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lundi 2 septembre 2019

Fiche de lecture - Etienne de la Boétie - Discours de la servitude volontaire - 1576

Le Discours de la servitude volontaire est un ouvrage rédigé par Étienne de La Boétie. Publié intégralement en français en 1576. Ce texte consiste en un court réquisitoire contre l'absolutisme qui étonne par son érudition et par sa profondeur, alors qu'il a été rédigé par un jeune homme. Ce texte pose la question de la légitimité de toute autorité sur une population et essaie d'analyser les raisons de la soumission de celle-ci (rapport « domination-servitude »).

L’originalité de la thèse soutenue par La Boétie est de nous démontrer que, contrairement à ce que beaucoup s’imaginent quand ils pensent que la servitude est forcée, elle est en vérité toute volontaire.



Résumé


Ce texte nous parvient grâce à Montaigne qui a fait connaitre ce texte après la mort de son ami Etienne de la Boétie. Il devient le père de la désobéissance civile. C'est une analyse de l'aliénation du peuple en fournissant tout au long de l'écrit, tous les mots de la passivité du peuple...

Mais pourquoi les peuples s'asservissent-t-ils?
La premiere raison est la coutume: ils sont habitués. Les gens qui vivent dans le servage n'ont pas la vision de la liberté qu'ils ne connaissent pas et transmettent cet état d'asservissement à leur progéniture. Les gens perdent la vaillance ainsi que l'ardeur de la liberté.

Etienne de la Boétie conclut que si on désire se débarrasser d'un tyran, il suffit de ne rien faire et de cesser de le servir car le tyran vit des peuples et non l'inverse...

Les citations présentées dans la section suivante reprennent ces différentes idées. L'édition prise en considération pour la lecture inclue également une fable de la Fontaine "Le Loup et le Chien" qui illustre parfaitement l'essence même de la pensée de la Boétie : à découvrir également avec plaisir!


Citations


"Pour ce coup, je ne voudrais sinon entendre comme il se peut faire que tant d'hommes, tant de bougs, tant de villes, tant de nations endurent quelquefois un tyran seul, qui n'a puissance que celle qu'ils lui donnent ; qui n'a pouvoir de leur nuire, sinon qu'ils ont pouvoir de l'endurer ; qui ne saurait leur faire mal aucun, sinon lorsqu'ils aiment mieux le souffrir que lui contre dire."
"Ce sont donc les peuples mêmes qui se laissent ou plutôt se font gourmander, puisqu'en cessant de servir il en seraient quittes ; c'est le peuple qui s'asservit, qui se coupe la gorge, qui ayant le choix ou d'être un serf ou d'être libre, quitte la franchise et prend le joug, qui consent à son mal, ou plutôt le pourchasse."
"Les tyrans, plus ils pillent, plus ils exigent, plus ils ruinent et détruisent, plus on leur baille, plus on les sert, de tant plus ils se fortifient et deviennent toujours plus forts et plus frais pour anéantir et détruire tout ; et si on ne leur baille rien, si on ne leur obéit point, sans combattre, sans frapper, ils demeurent nus et défaits et ne sont plus rien, sinon que comme la racine, n'ayant plus d'humeur ou aliment, la branche devient sèche et morte."
"Il y a trois sortes de tyrans : les uns ont le royaume par élection du peuple, les autres par la force des armes, les autres par succession de leur race."
"C'est donc que nous ne sommes pas seulement nés dans l'indépendance, mais encore que nous avons pour mission de la défendre."
"On ne déplore jamais la perte de ce que l'on n'a jamais eu ; le regret ne vient qu'apres le plaisir." 
"Il est vrai qu'au commencement, on sert contraint et vaincu par la force ; mais ceux qui viennent après servent sans regret et font volontiers ce que leurs devanciers avaient fait par contrainte. C'est cela, que les hommes naissent sous le joug, et puis nourris et élevés dans le servage, sans regarder plus avant, se contentent de vivre comme ils sont nés, et ne pensent point avoir autre bien ni autre droit que ce qu'ils ont trouvé, ils prennent pour leur naturel l'état de leur naissance."
"Ainsi la première raison de la servitude volontaire, c'est la coutume : comme des braves courtauds, qui au commencement mordent le frein et puis s'en jouent, et là ou naguère ruaient contre la selle, ils se parent maintenant dans les harnais et tout fiers se gorgiassent sous la barde. Ils disent qu'ils ont été toujours sujets, que leurs pères ont ainsi vécu ; ils pensent qu'ils sont tenus d'endurer le malet se font accroire par exemple, et fondent eux-mêmes sous la longueur du temps la possession de ceux qui les tyranisent ; mais pour vrai, les ans ne donnent jamais droit de mal faire, ainsi agrandissent l'injure."
"Les théâtres, les jeux, les farces, les spéctacles, les gladiateurs, les bêtes étranges, les médailles, les tableaux et autres telles drogueries, c'étaient aux peuples anciens les apparâts de la servitude, le prix de leur liberté, les outils de la tyrannie. Ce moyen, cette pratique, ces allèchements avaient les anciens tyrans pour endormir leurs sujets sous le joug. Ainsi les peuples, assotis, trouvent beaux ces passe-temps, amusés d'un vain plaisir, qui leur passait devant les yeux, s'accoutumaient à servir aussi niaisement, mais plus mal, que les petits enfants qui, pour voir les luisantes images des livres enluminés, apprennent à lire." 
"Si celui qui ne faisait que le sot est à cette heure bien traité là-bas, je crois que ceux qui ont abusé de la religion, pour être méchants, s'y trouvent encore à meilleures enseignes." 
"Ce n'est pas tout à eux que de lui obéir, il faut encore lui complaire ; il faut qu'ils se rompent, qu'ils se tourmentent, qu'ils se tuent à travailler en ses affaires et puis qu'ils plaisent de son plaisir, qu'ils laissent leur goût pour le sien, qu'ils forcent leur complexion, qu'ils dépouillent leur naturel ; il faut qu'ils se prennent garde à ses paroles, à sa voix, à ses signes et à ses yeux ; qu'ils n'aient ni oeil, ni pied, ni main, que tout ne soit au guet pour épier ses volontés et pour découvrir ses pensées. Cela est-ce vivre heureusement ? cela s'appelle-t-il vivre ? est-il au monde rien de moins supportable que cela [...]? Quelle condition est plus misérable que de vivre ainsi ?"
"L'amitié, c'est un nom sacré, c'est une chose sainte ; elle ne se met jamais qu'entre gens de bien, et ne prend que par une mutuelle estime ; elle s'entretient non tant par bienfaits que par la bonne vie. Ce qui rend un ami assuré de l'autre, c'est la connaissance qu'il a de son intégrité : les répondants qu'il en a, c'est son bon naturel, la foi et la constance. Il ne peut avoir d'amitié là ou est la cruauté, là ou est la déloyauté, là ou est l'injustice ; et entre les méchants, quand ils s'assemblent, c'est un complot, non pas une compagnie ; ils ne s'entraiment pas, mais ils s'entrecraignent ; ils ne sont pas amis, mais ils sont complices." 
"Quelle peine, quel martyre est-ce, vrai Dieu ? Etre nuit et jour après pour songer de plaire à un, et néanmoins se craindre de lui plus que d'homme du monde ; avoir toujours l'oeil au guet, l'oreille aux écoutes, pour épier d'ou viendra le coup, pour découvrir les embûches, pour sentir la ruine de ses compagnons, pour aviser qui le trahit, rire à chacun et néanmoins se craindre de tous ; n'avoir aucun ni ennemi ouvert ni ami assuré ; ayant toujours le visage riant et le coeur transi, ne pouvoir être joyeux, et n'oser être triste!

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