétique, les autorités de Staline décidèrent de réquisitionner l’ensemble des postes de radio afin de garantir un unique vecteur de propagande officielle. Elle ne passait désormais que par les haut-parleurs des rues. L’auteur souligne que Staline n’a en rien profité des 22 mois qu’à duré le pacte germano-soviétique, et l’annexion de la Russie par Hitler pour se préparer à la guerre. Aucun plan de préparation ni de repli n’avait été envisagé par Staline. Le fait même de penser que l’Armée rouge pouvait potentiellement reculer face à l’ennemi était considéré comme vision antirévolutionnaire et révisionniste, et était condamné comme tel. C’était une politique perpétuelle de déni. Aucune politique de préparation et d’anticipation n’avait même été envisagée. Tout avait été pensé suivant des scénarii de guerre offensive, on n’avait jamais émis la possibilité d’une guerre défensive sur le territoire russe.

Staline avait par son impréparation réussi à donner à Hitler un nombre incroyable d’usines métallurgiques en Ukraine et en Russie blanche. Les Allemands étaient en effet particulièrement informés des positions géographiques de chaque usine bolchevik équipées en matériel allemand.
« Si nous avions été en guerre un pays démocratique aux sentiments humains et élevés, qui nous eût apporté le radieux présent de notre liberté et de notre indépendance souveraine au sein d’une famille de nations libres, les choses se fussent passées tout autrement. Mais les Russes n’avaient à choisir qu’entre deux tyrannies : celle de leur propre gouvernement et celle de l’étranger. S’ils ont préféré leurs chaînes nationales, les dictateurs soviétiques n’ont pas le droit d’en être partiellement fiers. »
« Méprisant profondément la vie humaine les chefs soviétiques opposaient sans remords la chair russe au métal allemand, le sang russe à l’essence allemande. »
« Le chiffre effroyable des pertes soviétiques a été cité un million de fois comme preuve de notre héroïsme ; il convient qu’il soit cité aussi une fois, comme preuve des erreurs commises par le Kremlin et de sa férocité. »
Les événements mêmes qui auraient dû parler en faveur de la liberté méritée par les Russes étaient présentés de manière à justifier le despotisme soviétique. Staline avait presque aussi bien réussi à s’emparer des esprits en Amérique qu’en Russie même. Si l’Union soviétique, au cours des vingt années qui viennent, réussit à devenir à moitié seulement aussi parfaite que le croient maintenant ses admirateurs américains, elle constituera la réussite socialiste la plus complète que le monde n’ait jamais connue.

L’ouvrage se poursuit par son expérience à Moscou en tant que haut fonctionnaire de l’État soviétique. Il entre dans le sacro-saint Kremlin pour devenir un commissaire du peuple membre du Sovnarkom. Il était nanti de la carte rouge du Parti au texte imprimé en or, vrai talisman et symbole de puissance. 
Il est désormais à seulement deux échelons du Grand Maître !
« Sous une dictature, l’équilibre est assuré par un aimable compromis entre le pouvoir illimité et la terreur abjecte ».
« Il y a, au fond de toute nation, un élément inaltérable, éternel, invisible. C’est grâce à lui que Stalingrad fut sauvée, grâce à lui que notre pays survécut à la saignée et aux effrayants désastres qu’il eut à subir. Karl Marx et Staline n’y furent absolument pour rien ».
Toute l’industrie soviétique était orientée vers l’effort de guerre, mais les nombreux matériels envoyés en crédit-bail par les États-Unis étaient d’une aide majeure pour soutenir le front Ouest contre les nazis. Les villes perdues par les Soviétiques devaient souvent en catastrophe déplacer à la fois les populations et les camps de travaux forcés, qui avaient une véritable valeur économique.  Néanmoins, quand tout retrait était impossible, on n’hésitait alors pas à abattre froidement les prisonniers d’un camp pour éviter qu’ils ne tombent aux mains de l’ennemi. 

C’est en janvier 1943 que l’éventualité d’un déplacement aux États-Unis est envisagée, mais Kravchenko n’aura finalement son visa que 6 mois plus tard…
« Ce déshabillage périodique et total du citoyen soviétique, cette mise à nu de ce qu’il peut y avoir de plus intime dans sa vie, cette intrusion dans le domaine de ces opinions politiques avait acquis, d’année en année, une importance symbolique. Il s’agissait d’humilier l’individu au maximum et de le réduire à néant pour la plus grande gloire de la collectivité. »
Il apprit enfin que Anastase Mikoyan, membre du Politburo, vice-président du Conseil des Commissaires du Peuple, membre du comité de Défense de l’État, Commissaire du Peuple au commerce extérieur, avait signé de sa propre main une autorisation permettant à Kravchenko d’être le représentant de la Russie Soviétique à l’étranger. 

Finalement le départ est confirmé et un long périple ferroviaire le conduit à Vladivostok par le transsibérien, puis un bateau emmène une vingtaine de fonctionnaires vers la ville canadienne de Vancouver. L’arrivée à Vancouver se fait après 19 jours de traversée et les premiers jours là-bas sont ponctués de surprises en découvrant le capitalisme canadien, ses magasins de chemises et d’autres de chaussures, tous remplis à profusion ! Et à des prix très raisonnables compte tenu du salaire des vendeurs qui y affairaient… Kravchenko faisait toujours l’objet d’une constante surveillance à la Commission où il travaillait, et même ses choix de lectures à la bibliothèque permettaient de vérifier s’il gardait encore la foi dans le Parti et les actions de Staline. Chacune de ses relations américaines était alors analysée et tout cela contribuait à étoffer son dossier de surveillance. 

Kravchenko se trouvait cependant particulièrement gêné quand les Américains le remerciaient chaudement en tant qu’allié puissant combattant le monstre hitlérien. Malheureusement les Américains confondaient le sacrifice du peuple russe avec le terrible génie bolchevik de Staline, sa bureaucratie pléthorique et sa police politique dictatoriale.
 « Les événements mêmes qui auraient dû parler en faveur de la liberté méritée par les Russes étaient présentés de manière à justifier le pire despotisme soviétique.  Je m’aperçus avec stupeur que Staline avait presque aussi bien réussi à s’emparer des esprits en Amérique qu’en Russie même. »
« Si l’Union soviétique, au cours des vingt années qui viennent, réussit à devenir à moitié seulement aussi parfaite que le croient maintenant ses admirateurs américains, elle constituera la réussite socialiste la plus complète que l’histoire mondiale ait jamais connue. »
Kravchenko est extrêmement surpris de ce sentiment prorusse très complaisant envers Staline et sa mission première de rendre compte de l’atroce réalité totalitaire ne sera sans doute pas chose aisée dans une Amérique de 1943.

Conclusion


Le 4 avril 1944, il publie une déclaration reprise par le New York Times au moment où les États-Unis sont au pire de leur affection pour leur fidèle allié Staline… il souligne l’essentielle différence entre le peuple russe qui s’est sacrifié pour la victoire contre le fascisme et son gouvernement soviétique totalitaire ne le remerciant que par des camps de prisonniers et une police politique omnipotente. 

Le Führerprinzip est le même en Russie Soviétique qu’en Allemagne nazie : un chef totalitaire aux pouvoirs absolus. Dès le 5 avril, la presse communiste américaine attaque Kravchenko de manière extrêmement violente et utilise les instruments classiques de dénigrement.

La fin de l’ouvrage publié aux États-Unis s’écrit en février 1946, et le procès de Kravchenko débute en France le 24 janvier 1949 sur la base de la version publiée en France en 1947. Ce procès retentissant fera l’objet d’un second article sur la propagande bolchevik et la force de son Internationale communiste. Des mécanismes classiques de contre-offensives informationnelles seront utilisés avec largesse, et le soutien de nombreux écrivains français communistes en sera la pierre angulaire.



1 commentaire:

  1. Ce commentaire a été supprimé par un administrateur du blog.

    RépondreSupprimer