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lundi 5 juin 2017

Les préconisations pour une meilleure gestion de la dette

Dans notre article précédant, décrivant la problématique de la dette en France, nous avons vu que la dette publique de Maastricht atteignait à la fin du premier trimestre 2016 2137,6 Md€.

Une série de préconisations peuvent être faites pour améliorer la situation de la dette française. Nous en décrivons les principales propositions dans cet article.




Proposition 1: Réduire le déficit public à zéro


Il est important de dégager un excédent pour au moins payer les intérêts de la dette, et ainsi contribuer à une première inflexion de la dette.


Proposition 2: Améliorer la gestion des risques financiers de la dette


2.1 - Centraliser la gestion des risques financiers au sein de l'AFT.

Transférer à l'Agence France Trésor la gestion des risques financiers (exemples : risque pétrole du ministère de la défense, comme prévu à l'article 39 du projet de loi de finances pour 2006, examen du risque de change encouru par le budget des affaires étrangères


2.2 - Améliorer la gestion active au moyen de produits de couverture adapté, notamment sur le risque de taux à long terme

Depuis 2001, l’AFT gère la durée de vie moyenne de la dette. L’impératif de liquidité valable pour chaque souche émise, la demande croissante d’investisseurs à horizon très long, et le contrôle du risque de refinancement conduisent assez naturellement à une durée moyenne de la dette relativement longue. Dans une situation normale caractérisée par une courbe des taux nettement ascendante, donc des taux longs plus élevés et des taux courts plus faibles, mais plus volatils, réduire cette durée moyenne doit permettre de diminuer en moyenne, sur longue période, la charge d’intérêt, toutes choses égales par ailleurs. En contrepartie, la variabilité de cette charge est accrue.

En s’assignant un objectif de réduction de la durée de vie moyenne du stock de dette, il s’agit de trouver un compromis entre une charge d’intérêts moindre et une plus grande variabilité de celle-ci. Une telle réduction doit être mise en oeuvre progressivement, sur une durée au moins égale à un cycle économique, puisque le niveau des taux varie avec la situation conjoncturelle.

À fin 2014, la mise en oeuvre de cette stratégie demeure temporairement suspendue. Le programme de contrats d’échange de taux peut toutefois être réactivé si les conditions de marché le justifient, après information du marché. Nous sommes donc actuellement dans une gestion totalement passive des risques financiers issus de l'émission de dette, et aucune action de couverture sur les taux d’intérêt n'est prévu, ce qui est contraire à toute bonne pratique de la finance de marché!

Proposition 3: Inciter à une réappropriation de la dette souveraine de la France par les français eux-mêmes via la création d'un nouveau livret défiscalisé.


L'Agence France Trésor devrait encore « innover » en mettant en place un marché secondaire de la dette française pour les particuliers. A proprement parler, cette initiative ne vise pas à élargir la base des investisseurs destinés. L'Agence France Trésor n'a en effet pas besoin de faire appel à l'épargne populaire. Il s'agit simplement de permettre aux épargnants le même type d'accès au marché des obligations d'Etat que celui proposé sur les marchés « actions », avec des frais de transaction limités.

Il faut aller beaucoup plus loin dans cette logique et tendre vers une réappropriation souveraine de la dette, et ceci à contre courant de ce qui a été fait dans le passé. C'est en effet dans les années 80 que l'idée est apparue de placer la dette de l'Etat sur les marchés étrangers. Sous Pierre Bérégovoy, le ministre des Finances (1992-1993), Michel Sapin souhaitait internationaliser la dette plutôt que de faire appel aux Français, c'était le moyen de la rendre plus inodore et incolore. En conséquence, la proportion de la dette publique détenue par des étrangers est passée de 30% au début des années 90 à 65-70% à partir de 2010.

La dette de l'Etat est donc aujourd'hui une dette obligataire de long terme, négociable sur le marché des capitaux. Cette caractéristique place l'Etat dans une situation de dépendance vis-à-vis des marchés financiers internationaux.

Nous avons vu que le Japon était le pays le plus endetté au monde (239% de son PIB en 2016). Hors cette dette est quasi-entièrement détenue par les épargnants japonais eux-mêmes. Une réappropriation de la dette souveraine par le peuple français permettrait une immunisation de la valeur du spread de risque souverain appliqué à la France par les acteurs des marchés financiers.

Un livret dédié à ces rachats de dette française pourrait être crée avec une incitation fiscale à la clé (en n'exposant pas le détenteur de ce livré à l’impôt sur les intérêts touchés).

Nous rappelons ici que l'épargne total des français s'élève à près de 5000 milliards d'euros (données BdF 2016) et qu'une partie importante de la dette émise peut donc être absorbée.


Le taux d'épargne est excellent en France, et reste stable sur la période 2007-2017. Il est donc à exploiter sur différentes mesure, dont cette proposition.


Malheureusement, c'est l’assurance vie, le plus gros paradis fiscal dans le paysage des placements français, qui aspire la majorité de l’épargne en France … alors que l’assurance vie n’est pas suffisamment utile pour la croissance de l'économie réelle.


Proposition 4: Réduire fortement le déficit commercial extérieur de la France


Cette proposition semble naturelle mais il est important de rappeler son bénéfice. Il est en effet important de baisser les importants qui représentent un coût total pour la France, alors qu'à prix égal, un achat domestique est beaucoup plus profitable pour la France, puisqu' environ 50% du prix d'achat correspond à des charges sociales et fiscales, donc entrent en recette, diminuant ainsi mécaniquement d’autant le déficit.


5 commentaires:

  1. Commentaire 1/2:

    Deux économistes de Harvard avaient publié un article assurant qu'un taux d'endettement public supérieur à 90% du PIB entraîne systématiquement une baisse du taux de croissance. La «démonstration» de Harvard avait eu une influence sur la conception des plans d'ajustement mis en œuvre dans les pays du sud de l'Europe. Cette assertion est fausse comme l'a montré le FMI dans une étude : il n’existe pas de seuil critique du montant de la dette publique au-delà duquel la croissance serait impossible.
    [http://www.lemonde.fr/economie/article/2014/02/18/le-fmi-admet-qu-il-n-existe-pas-de-seuil-critique-de-la- dette-publique_4368748_3234.html]

    La dette publique, au sens de Maastricht (somme des dettes de l’Etat, des collectivités territoriales et des régimes sociaux = santé, retraite, famille et chômage) montre tout de suite ses faiblesses lorsqu'il s'agit de l'utiliser pour comparer le niveau d'endettement des pays : comment en effet comparer des pays dont la protection sociale est différente, certains dont la retraite repose surtout sur des fonds de pensions privés, d'autre sur un système de répartition étatique...etc.

    Le déficit du budget de l’Etat est très différent du budget d'un ménage (même si la plupart des "experts" de la télé l'ignorent, sans parler des politiciens qui parlent d'une gestion en "bon père de famille"). Quand bien même on voudrait rapporter cette dette à l'exemple d'un ménage, pourquoi celui ci peut-il s'endetter à 3, 4 ou 6 fois son revenu annuel, alors qu'un Etat serait limité à 0.6 fois (60%) de celui ci ? Stupide ! Si on appliquait le ratio dette/PIB au bon père de famille, il n'y aurait aucun prêt immobilier.

    De nos jour cette idée néo-libérale que la dette publique serait mauvaise est bien démontée dans un article sur Slate (dont le constat de la 1ère partie est très bon, mais dont les déductions qu'il en tire ont été retoquées par les faits depuis 3 ans) qui dit [http://www.slate.fr/tribune/ 86431/dette-publique#2]:
    "Vouloir traiter la dette publique comme une vulgaire dette privée revient, à nier l’idée même de collectivité nationale agissant dans la durée en tant que puissance publique au travers d’un Etat moderne, c’est-à-dire à la fois régalien et prestataire des solidarités. C’est bien une manifestation du crédo-libéral qui veut réduire l’Etat à son rôle régalien pour diminuer son coût et donc les prélèvements de solidarité, laissant à la dette privée et aux inégalités le règlement des questions qui peuvent être couvertes par des assurances privées; la dette publique n’est donc pas un choix comptable, ni même seulement économique, c’est un choix d’économie politique."

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    1. Commentaire 2/2:

      Le problème de la pensée dominante libérale, est non seulement de comparer des choses non comparables (un ménage et un état, ou encore des flux et des stocks de dette), mais aussi de faire abstraction de la dette privée. On a beau jeu souvent de comparer France et Royaume Uni en omettant de souligner l'énormité de la dette privée (immobilier mais aussi crédit à la consommation) des Anglais et le taux élevé d'épargne des Français. La dette des ménages anglais atteint des sommets vertigineux (en 2006 elle était presque trois fois supérieure à celle des Français et dépassait le niveau du PIB britannique - source: http://www.independent.co.uk/money/loans-credit/for-the- first-time-britons-personal-debt-exceeds-britains-gdp-462825.html). Ainsi un article du Independent écrivait en 2006:
      "UK borrowers account for one third of unsecured debt in western Europe
      On average, a Briton has twice the debt of a European
      Total consumer debt in the UK is at a record £1.3 trillion
      New debt last year came to an unprecedented £215bn"

      Par ailleurs, notons cet article de Philippe Askenazy qui explique : en France, « La dette nette de l’Etat est de l’ordre de 80 % du PIB et le patrimoine net de la population française de 510 % du PIB. » (490 % du PIB en Italie, 340 % en Finlande).
      [http://www.lemonde.fr/idees/article/2012/01/30/trop-de-riches-tue-l-impot_1636198_3232.html]
      La Banque Mondial a publié une étude comparative justement en 2006 [http://siteresources.worldbank.org/INTEEI/214578- 1110886258964/20748034/All.pdf ]

      Bref, l'article de Slate cité plus haut a raison d'écrire:
      "Si l’on veut être honnête et sérieux dans l’analyse et les comparaisons entre Etats développés à niveau de vie comparable, il faudrait, pour les pays à faible endettement public résultant d’une faible socialisation de certaines dépenses, prendre en compte une partie de la dette privée pour mesurer l’impact réel des choix politiques sur les ménages. Inutile de dire que ce n’est jamais fait."

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  2. Effectivement, on ne peut pas comparer la dette d'un pays avec celui d'un autre aussi facilement.
    Pour ce faire, il faudrait pouvoir pondérer l'endettement découlant des prestations de solidarité. Cela montrerait certains pays comme potentiellement plus endettés que nous, car n'ayant aucune prestation de santé par exemple, il limite leurs endettements, mais n'apporte aucune sécurité à leur citoyen.

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    1. Il est en effet primordial suite à ce premier article sur la dette de définir ce qui est responsable de la dette elle-même: si un pays possède une dette de 100 dont la majorité représente des dépenses d'investissement dans l'avenir, les dépenses de société, alors on peut considérer cela comme une bonne dette. A contrario, si la majeure partie des 100 représentent des intérêts de la dette elle-même, on peut raisonnablement se poser la question sur le bien-fondé d'une telle charge financière.

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    2. Oui mais du coup ne vaudrait-il pas mieux s'endetter encore plus en faisant des investissements (ce qui profite aussi à l'économie dans un cercle vertueux) quitte à augmenter l'endettement à court terme ?

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