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lundi 2 septembre 2019

Fiche de lecture - Abbé Sièyes - Essai sur les privilèges - 1788

Cet article propose une fiche de lecture de l'ouvrage de l'Abbé Emmanuel Joseph Sièyes, qui publia en 1788 l'ouvrage "Essai sur les privilèges" ou il décrit les inconvénients majeurs d'une société ou une Caste de privilégiés sont présents au sein d'une Nation. 

Le pamphlet peut être relu de manière très actuelle autant en focalisant sur une certaine classe dirigeante privilégiée que sur certains corps de la société faisant bloc pour garder leurs privilèges...




Résumé


La principale cible de l'abbé Sièyes est bien entendu la noblesse, c'est-à-dire les privilèges héréditaires. Partant de la théorie politique, Sièyes, montre l'inutilité fonctionnelle d'une classe de privilégiés voire même sa contre-productivité face aux non privilégiés se retrouvant découragés, la seule récompense possible pour des serviteurs de la chose publique n'étant qu'un traitement temporaire et limité. 

La noblesse est un corps intermédiaire qui fait écran entre l'autorité commune et le citoyen ; elle est une nation dans la nation, et manifeste ce qu'elle croit une différence d'essence d'avec le peuple par une exclusion volontaire du corps social. Que ce soit dans cet ouvrage ou celui qu'il écrira l'année suivante, Qu'est-ce que le Tiers-Etat, la cible est plus la Noblesse que le roi lui-même, qui reste savamment non critiqué dans les deux écrits.



Citations


"On a dit que le privilège est dispense pour celui qui l'obtient, et découragement pour les autres. S'il en est ainsi, convenez que c'est une pauvre invention que celle des privilèges. Imaginons une société la mieux constituée et la plus heureuse possible : n'est-il pas clair que, pour la bouleverser, il ne faudra que dispenser les uns et décourager les autres.
"Cependant, tel est le déplorable effet du long asservissement des esprits, que les peuples, loin de connaître leur vraie position sociale, loin de sentir qu'ils ont le droit même de faire révoquer les mauvaises lois, en sont devenus jusqu'à croire que rien n'est à eux que ce que la loi, bonne ou mauvaise, veut bien leur accorder."
"Tous les privilèges sont donc, par la nature des choses, injustes, odieux et contradictoires à la fin suprême de toute société politique."
"Dans la nature, la supériorité ou l'infériorité ne sont pas des choses de droit, mais des choses de fait : celui-là devient supérieur qui l'emporte sur l'autre. Cet avantage de fait suppose, à la vérité, plus de force d'un côté que d'un autre ; mais si l'on veut en venir à ce premier titre, de quel côté sera la supériorité ? à qui croyez-vous qu'elle appartienne ? au corps des citoyens ou aux privilégiés ?
"Pénétrez un moment dans les sentiments d'un privilégié. Il se considère, avec ses collègues, comme faisant un ordre à part, une Nation choisie dans la Nation. Il pense qu'il se doit d'abord à ceux de sa Caste, et s'il continue à s'occuper des autres, ce ne sont plus en effet que les autres, ce ne sont plus les siens. Ce n'est plus ce corps dont il était membre ; ce n'est que le peuple qui, bientôt dans son langage, ainsi que dans son coeur, n'est qu'un assemblage de gens de rien, une classe d'hommes créée tout exprès pour servir ; au lieu qu'il est fait, lui, pour commander et pour jouir."
"Faire d'un privilège une propriété transmissible, c'est vouloir s'ôter jusqu'aux faibles prétextes par lesquels on cherche à justifier la concession des privilèges ; c'est renverser tout principe, toute raison." 
"La seule hiérarchie nécessaire, nous l'avons dit, s'établit entre les agents de la souveraineté ; c'est là qu'on a besoin d'une gradation des pouvoirs ; c'est là que se trouvent les vrais rapports d'inférieur à supérieur, parce que la machine publique ne peut se mouvoir qu'au moyen de cette correspondance."
"Je crois important pour la facilité de la conversation, de distinguer les deux hièrarchies dont nous venons de parler, par les noms de vraie et fausse hiérarchie. La gradation entre les gouvernants et l'obéissance des gouvernés envers les différents pouvoir légaux, forme la véritable hièrarchie nécessaire dans toutes les sociétés. Celle des gouvernés entre eux n'est qu'une fausse hiérarchie, inutile, odieuse, reste informe de coutumes féodales. Pour concevoir une subordination possible entre gouvernés, il faudrait supposer une troupe armée, s'emparant d'un pays, se rendant propriétaire, et conservant, pour la défense commune, les rapports habitués de la discpline militaire. [...] Mais il était bien de faire remarquer que les véritables ennemis de la subordination et de la vraie hièrarchie, ce sont ces hommes-là même qui prêchent avec tant d'ardeur la soumission à la fausse hiérarchie.
"Toutes les classes de citoyens ont leurs fonctions, leur genre de travail particulier, dont l'ensemble forme le mouvement général de la société. S'il en est une que prétende se soustraire à cette loi générale, on voit bien qu'elle ne se contente pas d'être inutile, et qu'il faut nécessairement qu'elle soit à la charge des autres."

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